Être ou ne pas être responsable de mission (RM) à l’international à Médecins du Monde

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Voici un texte que nous préparions mollement depuis plusieurs semaines. Il n’était pas fini ; l’est-il d’ailleurs aujourd’hui ? Nous le retardions d’autant plus que l’AG arrivait, que certains responsables de mission avaient choisi de jeter l’éponge, que des responsables de groupe se posaient des questions ou démissionnaient et que nous ne voulions pas tout mélanger. Un certain malaise nous a engagé à le publier plus vite

Le RMage, pour ceux qui peuvent s’en souvenir, constituait bien antan le sel de l’engagement associatif à MdM. Est-il encore possible aujourd’hui d’être responsable de mission à l’international à MdM ? Plus les choses vont, plus nous pensons que non ! Au moins dans l’ordre actuel des choses ! Notre temporalité semble désormais inacceptable pour les autres membres du triptyque. Certains coordinateurs ne paraissent même pas connaître, a fortiori accepter, nos rôles et positions.
C’est pourtant nous qui les avons recrutés in fine.

Nous sommes tenus en dehors de la plupart des échanges, souvent vécus comme des empêcheurs de tourner en rond, des interventionnistes néfastes, des embêteurs non disponibles aux moments où par malheur on en a besoin, des incompétents. Alors évidemment que nous donnons à notre militance beaucoup de notre temps personnel. Défendre sa position de RM est une querelle permanente et usante, d’autant qu’elle se cantonne le plus souvent, MdM oblige, dans une atmosphère de diplomatie et de respect rituels… Nous sont-ils appliqués en retour ?

Nos visites du terrain deviennent avec le temps urticantes et épineuses. On peut nous dire ouvertement que nous dérangeons, qu’« on n’a pas le temps » ! On n’aurait plus le temps à la relation, à l’échange humain, au lien social, aux discussions vivantes, en bref au partage des idées. On peut nous asséner des injonctions à « ne pas prendre de nouvelles des équipes terrain » ! Équipes que souvent nous connaissons bien depuis longtemps.

Beaucoup d’autres acteurs de la maison interviennent sur ces programmes, interagissent avec les équipes sans aucune concertation avec nous, y compris à propos de sujets où notre compétence professionnelle est solide et reconnue. Tenter pour nous de garder une influence sur les programmes tient de la gageure. C’est pourtant nous qui avons pensé, exploré, porté, initié les actions. Non, la fonction devient à bien des égards fictive même si tout le monde tâche de faire bonne figure.
Nous sommes devenus illégitimes, intempestifs.

Encore ne parlons-nous là que des missions à long terme, les RMs des programmes d’urgence semblent avoir encore d’autres problèmes. Certes, diverses instances d’animation associative, le CA, les groupes, les délégations produisent bien encore pensées, témoignages, plaidoyers médecins du mondiens.
Beaucoup même et de qualité. Mais les programmes, les missions, sont en train de sortir de la culture de MdM, bien souvent pas assez médicaux ou soignants, sacrifiant plus que de raison à l’unique “prendre soin”, sans guère de contrôle de la moindre efficacité technique, tout ceci avec la complicité béate des bailleurs. Nous avons beaucoup de respect pour tous ces salariés qui animent avec conviction et militantisme et foi la maison.

Mais nous avons le sentiment d’être en train de perdre, au niveau opérationnel, les caractéristiques historiques de MdM, le soin et l’au-delà du soin, l’inventivité, l’élan novateur et le rôle de poil à gratter pourtant bien nécessaires en ces temps difficiles. Toutes ces choses qui prenaient racine dans la richesse de l’engagement associatif de représentants des communautés soignantes. Ce qui faisait notre force et notre position si particulière face à nos émules, tant MSF ou autres que les Anglosaxons. Et nos partenaires de terrain finissent par la savoir, cette perte de fonction soignante.

Médecins du Monde encore ? Nous avons peur de voir l’association se transformer peu à peu en Gencos du Monde ou plutôt Gencos d’un autre Monde avec un zeste de Desks sans frontière !

Sans doute nombre de triptyques fonctionnent-ils encore sereinement. L’envoi de ce texte fait suite à ce que nous avons interprété comme un dysfonctionnement persistant et répété du nôtre, devenu inacceptable. Il n’est surtout pas question pour nous de régler des comptes personnels à propos de gamineries.

Nous sommes un peu désabusés certes mais sans amertume. Nous pensons au contraire qu’il faut clairement ouvrir le dossier du rôle et de l’utilité des responsables de mission associatifs à l’international. Le fameux modèle du triptyque reste-t-il pertinent ? A quoi servent les RM ? S’ils sont devenus inutiles, qu’ils disparaissent ! Sinon, il faut très sérieusement les remettre en place.

Nous en appelons aux instances décisionnaires, au CA, à la direction générale. Nous avons le sentiment qu’il ne s’agit pas de constituer un nième groupe de travail qui ne réglera rien in fine. Il est sans doute nécessaire que soit prise une décision régalienne drastique, efficace et incontestable.

Philippe Gabrié et Najah Al Bazzou, coRMs Algérie

Paru dans Lettre et débats, de la délégation Midi-Pyrénnées

 

1 COMMENTAIRE

  1. L’article à mon sens ne concerne pas que l’international. Actuellement en instance de devenir RM sur une mission France, je me pose les mêmes questions.
    Merci pour vos réflexions et vos interrogations partagées.

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