Soignons-nous encore ?

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Soigner, témoigner, telle est la devise durable de MDM. Elle traverse ce journal. Le plaidoyer s’y est sans doute rajouté. Dans les années 90, pardonnez cette affectation d’ancien combattant, rédigeant pour Actualités un article sur nos actions, je l’avais introduit ainsi : «Certes nous soignons… Mais témoignons-nous vraiment ?» Ce numéro du journal, ce que j’ai pu entendre aux Universités d’automne, d’autres sensations me font me poser la même question quant au premier terme de la devise. Soignons-nous encore ? Cette question, j’espère, va choquer la plupart d’entre nous, mais posons-la nous.

 

Le monde est à feu et à sang, on dirait qu’il se désagrège. Les «crises» militaires, terroristes, violentes, climatiques, sanitaires, économiques se succèdent à un rythme abasourdissant. Est-ce que nous n’avons pas baissé un peu les bras ? A l’international, les terrains sont constamment dangereux et la mode est au soutien des communautés. Nous envoyons donc de moins en moins d’expatriés sur le terrain. C’est moins cher et pourquoi pas : la «substitution» à tout va nous a bien montré ses limites depuis plusieurs décennies. Mais on peut craindre que ces réorientations se fassent parfois au mépris de la qualité de nos missions. Celles-ci sont de plus en plus démédicalisées… comme l’ensemble de l’association.

 

Ici, en France, ce type d’interrogation se fait jour. Dans un excellent papier, Max PLANTAVID qui est de ma génération, se pose la même question pour nos programmes en France : «Quelle est la place du soin au sein des CASO ? La raison d’être de ce dispositif n’est pas le soin, c’est le non accès aux soins et les difficultés de fonctionnement des PASS…» Dieu sait, s’il s’y intéresse, combien nous avons été fiers d’adouber d’autres acteurs, des travailleurs sociaux, des anthropologues, des sociologues, des juristes… au sein des Médecins du Monde. Nous le sommes toujours, absolument, fiers de cela et de ce qu’ils ont apporté dans les programmes.

 

Pourtant, le reste du monde, les sociétés civiles, le public français, le pouvoir, les bailleurs, nous perçoit toujours comme des soignants, des médecins. Aux universités d’automne, lors d’un atelier, j’ai assisté et participé à un débat où il était question de remplacer “soigner” par «prendre soin». Après la plénière de restitution, la présidente du Comité des donateurs s’en est discrètement mais fermement émue. Je pense qu’il convient de rester vigilant. Médecins du Monde doit garder son identité extérieure et intérieure. Prendre soin d’accord, c’est essentiel et nécessaire. Mais nombre d’autres acteurs le font également. Mais pour ce qui est de soigner, c’est nous (et quelques autres).

 

Novembre 2014 – Lettre et débats n°46 – Midi-Pyrénées

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