Le secret partagé

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photo de Olivier Papegnies au CASO de Marseille 

Intervention de Grégoire Moutel – médecin hospitalo-universitaire, maître de conférence des Universités en médecine légale, droit de la santé et spécialiste des questions d’éthique en santé – durant la conférence sur le secret médical.

2 constats :

  1. Il n’y a pas de société et de vie sans secret, contrepoint de l’interdépendance entre les membres du groupe. Lorsqu’il est respecté (secret fondateur) il est le socle de la confiance et du lien entre des individus… et la confidence (donc une relation de qualité), véritable pacte entre des personnes, ne peut reposer que sur cette confiance.
  2. Le secret a de nombreuses implications concrètes : liberté de chacun et choix de vie (mode de vie, droits des patients, choix politiques…). C’est le moyen de se protéger (ex : face à l’intolérance et à la peur, à des stigmatisations et aux persécutions…), de protéger ses proches ou d’autres personnes (secret médical, filiation).

Vaincre le temps

Il convient d’avoir à sa disposition des moyens physiques pour en assurer le caractère caché et en contrôler la transmission. Sa gestion dépend ainsi des supports et des technologies d’une époque. Ces supports, dès lors qu’il s’agit d’un secret à transmettre doivent vaincre le temps (se conserver) et requièrent donc souvent un support matériel : boîtes, parchemin, lettres, dossier support informatique, être gérés dans l’espace (atteindre son ou ses destinataires), ne pas être facilement accessibles.

Il y a donc des règles de gestion du secret avec des responsabilités en rapport (personnes responsables, institutions).

Un droit fondamental de la personne

Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve dans le médecin (comme dans tout soignant), un plaideur, un défenseur. Comme le notaire, l’avocat, le prêtre, les soignants ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leurs sont faites n’étaient pas assurées d’un secret. Ainsi, selon les enseignements d’Hippocrate, la profession médicale s’est donné des règles dont l’obligation morale du respect du patient, en particulier, à travers le secret médical, un point essentiel.

La protection du secret médical n’est pas seulement assurée à l’échelon national mais également à l’échelon européen, en l’occurrence par les règles la Communauté européenne et le Conseil de l’Europe.

Le droit au secret de la vie privée, de l’intimité et par extension au secret médical, est un des droits fondamentaux de la personne, le dernier cercle en deçà duquel l’intérêt général, fondement de l’intervention du Pouvoir, perd sa légitimité. À ce titre, il est un droit protecteur de la personne y compris face au pouvoir Politique (différence avec les dictatures).

Éthique, déontologie et droit pénal

Le secret médical relève de l’éthique (valeurs de la société), du droit déontologique (code déontologie médical et décret de compétence des infirmiers) et du droit pénal (avec cependant des dérogations au secret dans des conditions exceptionnelles).

Selon la loi du 4 mars 2002 (relative au droit des patients), le secret professionnel est l’attribut de tout professionnel de santé participant à la prise en charge d’un patient et donc amené de ce fait à connaître des données de sa vie privée.

Le secret médical ne peut plus être opposé au patient : le devoir d’information à la charge du médecin est précisé et rappelé par la loi du 4 mars 2002 et inscrit dans le CSP : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Bien entendu avec des modulations en fonction de l’état physique et psychique d’une personne (savoir-faire professionnel).

Les impératifs de santé publique imposent quelques dérogations

Les dérogations au secret médical peuvent être liées à des impératifs de santé publique (pathologies directement contagieuses nécessitant une intervention de la puissance publique comme des méningites), concerner la déclaration obligatoire des naissances et décès, ou être en rapport avec le code pénal dans les 3 cas ci-dessous :

  1. Pour les personnes qui signalent des privations ou sévices infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
  2. Pour les médecins qui, avec l’accord de la victime, portent à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’ils ont constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de leur profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises ;
  3. Pour les professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.

Les principes hippocratiques intangibles au fil des siècles 

Ils sous tendent :

– La notion de protection des personnes, le droit à l’accès aux soins et à la prévention, la protection de l’intimité et la vie privée du patient, qui fondent une exigence de confiance.

– La construction et la transmission d’un savoir médical fondé sur la raison et une démarche scientifique rigoureuse… qui fondent une exigence de connaissance.

– Le tout fonde la qualité du travail des soignants.

par Dominique Dumand, paru Sur le fil, journal interne de la délégation Ile-de-France, Janvier 2016

 

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