Construire un projet qui fasse sauter les cloisonnements « France » / « international », qui se pense en cohérence avec une stratégie globale pour les projets prostitution menés par MdM, c’est ce que nous désirions faire en associant les missions Sex Workers à l’élaboration du projet réduction des risques chez les travailleurs du sexe à Moscou.
Après la venue de Maiwenn Henriquet à Moscou en septembre 2014, pour prolonger l‘exploration de la situation des femmes vulnérables, il nous a semblé de plus en plus évident que nous voulions travailler avec deux partenaires (Shagi et Silver Rose) et que le projet serait donc à destination des travailleuses du sexe, avec une forte composante d’outreach et de mobilisation communautaire.
Ces deux structures, dont l’une (Silver Rose) n’est pas reconnue par les autorités – puisque la prostitution est illégale et qu’un syndicat de sex workers ne saurait être autorisé – sont des acteurs de longue date, depuis plus de dix ans, de la RDR et de la défense des droits des personnes vivant avec le VIH, des sex workers…
Elles ont survécu a la disparition de la plupart des acteurs
non étatiques de ce secteur, survenue après 2009. Notre désir commun d’agir en direction des populations les plus vulnérables et stigmatisées, de mener des actions de plaidoyer et de conquérir par la preuve des espaces de liberté et d’expérimentation nous ont réunis. L’expérience de MdM dans les projets « prostit » en France, et notamment dans l’outreach, est apparue incontournable pour nourrir notre réflexion et élaborer notre projet, discuter ses modalités, ses spécificités aussi. Et comme MdM c’est aussi une vie associative singulière, difficile à saisir sur le seul papier, nous avons voulu que nos partenaires fassent connaissance avec cet aspect et puissent dialoguer et se présenter dans le cadre du groupe LSD. C’est avec l’objectif de contribuer à une réflexion collective sur la stratégie de RdR « prostit », de nous y inscrire, et pourquoi pas , de mener des actions communes de plaidoyer que nous en sommes ressortis.
De tous les volets de cette mission – exploratoire pour nos partenaires ? – beaucoup se sont passés au café et quelques-uns, dans les bus et les locaux de MdM.
Les ateliers communs organisés pour apprécier la proximité de nos pratiques et valeurs respectives ont débouché sur des conclusions inattendues. Nous étions complémentaires, certes, mais pas tels que nous l’avions anticipé. MdM dispose d’une solide expérience de l’outreach vers les sex workers, essentielle pour le futur projet à Moscou. Shagui et Silver Rose sont pour leur part des experts de la mobilisation communautaire. Leurs savoir-faire en ce domaine nous sont et nous seront utiles pour renouveler nos approches.
Les outreachs menés ensemble permettent de forger un regard collectif et de jeter les bases de ce qui est/sera l’équipe. Les ateliers de travail, le temps passé à débattre des nuances dans la mise en œuvre du projet, font de nous des partenaires, unis par un projet, la volonté d’agir et de peser sur le monde. Une envie ouverte, questionnante. Joyeuse et combative aussi.
Combativité dans l’activisme des uns, combativité face aux épreuves et aux discriminations des autres. Personne ne baisse les bras et chacun agit à sa mesure. Ensemble. Ensemble encore nous allons agir* et continuer de réfléchir à nos pratiques, collectivement, pour les améliorer à Moscou, à Nantes, à Paris ou ailleurs. Et faire bouger les lignes.
* Précision de l’équipe: le partenariat reste à finaliser et le programme n’a pas encore été soumis à la validation du comité de direction mais l’expérience nous semble déjà riche et à partager.