Aux Philippines, l’équipe de la cellule urgence n’a pas débarqué en « cow boy».

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Cette année au Journées des Missions, les projets ont été présentés par les équipes du terrain, à la lumière des thématiques du plaidoyer de MdM. Au chapitre Urgences et crises Astrid Heckmann, coordinatrice générale,  a présenté en séance plénière  l’exemple des Philippines où les équipes de  l’urgence et du long terme ont eu l’occasion de travailler en bonne intelligence.

 

La Boussole. Pourquoi un focus sur les Philippines au programme des JDM 2014 ?

 

A.H. C’était intéressant de montrer que l’expérience urgence/long terme pouvait se passer de manière fluide et constructive comme cela a été le cas aux Philippines
Cette présentation a eu lieu sur une proposition de Rozenn Le Meliner, représentante des coordinateurs, et coordinatrice volante sur l’urgence. L’objectif était de pointer les forces et les faiblesses. Et de réfléchir à la phase de sortie de l’urgence.

D’autre part, le programme des JDM mettait en avant les quatre thématiques prioritaires su plaidoyer MdM, chacune étant illustrée par une mission emblématique porteuse de la thématique.

Cette présentation permettait d’aborder la préparation des équipes aux urgences mais aussi à l’arrivée des équipes d’urgence.

 

Pendant la séance plénière il y a eu pas mal de questions, bien évidemment sur le lien entre le Long Terme et l’Urgence ainsi que sur les modalités d’accueil pour une mission Long Terme quand arrive une mission d’urgence.

Les autres questions ont tourné autour de notre « non » positionnement sur l’hospitalier et sur les soins liés aux traumatismes et aux blessures.  Pourquoi rester sur l’axe de la santé primaire, pourquoi n’y a-t-il pas eu de chirurgie, par exemple ?

La question du partenariat avec les autorités locales a également été soulevée.

 

Lors de l’atelier « préparations aux urgences » qui a suivi, nous avons travaillé  sur la capitalisation de ce qui s’est fait aux Philippines. Nous envisageons d’en sortir un outil qui pourrait être utilisé par d’autres missions, avec par exemple une check list, sur les infos qu’il faut avoir avant : les types d’enregistrements, les distributeurs de médicaments sur place, etc….

 

La Boussole :  Que souhaites-tu que l’on retienne ?

 

A.H. Que cela s’est bien passé ! Cela a été un bon projet, bien mené avec les autorités et on l’a mené à son terme. On a réussi à sortir, à se dire que cela n’était pas forcément pertinent de continuer sur le volet urgence. Nous avons été en capacité de finir l’urgence.

 

Je tiens aussi à souligner que je me suis sentie  très soutenue par les services du siège, par la cellule urgence et les personnes qui sont venues sur le programme. C’est important parce que je ne sais comment cela s’est déroulé dans les contextes précédents. Les personnes de la cellule urgence ne sont pas des « cow boys » qui arrivent sur le programme Long Terme mais des gens qui ont l’expertise et avec lesquels on a pu échanger. Je leur ai laissé la place de leur expertise, que je n’ai pas, et eux m’ont laissé mon rôle de coordination. Nous ne nous sommes pas marché sur les pieds.

 

La Boussole : Et avec les autres MDM ?

 

A.H. On ne les a pas vraiment rencontrés si ce n’est sur la phase d’explo. L’idée de départ était bien de travailler en partenariat et de se répartir les rôles : MdM France sur la santé primaire et MDM-Espagne plus axé sur le secondaire et le tertiaire. Finalement, la première équipe qui a mené la mission exploratoire ne souhaitait pas rester sur les mêmes zones, c’est-à-dire Tacloban. Pour que le partenariat ait du sens, il fallait justement rester sur la même zone pour intervenir aux différents niveaux du système de santé. Le fait d’avoir identifié des zones d’interventions différentes pouvait devenir une source de tension et  nous avons préféré que chacun mène ses programmes de son côté.

 

Cela pose la question des programmes et des coordinations communes. En l’absence de lien hiérarchique il n’est pas possible d’imposer des orientations.

 

Néanmoins les échanges et l’entre aide  étaient au rendez-vous par exemple sur les aspects bancaires, car MDM France est enregistré dans le pays à la différence de MDM-Espagne.

 

La Boussole :  Peux-tu nous en dire plus sur le passage du long terme aux urgences ?

 

AH. L’urgence s’est déroulée dans une zone différente de celle où est implantée la mission Long Terme qui n’a donc pas du tout été impactée. Le coordinateur médical du programme Long Terme a effectivement été sollicité, notamment sur les achats de médicaments, mais l’équipe Long Terme a continué son projet comme d’habitude, aucune activité n’a été suspendue, tout a continué à se dérouler normalement.

 

Ce qui a été ressenti de la manière la plus forte c’est l’arrivée et la fin de la mission d’urgence. Techniquement il n’y a pas de différence entre l’avant et l’après urgence pour le projet Long Terme.

 

La Boussole :  La phase d’urgence a donc été bien gérée…

 

A.H. Lorsque nous avons analysé ce que MDM pouvait apporter après l’urgence nous n’avons pas trouvé d’espace pertinent sur lequel nous pouvions agir, car les besoins étaient plus du domaine de la reconstruction, du fait d’un système de santé assez solide dans le pays et d’un niveau de formation assez élevé. Ce sont des populations généralement vulnérables dans cette zone, elles sont très pauvres mais nous n’avons pas identifié de groupes plus particulièrement affectés par le typhon
Il y a plein de dysfonctionnement dans le système de santé, mais elles ne fonctionnaient pas déjà en règle générale et ce n’était pas lié au typhon. Si l’on veut ouvrir un empowerment dans cette zone, on le peut toujours, mais cela nécessite une mission exploratoire sur une thématique particulière.

 

Il faut savoir sortir de l’urgence. On s’est aussi posé la question par rapport à des financements Echo qui étaient proposés et que l’on a refusé car on s’est dit que l’on n’avait rien à proposer en face. Donc même s’il y avait une possibilité de financement, et à cette époque nous n’étions pas complètement certain d’être bien financés sur le LT, nous aurions pu tenter le coup auprès d’Echo.

 

La Boussole  : Comment tu as vécu le fait d’être à Manille, tu n’étais pas touchée ?

 

A.H Bien ! Je ne me suis pas posé de questions, il y avait une équipe qui était là-bas. Nous avons eu des gaps en terme de fieldco, langues, etc.. cela impliquait pas mal d’aller/retour mais moi j’étais sur la capitale avec les réunions qu’il pouvait y avoir au ministère de la santé, avec le programme qui tourne parce que c’était une phase de MoU.

 

La Boussole :  C’était ta première urgence ?

 

A.H. Oui. J’ai travaillé avant en RDC mais c’était assez différent, car il s’agit d’un conflit. Mais c’était la première fois où, effectivement, en vingt-quatre heures il fallait réagir.

 

La Boussole : C’est la différence que tu vois entre catastrophe et guerre ?

 

A.H  Oui. Mais je n’ai pas beaucoup d’expérience en zone de conflit. Je pense que même si l’on a vu arriver le typhon, en vingt-quatre heures cela a fait des ravages. C’est peut-être la différence car on voit quelque chose couver, et puis ça passe, même si ça ravage tout. Nous sommes aussi dans un pays où il n’y a pas beaucoup de problèmes sécuritaires, en tout cas pas dans la zone d’interventions où nous étions, tout tournait essentiellement autour de la destruction.

 

La Boussole : Un mot sur la manière de partir de l’urgence?

 

A.H. Je n’ai pas beaucoup d’expérience en matière d’urgence mais je suis très heureuse de la stratégie choisie pour en sortir sans que ce soit douloureux pour les populations ou les partenaires. Nous avons mis en place un plan de formation d’empowerment, avec de la préparation aux prochaines urgences et au passage de relais. Ainsi que des formations aux premiers secours et tout un système de formations au niveau communautaires et des staffs du personnel des centres de santé.

 

Nous ne sommes pas partis brutalement, en faisant nos valises le jour où nous avons arrêté la clinque mobile. Nous sommes revenus, nous avons travaillé de manière plus espacées ce qui a permis de fermer le programme d’urgence plus facilement y compris pour nos équipes. Un desaccompagnement progressif…

 

Propos recueillis par Paula Lakrout et Alice Lebel

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