“Nous ne sommes pas allés au conseil des migrants”

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Des exilés en transit à sur le Littoral du Nord Pas de Calais, étape vers le Royaume-Uni, il y en a autour d’un millier, depuis 15 ans. Ils viennent actuellement d’Afghanistan, du Pakistan, d’Irak, d’Iran,  d’Érythrée, d’Éthiopie, de Somalie, du Soudan  et de Syrie. En majorité des hommes. Ils sont plus nombreux depuis quelques semaines, du fait sans doute des modalités de transit en Italie et du chaos en Libye. A Calais, depuis l’élimination des squats, puis  la destruction de deux camps de fortune, ils se sont regroupés en un lieu promis lui aussi à l’évacuation. La municipalité ne veut pas voir la présence des exilés sur son territoire et les conditions de vie sont terribles. Les associations sont en colère.

 

Nous ne sommes pas allés au conseil des migrants ce vendredi 27 Juin, à Calais

 

Nous aurions voulu continuer à croire au « dialogue » avec la mairie, donner nos avis, nos arguments – en tant qu’acteurs de terrain – et entendre le point de vue des gestionnaires de la ville. Mais devant la succession des faits récents, le déroulement des précédents conseils des migrants, nous sommes en colère, nous sommes déçus et nous n’attendons rien aujourd’hui, de cette municipalité. Nous ne renonçons pas, pour autant, à accompagner les personnes exilées présentes à Calais.

 

Depuis le début du conseil des migrants, celui-ci n’a servi qu’à informer sur les décisions déjà prises et sans appel. Il n’y a aucun travail commun, aucune prise en compte, aucune écoute de ce que les gens de terrain ont à dire. Dès qu’un avis différent est exprimé, le ton monte, c’est un euphémisme, et il n’est pas possible de se faire entendre dans cette instance. Cette fois-ci, il s’agit de faire part de l’expulsion prochaine du terrain rue de Moscou, demandée par la mairie¹, et de la réquisition du lieu d’accueil de jour du Secours Catholique pour y installer les habitantes du squat Victor Hugo, ce qui compromet la vie des exilés de l’un et l’autre lieu.

 

Ces expulsions successives aggravent les conditions de vie des exilés

 

Ils doivent trouver un nouveau lieu, les tentes et le matériel sont détruits, mis à la benne, y compris les affaires personnelles, réactivant l’angoisse et le souvenir d’évènements déjà vécus par la plupart, les amplifiant. Du fait de la dispersion dans de nouveaux lieux, non organisés, les conditions deviennent plus difficiles pour les bénévoles associatifs pour remplir les missions qu’ils se sont données : nourrir, vêtir, soutenir les exilés, favoriser leur accès aux soins, à l’hygiène, aux droits.

 

La fatigue et le découragement des bénévoles n’est pas un facteur favorisant leur action.

La faim, la faim, est réelle actuellement pour les exilés, ce sera pire encore après l’expulsion. L’accès aux soins devient très difficile : il y a une consultation PASS pour les exilés, mais encore faut-il le leur faire savoir et les accompagner, et ça va devenir un véritable parcours du combattant.

 

De même l’accès aux droits.

 

Et surtout, l’injonction répétée, « Disparaissez ! », plonge les personnes dans un vrai désespoir. « Partez ! », est la seule consigne, ce n’est pas « Mettez-vous où vous voulez ! », c’est « Partez, on ne veut plus vous voir, disparaissez ! » Disparaissez de la terre : c’est ce qu’ont vécu récemment les exilés avec l’épisode du camping municipal. Comment ne pas comprendre alors l’angoisse et le désespoir qui conduit certains, malgré l’avis contraire des bénévoles, à entamer une grève de la faim ? C’est juste l’obéissance à la consigne « Disparaissez ».

 

Nous sommes en colère…

 

Nous sommes en colère pour une autre raison aussi : depuis le début, la municipalité argue du fait que c’est à l’État de prendre la charge des exilés : et maintenant, la même municipalité empêche l’État et la région de faire quoi que ce soit. Des exemples :

  • le déménagement du squat VH
  • l’expulsion du terrain au moment où des mesures préfectorales sont prises pour faciliter la démarche de demande d’asile
  • le blocage de la moindre amélioration, même de l’hygiène et de l’assainissement, que la Région est d’accord pour faire sur son terrain.

Nous constatons que la municipalité tient un double langage : elle demande à l’État de faire, et elle l’empêche de faire ! Et l’État fait de même, en sens inverse.

 

Nous sommes en colère aussi en pensant aux calaisien(ne)s. Expulser les exilés des squats et des terrains ne va pas les faire disparaître. Tous, nous savons bien qu’après chaque expulsion, nous voyons les exilés errer dans les rues, discrètement certes, mais errer. Et plus les conditions de vie (nourriture, hygiène, sécurité) sont dures pour les exilés, plus ils sont en recherche de moyens de survie, et plus ils vont être présents en ville. Au grand dam de ceux qui ne veulent pas les voir.

 

Nous sommes en colère aussi car nous savons que les calaisien(ne)s sont choqués par ces manières de traiter des êtres humains, qui, s’ils sont sans papier aujourd’hui, ne sont pas sans droits : ils relèvent des droits de l’Homme. Et c’est une honte pour ces calaisien(ne)s là, que de porter cette honte. Pour les autres, cela contribue simplement à les abaisser.

 

Par la Délégation Nord Pas de Calais

 

¹ Et admise par une ordonnance du Tribunal Administratif le 27 Juin. Par contre, pour la destruction du matériel, le Tribunal s’est déclaré incompétent, et cette destruction n’est donc pas autorisée expressément, ce qui ne signifie pas qu’elle n’aura pas lieu.

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