Sortir les migrants de l’enfer libyen

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photos et vidéos de Sinawi Medine

Trois membres de notre équipe médicale présente à bord de l’Aquarius ont profité de leur débrief au siège pour improviser un point info, témoigner de leur expérience et tout particulièrement de la stupeur qu’ils ont éprouvée en découvrant la terrifiante réalité des migrants en Libye. Un sort d’une violence allant au-delà de l’imagination. La motivation initiale « on ne veut pas que les gens se noient en Méditerranée » est rapidement devenue « il faut les sortir de l’enfer libyen ». 

 

Selon le Dr Anne Kamel, la coordinatrice médicale, les traumatismes liés aux violences subies en Libye sont tels qu’une fois à bord du bateau de sauvetage, les hommes s’effondrent et les femmes s’enferment dans un mutisme quasi total. Tous les migrants venants d’Afrique passe par la Libye. Il n’y a pas d’autre route. D’après Stefany Spindola, médecin à bord et Maryse Etiennoul, infirmière sur l’Aquarius, les exilés témoignent de l’inimaginable. En Libye, être noir signifie être un criminel et ainsi, vivre caché. Qu’ils soient hommes, femmes ou enfants, la couleur de leur peau détermine leur destin et suffit à mettre leur vie en péril. Un Africain dans une rue libyenne sera rapidement kidnappé, séquestré, enfermé dans des maisons de torture par des milices. Chaque femme exilée passant par la Libye est violée. La plupart du temps, à de nombreuses reprises. Parfois, une grossesse s’en suit. Mais les femmes ne sont pas les seules victimes de ces atroces violences sexuelles. Les hommes et les enfants, le sont également. Ils racontent aussi l’horreur de la roulette russe, se demandant chaque jour, si c’est leur tour.

Equipe soignante MdM Aquarius

Sauvetage Aquarius

 « Depuis le début de l’année 2016, 180 000 exilés ont choisi de traverser la Méditerranée » 

Fuir l’enfer de la Libye est une question de survie. En échange d’argent et/ou de relations sexuelles, le passeur donne un ticket. “Le sauvetage est compris dans le prix” leur dit-il. En attendant la traversée, les migrants sont stockés dans de grands hangars. Le jour du départ, l’enfer n’est pas encore terminé. La plupart ne savent pas nager. Ils découvrent les terribles conditions dans lesquelles ils vont devoir effectuer le trajet en Méditerranée, étant bien trop nombreux pour une embarcation extrêmement précaire. Des hommes armés leur tirent dessus. Il faut se démener au péril de sa vie pour monter sur le zodiac, c’est l’unique chance. Certains n’y parviendront pas. Certains se noieront durant la traversée. Certains auront la chance d’être repérés et secourus en mer. La plupart sont presque nus, avec des blessures dues aux violences subies en Libye mais aussi liées à la traversée, notamment causées par des brûlures de carburant.

7 heures 30 le bateau de sauvetage approche du zodiac des migrants

Stefany Spindola, médecin MdM en charge des urgences à bord, a présenté les différentes étapes d’un sauvetage. L’Aquarius arpente les eaux internationales aux abords des côtes libyennes. Lorsque le MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) détecte un signal de détresse, celui-ci demande au navire le plus proche de se rendre sur la zone. S’il s’agit de l’Aquarius, le bateau navigue alors en urgence dans leur direction. Les médecins, infirmiers de la clinique MdM de bord se préparent à leur venir en aide. Les embarcations de fortune des migrants sont ballottées par le courants et les vagues. La recherche peut durer de longues heures. Une fois le navire proche des personnes en détresse, les secouristes embarquent dans des canaux de sauvetage afin d’être au plus près des exilés et de leur lancer des gilets de sauvetage. Suivant les conditions météorologiques, il faut plusieurs rotations et deux ou trois heures pour mettre l’ensemble des survivants à l’abri.

équipe MdM dans la clinique

sauvetage : à bord les personnes sont très choquées

 

Les blessés sont pris en charge par l’équipe soignante de Médecins du Monde dans la clinique
Les témoignages des migrants sont recueillis. On leur donne un kit avec des chaussettes, un sac vomitoire, de l’eau, une couverture de survie et une en laine ou polaire pour les protéger du froid, trois repas par jour et on leur explique ce qui va se passer en Italie. Des tentes et des équipes médicales sont en place pour les accueillir à Lampedusa ou dans le port italien dans lesquels ils sont débarqués. Pour ceux qui ont subi des violences, notamment sexuelles, le médecin de bord peut laisser un mot dans leur sac à l’attention des soignants présents sur terre, afin que les victimes n’aient pas à revivre plusieurs fois leur(s) traumatisme(s). Les survivants peuvent alors trouver refuge dans un centre d’accueil, d’autres tenteront de rejoindre l’Europe du Nord. Certains pourront faire une demande d’asile. Les autres seront reconduits dans leur pays.

 

Maryse réconforte une jeune réfugiée 
Epuisee et deshydratee la jeune fille recoit soins et ecoute

Des dizaines de témoignages ont été recueillis par Pauline Bandelier, chargée de communication pour SOS Méditerranée, notamment sur les mineurs isolés étrangers. L’équipe soignante a suspecté un éventuel réseau de prostitution lors d’un sauvetage de nombreuses femmes en détresse tentant de traverser la Méditerranée à bord d’un zodiac en bien meilleure état qu’habituellement. Le Dr Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde, rappelle qu’ « il est de notre devoir de témoigner, tout de suite et au-delà même du plaidoyer ». 

Les routes de l'exil: un enchainement d'épreuves et de souffrances  ces femmes et ces hommes ont réussi à quitter la veille les côtes libyennes pour mener leur quête de liberté, mais c'est une nouvelle prison qui les retient et les menace. Sans radio ni gilet de sauvetage, les migrants laissent le destin décider entre leur vie et leur mort: être guidé et sauvé ou s'évaporer en Méditerranée. première opération de sauvetage des migrants en Méditerranée (entre la Libye et l'Italie) projet SOS.Méditerranée en partenariat avec Medecins du monde

 

Lisa Prieure, assistante communication interne pour MdM.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour,
    Je prends connaissance de votre article remarquable lequel nous informe avec toutes transparences réelles sur le sauvetage des Migrants et l’aide que le personnel Médecins Du Monde apporte à ces enfants, femmes et hommes victimes de violences, les obligeant à fuir leur pays et terre d’origine, abandonnant la plupart du temps leur famille afin de trouver un Monde meilleur pour leur survie.
    Malgré ces violences subies, ces enfants, femmes et hommes en subissent d’autres en traversant la Libye, la mer afin de rejoindre l’Italie.. et qui malheureusement avec un retour dans leur pays pour la plupart d’entre eux…
    Il est inconcevable de constater encore en 2016 que des personnes soient victimes de ces violences “STOP” lesquelles sont punissables en France pour “non-assistance à personne en péril” article 223-6, alinéa 2 du code pénal.
    Je tiens à vous souhaiter ma reconnaissance pour le travail que vous toutes et tous à Médecins Du Monde réalisés afin de venir en Aide à toutes ces personnes en périls.
    Cordialement,
    Jean-Claude Prieure

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