Malades étrangers : le couloir de la mort à la française

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 Photo : La Case de Santé

Le 16 juin, quatre ans jour pour jour après la réforme du droit au séjour pour soins, et à la veille des débats parlementaires autour de la future loi sur l’immigration, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers a alerté les médias et les citoyens par un communiqué de presse et des manifestations dans plusieurs grandes villes de France pour dénoncer le véritable “couloir de la mort” réservé par l’État à des malades étrangers.


Quelques jours plus tard, Adeline Toullier, responsable du plaidoyer national de l’association AIDES, également membre de l’ODSE, est montée sur scène pour alerter le public des Solidays sur les scandaleuses expulsions des étrangers malades.

Tout a commencé le 16 juin 2011. Une réforme brutale du droit au séjour pour soins permet alors l’expulsion de personnes gravement malades vers des pays n’offrant aucune garantie d’accès aux soins. Alors que François Hollande s’était engagé à revenir sur cette réforme au cours de son mandat, nous constatons depuis mai 2012 la constante dégradation des conditions d’accès au séjour pour soins et une accélération sans précédent des placements en rétention de malades étrangers en vue de leur expulsion.

Nous parlons de personnes atteintes notamment du VIH, d’une hépatite ou d’un cancer, résidant en France parfois depuis de nombreuses années et que l’État décide d’expulser, mettant ainsi leur vie en péril. Des pratiques illégales se généralisent : certains préfets court-circuitent les avis des médecins, certains médecins ignorent délibérément les circulaires du ministère de la Santé… et au bout de la chaîne, des personnes gravement malades enfermées ou expulsées. Comme cette femme séropositive, vivant en France depuis bientôt 10 ans : le renouvellement de son titre de séjour vient d’être refusé, remplacé par une obligation de repartir en République démocratique du Congo où elle ne pourra pas avoir accès au traitement (seuls 15% des malades congolais avaient accès aux traitements antirétroviraux en 2013)

Dans un contexte où les expulsions priment trop souvent sur le droit à la santé, des malades étrangers se retrouvent pris en tenaille entre des préfets exerçant des prérogatives médicales et quelques médecins d’Agences régionales de santé jouant un rôle policier. Ils vivent sous la menace d’un retour forcé, retour qui signifierait souvent condamnation à mort eu égard à la gravité de leur pathologie. Faire valoir leurs droits est devenu un véritable parcours du combattant, souvent vain. Les plus vulnérables finissent par y laisser leur santé, les moins chanceux y laisseront leur vie.

Ce que l’État réserve désormais à de nombreux malades étrangers, c’est bien un couloir de la mort qui ne dit pas son nom.
Pour nos associations, rien ne peut justifier de sacrifier la vie de personnes malades. Aujourd’hui 16 juin, nos militants ont investi des lieux symboliques dans plusieurs villes en France, afin de dénoncer cette politique.

 

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 Nous demandons au président de la République de tenir ses engagements. Il doit mettre un terme au traitement indigne réservé aux malades étrangers et surseoir aux procédures d’expulsion afin que les dossiers soient réexaminés. Il lui appartient de réaffirmer au plus vite le primat des enjeux de santé sur les objectifs de contrôle migratoire. Un dispositif transparent doit être mis en place, sous la tutelle exclusive du ministère des Affaires sociales et de la santé, afin de garantir la protection des étrangers gravement malades.

Alors que le projet de loi sur l’immigration prévoit le transfert des compétences du ministère de la Santé au ministère de l’Intérieur, nous appelons les parlementaires à refuser d’endosser la responsabilité d’un tel désastre.

Le projet de loi a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 23 juillet 2015. Mi septembre, viendra le tour du Sénat. Durant cette période, les associations entendent avancer leurs propositions et contribuer au débat à l’instar d’instances institutionnelles comme le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme. Ces dernières ont adopté et publié un avis sur le projet de loi. Jacques Toubon, le Défenseur des droits, y rappelle des évidences comme : “Le principe d’égalité inscrit dans la Constitution est universel” et qu’il n’est “ainsi pas possible de distinguer ressortissants nationaux et ressortissants étrangers lorsqu’il s’agit de garantir leurs droits fondamentaux”.

 

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