Premières journées des missions : qui sont les Médecins du Monde ?

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Studio de l’ermitage, nuit du 30 mai …
photos de Nicolas Moulard

Des enveloppes bleues contenant des photos de femmes et d’hommes souriants, amusés, déjantés, joueurs. Ils n’ont pas d’âge car ils les ont tous.Quelle est donc cette complicité photographique qu’ils partagent en cet instant immortel d’une soirée Cotton Club ? Ce sont eux ces Médecins du Monde, mais qui sont-ils ? Pour les approcher, on a constitué une petite équipée pour leur poser trois questions : votre premier baiser ?  Votre premier acte illégal ? Votre relation au religieux ?

En terme de premier baiser, les femmes de Médecins du Monde ont une longueur d’avance. En moyenne, elles ont embrassé à 13 ans, et elles ont ambitieusement compté les secondes pour embrasser plus longtemps que leur meilleure copine. Certaines, avant ce premier baiser, étaient déjà parties en mission exploratoire : en embrassant une amie, ou en faisant des hypothèses avec leur main. Les garçons, eux, étaient déjà plus timides et réservés. En moyenne, ils embrassaient avec la langue à 16 ans, et étaient déjà amoureux, disent-ils. Ils sont finalement beaucoup moins opérationnels qu’on eût supputé. Tout ce qui avait attrait à la santé sexuelle et reproductive les impressionnait tant… qu’ils se sont rattrapés plus tard, dans le cadre de leur engagement humanitaire. Femmes et hommes de MdM ont ainsi un sacré point commun : le terrain et son exotisme. Car leur premier baiser n’a pas lieu n’importe où : baiser volé au coin d’un ballot de paille ou d’un buisson de mûres, pour les opérations en milieu rural ; baiser fougueux sur une moto vrombissante en zone urbaine sensible ; baiser en face d’une effigie de Ronald Mac Donald dans un rejet, déjà, du capitalisme.

Pour leur « premier acte illégal », on s’y attendait, les MdM ont fait des conneries. Du vol de bonbons au vol de moto (toujours la fameuse moto vrombissante), la consommation bien sûr de produits illicites dans un esprit RdR, des tags militants sur des murs, un peu de trafic de drogues à la frontière Birmane, des faux papiers et usages de faux, et quelques nuits d’amour volontaire pour héberger des sans-papiers… On comprend mieux pourquoi leurs yeux brillent et leur bouche salive quand on leur parle de « désobéissance civile », à cette bande de sales gosses.

Dernière question. Leur relation au religieux. La réponse est sans appel : aucun d’entre eux n’est indifférent au religieux, soit qu’ils y ont cru dur comme fer voire y croient encore ; soit parce qu’ils entretiennent une aversion profonde au religieux. Celui-ci qui a l’air d’un rebelle a pourtant fait sa profession de foi et est même tombé amoureux d’un prêtre. Celle-là, à l’air immaculé, a tenté de mettre le feu à une église.

Les Médecins du Monde sont donc résolument détonants. C’est pour cela, et sans nul doute, qu’ils se sont engagés. Aujourd’hui, ils ont voté pour leur nouveau projet associatif, pour leur CA et leur nouvelle présidente. Ils ont voté avec consensus et unanimité. Certains diront que ce vote avait des airs staliniens… D’autres y verront là la résultante de mois de réflexions et de pensées communes ; d’une continuité des JDM où pendant une semaine tous ont discuté autour de plénières, d’ateliers et de réunions parfois plus circulaires que linéaires. D’autres  ajouteront qu’il s’agit là d’une osmose liée à cette capacité inéluctable d’aller poursuivre les débats en off autour de verres de trop, de s’engager ensemble jusqu’au petit matin dans les bureaux de la direction d’opérations France et des urgences, dans un hall latino, ou tout simplement Au Fond du Bar, la dernière instance de MdM qu’on accepterait de supprimer.

La fête est finie au Studio l’Ermitage de Ménilmontant. Il est 5h bien sûr à Paris. Chacun repart, son costume, ses talons hauts, son boa et son chapeau sous le bras, le paquet de clopes vide, une enveloppe bleue remplie de photos, «  comme des lyres,  je tirais les élastiques / De mes souliers blessés, un pied contre mon cœur » aurait pu dire Rimbaud.

Dès le lundi, les bureaux de la rue Marcadet sont redevenus studieux. Les discussions, les débats, les négociations, les stratégies d’actions vont pourvoir reprendre. On reçoit de la part du service com’ le tout dernier communiqué de presse annonçant l’élection de notre nouvelle présidente. On y lit « Françoise Sivignon réaffirme la volonté de Médecins du Monde de consolider son réseau international fort de 14 associations et de privilégier les partenariats, y compris dans les situations d’urgence. »  Chouette, on sera encore plus nombreux la prochaine fois pour réfléchir sur nous-mêmes, débattre, interroger, et faire notre Révolution depuis le Fond du Bar. Vivement  l’année prochaine… et en attendant y’a du boulot !

Anne-Sophie Marie, Coordinatrice régionale, délégation Normandie

 

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