Quel avenir pour ces Africains ayant tout risqué ?

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Maryse Boscameric, co-responsable de la mission Migrants Mésoamérique
 
 

 

Devant l’Institut de Migration INM de Tapachula, 300 à 400 migrants attendent depuis plus de 2 mois leur visa de circulation au Mexique pour rejoindre les Etats Unis ou le Canada. Dans cet état du Chiapas, il y aurait  également 3 000 migrants africains dispersés. Ils sont pour la majorité Camerounais, Angolais et Congolais et, moins nombreux, Togolais, Mauritaniens, Maliens…. Des Pakistanais, des Cubains et des Haïtiens seraient localisés pas loin, à d’autres endroits.

D’où viennent-ils ? Certains sont arrivés du Brésil ou d’Argentine puis sont remontés par le Pérou, l’Equateur et la Colombie. Pour rejoindre le Panama, ils ont traversé la Selva de Darién aux conditions climatiques suffocantes. Certains compagnons de route sont tombés malades, quelques-uns ont perdu la vie. Dans cette jungle, nombreux sont ceux  qui ont été dévalisés, contraints à continuer la route sans argent. Selon leurs témoignages, l’accueil des pays d’Amérique Centrale a été correct, surtout au Costa Rica. 

Depuis leur arrivée au Mexique, ils se plaignent d’être mal reçus. Leur situation est bloquée. Dans l’attente de l’autorisation de circulation qui n’arrive pas, ils subissent racisme et maltraitance. Parlant français mais pas espagnol, la communication est très compliquée. Pour beaucoup, sans argent, comment se loger et se nourrir? Le seul espoir auquel s’accrocher reste d’arriver aux Etats Unis ou au Canada. Peu d’entre eux envisagent le statut de réfugiés pour demander asile au Mexique.

 

Dans ce campement, la plupart sont en famille avec de jeunes enfants, quelques femmes sont enceintes. Ils disent souffrir du manque d’aide. Leurs conditions de vie, sous des tentes avec un accès à l’eau réduit (MdM y livre des containers) et si peu de latrines sont trop précaires. Ils se sentent complètement bloqués et désespèrent. On sent des tensions monter entre eux, de nationalités différentes. Leur agressivité reflète l’épuisement physique et psychique.

Depuis des années, des migrants isolés ou en caravane venant de Mésoamérique (Honduras, Salvador, Guatemala, Nicaragua) transitent par L’état du Chiapas, à la sortie de la frontière avec le Guatemala. Les institutions, les associations et les ONG ont répondu à une forte migration mais se trouvent régulièrement débordées par l’importance de ce nouveau flux. Depuis un mois, une nouvelle caravane de Mésoaméricains s’apprête à partir. Les Africains, sous tension et dépités, ont décidé de se joindre à eux pour des questions de sécurité mais aussi de visibilité, pour être tout simplement reconnus.

La veille du départ, suite à notre proposition et à celle de notre partenaire le Centre des Droits Humains Fray Matias, 20 Africains représentant leur communauté sont venus s’informer sur les conditions vécues dans les précédentes caravanes. Et sur la situation actuelle qui se complique de plus en plus depuis la pression de Trump sur le gouvernement mexicain pour imposer une politique migratoire des frontières très contenue. Aujourd’hui, il faut s’attendre au risque d’être détenu dans un camp et d’y rester plusieurs mois avant d’être renvoyé à la frontière au Sud ou vers Ciudad de Mexico pour un retour au pays. Le conseil donné par Fray Matias est de demander l’asile au Mexique, ce qui serait la moins pire des décisions. Mais les Africains refusent ce choix de peur d’être coincés encore longtemps au Chiapas.

Le samedi 12 octobre à 4 heures  du matin, la caravane d’environ 2 000 Mésoaméricains et Africains quitte Tapachula. La sécurité civile, une ambulance et des relais d’hydratation les accompagnent. Les premiers avancent vite mais rapidement la progression des femmes et enfants ralentit et la caravane s’étire. La police est arrivée dans la matinée et, vers 16 heures, la garde nationale stoppe totalement la marche. 613 migrants ont été arrêtés et ramenés de force, enfermés dans le plus grand centre de détention de Tapachula, totalement inaccessible. Les autres s’enfuient et disparaissent de peur d’être arrêtés. Que d’espoir évanoui en une seule journée !!!

En même temps, on apprenait que très près de là, à Tonalà sur la côte pacifique du Chiapas, une embarcation partie du Sud et remontant vers Oaxaca, transportant 22 Camerounais, venait de chavirer le 11 octobre. Deux corps ont été retrouvés sur la plage, 12 personnes sont portées disparues et 7 hommes et une femme sont rescapés ….

Quel avenir pour ces migrants africains qui ont tout risqué pour arriver en Amérique, qui se sont ruinés et ont tout perdu sur le chemin? Les voilà bloqués par la garde nationale mexicaine déployée au sud du pays, sous la contrainte de la politique migratoire des frontières imposée par les Etats Unis.

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