Dessiner les contours d’un nouveau bâtiment commun, solide et solidaire

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Logo des JMF 2017 réalisé par Corinne Garra, bénévole à Bordeaux

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Tout d’abord un très grand merci à tous pour votre participation et vos fructueuses contributions. Bien sûr des remerciements tout particuliers à la délégation Aquitaine, au collège et à tous ceux qui ont été impliqués dans l’organisation parfaite de ce bel événement. Enfin un remerciement appuyé pour le comité de pilotage des Journées des Missions France (JMF) et le travail accompli par la Direction des Opérations France.

Nous avons passés 3 jours dans un cadre exceptionnel, un cadre qui a permis à quelques courageux de se lancer pour une baignade dans l’océan. Je voudrais aussi retenir une soirée très réussie avec une vraie compétition qui s’est jouée samedi soir sur une question cruciale : qui a pris le leadership sur la piste de danse ? D’aucuns se reconnaîtront…

En premier lieu, je souhaiterais vous redire que toutes les réformes engagées – et elles sont nombreuses – le sont au service des personnes que nous accompagnons et qu’elles sont portées par notre projet politique.

Ces réformes, qui ne sont pas que structurelles, se sont singulièrement manifestées durant ces journées, notamment par une dynamique de la vie associative dont vous êtes tous acteurs mais aussi au travers de la régionalisation qui s’exprime dans tous les sens du terme, au plus près des usagers et des collectifs.

J’ai essayé de retenir quelques points saillants qui ont jalonné ces journées :

Tout d’abord, le constat partagé d’un fort renouvellement associatif, avec une base solide d’anciens – ou d’anciens solides ! – et beaucoup de têtes nouvelles, témoignant – et nous pouvons en être fiers – de notre attractivité. Ce renouvellement est la promesse d’un horizon qui bénéficiera d’un éclairage nouveau. Eclairage qui viendra, je l’espère, nous bousculer dans nos habitudes.

En second lieu, nous avons vu se manifester différents visages de l’engagement mais aussi différents moyens d’action et de déploiement dans la façon dont se manifeste l’engagement. Ces moyens d’action se transforment et évoluent dans des projets régionaux qui se consolident au travers de claires particularités locales qui ont été soulignées tout au long de ces journées (et c’est bien l’un des objets de la régionalisation).

Troisième constat partagé, celui d’un système de protection sociale qui ne remplit plus sa fonction de solidarité. Un Droit commun de moins en moins accessible, complexe et saturé en particulier en ce qui concerne les dispositifs d’hébergement pour des publics de plus en plus nombreux et traumatisés. Face à ce système dysfonctionnel, non accueillant et non protecteur, un dramatique constat de violences exacerbées, y compris de violences institutionnelles, a été fait, ainsi qu’une banalisation de ces violences aboutissant à une aggravation de la marginalisation des personnes que nous accompagnons. Ce constat aboutit parfois à ce qui a été qualifié de multiples fois d’épuisement ou de fatigue compassionnelle.

Alors face à ces constats, quelles réponses avons-nous partagé et quelles perspectives nous donnons-nous ?  

Je commencerais volontiers en redisant que face à des injustices flagrantes d’accès aux droits et aux soins, nous avons besoin de rendre visible rapidement notre colère au travers – entre autres – d’une action symbolique à envisager rapidement.

Ensuite et puisque l’orientation vers le droit commun est déficiente, il faut bien sûr continuer à interpeller et bousculer sans cesse les décideurs politiques sur ce sujet, interpeller les maires, interpeller le niveau territorial comme le niveau national. A titre d’exemple, nous sommes partie prenante des Etats Généraux de la Migration organisés par 230 associations. Ce sont bien ces espaces-là qu’il faut investir pour faire des propositions et tenter de faire bouger les lignes politiques. Pour information, les collectifs citoyens seront présents lors de ces Etats Généraux.

Un autre point remarquable de ces journées est celui des alliances que nous réalisons avec des collectifs citoyens, des alliances autour de causes communes qui sont à la fois opérationnelles et politiques. Des alliances qui viennent clairement nous bousculer. Hier, au décours d’un atelier dédié, il a été beaucoup question de réactivité de ces collectifs face à une machine MdM parfois un peu lourde. Ces alliances nous questionnent clairement sur notre capacité à retrouver quelque chose du domaine de la légèreté – ce qui sous-entend aussi de la confiance réciproque dans nos processus internes comme externes.

Nous sommes donc convoqués à réfléchir à ces alliances et de façon générale à toutes les alliances en termes « d’inclusion ». Ce qui reste à consolider c’est cette rencontre singulière, locale, avec ces collectifs et des plateformes, pour agir dans la complémentarité et dans l’interconnaissance. Ils nous apprennent ou nous réapprennent une certaine flexibilité ainsi que la possibilité du « do it yourself ».

Tout au long de ces journées, un focus particulier a été mis sur la santé mentale, qui en a constitué un vrai fil rouge.

Sur cette préoccupation en santé, il a été question d’éthique bien sûr mais aussi d’une évolution potentielle de nos pratiques vers un task shifting, un transfert de compétences ainsi que par la nécessité de documenter et d’évaluer mieux nos interventions.  

Et puisqu’il est question de santé psychique et que la fatigue des équipes nous préoccupe, nous n’oublierons pas qu’il a été question d’accompagnement pour redonner du souffle et de l’envie à tous.

Enfin, un mot particulier sur les droits fondamentaux des personnes et la façon dont nous répondons à des violations permanentes de ces droits. Pour redire que nous nous appuyons désormais sur un service juridique fort avec des professionnels dont l’appui vient nourrir et amplifier nos combats pour faire du respect des droits une composante incontournable de nos projets.

Nos fondamentaux de lutte contre l’exclusion sociale demeurent et que, malheureusement, l’affaiblissement du droit commun nous laisse des espaces énormes dès lors que les réponses en termes de politiques publiques se font cruellement attendre et se dégradent lorsqu’il est question de solidarité.

Notre parole est et reste légitime en cela qu’elle met en tension le pouvoir politique en éclairant une situation à partir d’une expertise originale. Nous devons rester dans cette tension, sans devenir des acteurs de « guichets de service public » mais en restant bien des acteurs en mouvement, attentifs et militants.

Ce qui est passionnant, c’est que s’ouvrent à nous des stratégies nouvelles, des stratégies d’alliances construites autour d’un nouveau militantisme.

Face à un sentiment d’être parfois dans une impasse, il faut donc bâtir ensemble, avec vous tous, bâtir avec les personnes pour lesquelles nous nous mobilisons.

Ces journées nous ont permis de dessiner les contours de ce qui peut constituer un nouveau bâtiment commun et je n’ai aucun doute sur le fait qu’il sera solide.

Dr Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde – France

 

1 COMMENTAIRE

  1. Réseaux, participation, inclusion, des mots importants. J’espère que ces journées auront-été une bonne occasion de faire vivre, véritablement et pas uniquement dans des déclarations, la communauté MdM régionalement et nationalement. J’en profite pour faire 2 pubs et vous transmettre 2 informations qui n’ont peut être pas pu atteindre Anglet : d’abord l’importance du bouquin “la santé des populations vulnérables” qui est la 1ère édition du 1er référentiel abordant globalement la question santé précarité, et ensuite une autre à noter dans vos agendas : les 7 et 8 juin 2018, les dates des 3 èmes journées scientifiques du DU santé précarité bordelais (leçon inaugurale le 6 décembre prochain, par Pierre Micheletti et Alain Regnier). Ces 2 jours à l’ISPED (seul établissement universitaire français de formation spécifique à la santé publique) qui réussissent entre 150 et 200 personnes venant de France entière, sont construites autour de ce besoin de developper la recherche en santé précarité. Après l’innovation, et l’hébergement, elles auront pour thème cette année l’éthique et visiteront l’approche patient centré, les interventions non médicamenteuses, la prise en compte du ressenti, de la vulnérabilité mais aussi des capacités des bénéficiaires… Pas de santé sans soignants de terrain et pas de santé globale sans une approche double : biomédicale et de sciences humaines. Pour produire de la réflexion, de l’action, à partir d’analyses croisées et pas uniquement de dénonciations.

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