Le formidable travail des équipes à Calais mérite tout notre soutien de donateurs

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 photos d’Olivier Péray

Nous avons visité la mission Littoral-Migrants à Calais et Dunkerque le 17 et 18 mars dernier. Nous sommes revenus en colère, indignés, et très admiratifs du travail qu’effectuent les équipes sur le terrain dans des conditions très difficiles.

Le comité était déjà allé sur place il y a deux ans, mais la situation avait profondément évolué :

• Le nombre de migrants sur zone a quasiment doublé.

• Les « jungles » sont démantelées de façon constante et méthodique, sans autre résultat que de déplacer les réfugiés et donc de leur rendre la vie un peu plus insupportable.

• L’État, sommé judiciairement par MdM de prendre les choses en main, a fait évoluer sa position sans toujours l’appliquer avec enthousiasme sur le terrain.

• MSF, après avoir fait une apparition timide et récente, est rapidement montée en puissance au point de devenir un acteur incontournable.

• Et enfin, pour la première fois, en France, MdM a monté à Calais une mission d’urgence, à l’image de ce qu’ils font sur les catastrophes ou les grandes crises à l’international.

Nous avons commencé par Dunkerque.

Il y a un an, la jungle de Calais a été démantelée. Du coup, les réfugiés se sont de nouveau retrouvés dans la nature, c’est à dire dans les bois, des squats, etc. Pour remédier à la situation, le maire de la commune de Grande Synthe, près de Dunkerque, a décidé d’ouvrir un camp sur sa commune et a demandé à MSF de le construire. Mais les tentes se sont envolées au premier coup de vent et le camp a été transformé en multitude de petits abris en bois de 9m2 chacun environ. Ce camp, quand nous l’avons visité, était menacé constamment de destruction par la préfecture. Sa gestion était assurée par des bénévoles de l’association Utopia 56, qui assure la logistique du festival des Vieilles Charrues en Bretagne. Ce qui nous a frappés, c’est l’homogénéité des populations. Ici, ce sont essentiellement des Kurdes Irakiens, Syriens, Iraniens, et quelques Agfhans. Pour la plupart des classes moyennes. Pour la plupart non-musulmans. Ils sont 1500.

Ce sur quoi il faut insister dès maintenant : ces gens arrivent pour la plupart en bonne santé !!!

Mais, plongés dans les conditions de vie qu’on leur offre, ils développent des pathologies diverses et des altérations mentales. Et puis, il faut le dire aussi, certains se battent, se blessent et il faut les prendre en charge.

C’est ce que fait MdM.

Deux journées par semaine, MdM délivre des consultations dans des bâtiments en dur de la municipalité. Ce sont des médecins bénévoles qui les assurent. MdM assure aussi des maraudes dans le camp. Lors de notre visite, le camp était construit depuis une semaine. Mais de petites structures communautaires commençaient à faire leur apparition : commerces, salles de réunion, etc. Depuis notre visite, grâce à la pression des associations sur place, la gestion du camp a été reprise par l’État.

Le lendemain, nous avons visité le camp de Calais. C’est tout à fait autre chose.

Le camp est divisé en quatre parties :

• Une partie détruite et dévastée par le démantèlement. No man’s land.

• Une partie jungle, fatras de tentes et d’abris de fortune dans la boue.

• Une partie « containers » qui rassemble, derrière de hautes clôtures, un empilement de containers propres et blancs, mais sans âme où les familles s’entassent parfois à douze. Tout entrant est contrôlé par son empreinte palmaire. L’ensemble est géré par une association pilotée par l’État : la Vie Active.

• Une partie « village sans homme » qui regroupe les femmes avec ou sans enfant et qu’on doit isoler du reste du camp. Ce sont des Algeco confortables.

Depuis, suite aux actions de MdM, il existe maintenant une structure pour accueillir les enfants isolés. Ici, les populations sont très hétérogènes. Contrairement à Dunkerque, les gens sont pour la plupart en provenance d’Afrique (Soudan, Érythrée, Somalie, Libye). Dans ce camp, MdM intervient surtout dans la jungle et sous forme de maraudes mobiles puis sous une tente qui sert de point de rencontre et d’accueil, ou d’entretiens psychologiques.

Sur un plan financier, pour MdM, c’est une grosse mission.

800.000 euros par an, à peu près. Financée aux ¾ par des subventions, mais initiée et financée, pour le reste, par nos dons. Car c’est toujours grâce à nos dons que les missions sont engagées, avant d’être reprises en charge par les bailleurs. Sur place, il y a des salariés en grand nombre. C’est le caractère d’urgence qui le veut : il faut des gens compétents, spécialisés et disponibles à plein temps. Mais il y aussi des bénévoles, de Calais, de Dunkerque, et même de plus loin.

Je l’ai dit le travail des équipes est difficile. Pourquoi ?

Parce que le climat n’est pas des plus agréables… et que le terrain est souvent boueux et chaotique. Mais c’est surtout à cause de l’insécurité qui y règne. C’est vrai dans les camps… car les réfugiés sont en grande difficulté, parfois perdus, quelquefois impatients et donc agressifs. Mais c’est vrai aussi à l’extérieur : Des groupuscules identitaires ont déjà fait brûler une camionnette de MDM et ont agressé des membres des équipes, qui sont identifiés et menacés.

C’est une région très pauvre. On peut penser qu’elle n’a pas attendu les réfugiés pour avoir des soucis. Lors de notre court passage, nous n’avons pas vu un seul migrant dans la ville. Mais il est évident que les camps n’améliorent pas la situation de précarité de la population…

On a vu sur le terrain, pendant ces deux jours, des équipes passionnées, totalement engagées auprès des migrants pour leur donner des soins, mais aussi pour les accompagner dans les démarches nécessaires. Mais on a partagé aussi leur colère, et parfois leur honte de voir ce qu’on inflige ici, en France, à des populations déjà désespérées.

Ce que nous ont dit les équipes est terrible.

Car une implacable mécanique est en train de se mettre en place. Ces réfugiés arrivent et sont bloqués sur place avec une seule idée en tête : rejoindre l’Angleterre. C’est au-delà de la raison. C’est une obsession forgée au fil des mois et des milliers de kilomètres. Ils ont en arrivant un petit pécule pour donner aux passeurs. Mais du fait de la difficulté grandissante de passer en Grande-Bretagne, du temps que ça prend, le pécule fond comme neige au soleil. Et alors, il faut survivre, ou nourrir les enfants. Les équipes voient apparaître, parmi ces gens qui sont comme vous et moi, des comportements de survie : délinquance, toxicomanie. Certains deviennent passeurs, d’autres commencent à se prostituer. C’est encore embryonnaire, mais les signes existent. Et là aussi, MdM réfléchit aux meilleurs moyens afin d’anticiper sur des comportements à risque générés par cette situation extrême.

Dernier point qui surprend à Calais :

C’est la débauche de fils barbelés, de clôtures, de forces de police, de patrouilles, de murs, destinés à contenir ces réfugiés, à leur barrer la route vers des côtes qu’on voit à portée de main. Tout ça, c’est de l’argent. Beaucoup d’argent. Qui pourrait servir à donner des conditions de vie à peu près dignes aux réfugiés, afin que MdM n’ait pas à soigner ces corps et ces esprits en souffrance. Car il y a urgence. Et l’expérience accumulée par MdM depuis de nombreuses années et tout au long des parcours migratoires est précieuse, indispensable. Nous en témoignons : leur formidable travail mérite tout notre soutien de donateurs.

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 par Olivier Péray et Paule Champetier de Ribes 

 

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