Au-delà des legs

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« Le virement automatique mensuel de 12 euros que nous avons engagé depuis plusieurs années ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan de vos besoins. Nous savons cependant qu’ajoutée à beaucoup d’autres cette goutte vous permet d’agir en notre nom. C’est pourquoi nous envisageons, à 80 et 85 ans, de prolonger ce goutte à goutte au-delà de notre courte vie par un legs, aussi modeste soit-il … »  Olivier, ancien donateur chez Médecins du Monde

 

Qu’est-ce que le legs?

Johann Hoguin: Le legs est un don effectué à travers un testament, par un testateur à un légataire. Il s’agit de la possibilité pour une personne de transmettre ses biens à un organisme au moment de son décès. En tant qu’association reconnue d’utilité publique, Médecins du Monde est habilité à recevoir des legs nets de droits de succession.

Qu’est-ce que le service de legs chez Médecins du Monde?

J.H.: Chez Médecins du Monde, ce service a d’abord été relayé par la direction juridique. C’est en 1995 que MdM décide de développer activement ce type de don sous l’impulsion de Philippe Lévêque – aujourd’hui directeur général de l’association CARE. En 1996 un secteur s’est développé pour traiter exclusivement des « Legs, donations et assurances-vie » sous la direction de François Rubio qui était le directeur juridique à l’époque. Cette année là, MdM est allé pour la première fois au congrès des notaires à Deauville et a ainsi démarré une politique de développement des legs. Médecins du Monde a été pendant longtemps l’organisation « sans-frontiériste » recevant le plus de legs, ayant ce « quart d’heure d’avance » sur les autres. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas, même si les legs sont une ressource non négligeable, ils  constituent environ 14% des ressources privées chez Médecins du Monde.

Equipe Legs

Nous travaillons à quatre au sein de ce service. Catherine Bienvenu, notaire de formation, est notre responsable. Arrivée en mai 2015, elle a remplacé François Rubio dans la branche des legs, après notamment une longue expérience chez les Petits Frères des Pauvres au sein du même service. En effet, il y a une dimension juridique nécessaire à avoir notamment en droit des successions, en droit de la famille. Marie-Françoise Travailleur – qui a rejoint le service legs récemment même si la gestion des legs faisait partie de ses fonctions lors de son embauche – est aujourd’hui chargée de la gestion des assurances-vie et assistante aux relations testateurs et nous aide aussi sur quelques successions. Isabelle Baudelicque, chargée de la gestion des legs, s’occupe des dossiers de succession depuis 1996. Et moi je poursuis la politique de développement de ces ressources et je suis aussi chargé des relations avec les testateurs, j’ai rejoint MdM avec ces fonctions en janvier 2009.

Il y a urgence à parler de legs, car au-delà du fait que le legs ne se réalise qu’au décès, communiquer sur cette façon de donner n’apporte pas de résultats immédiats, c’est un travail à long terme. C’est aussi pour cela qu’auparavant beaucoup d’associations n’investissaient pas dans les legs, le manque de résultats immédiats et la difficulté de communiquer sur ce sujet constituaient deux obstacles majeurs.

Comment ça se passe, du premier contact jusqu’au courrier du notaire?

 

J.H.: La plupart du temps, nous sommes contactés par des personnes souhaitant faire un legs. Ce sont soit des personnes qui ont été ou sont donatrices chez Médecins du Monde et souhaitent prolonger leur don, soit des personnes qui nous appellent spontanément car elles n’ont pas d’héritiers à qui léguer leurs biens et sont sensibles à la cause que défend notre association. Après ce premier contact, nous nous rencontrons et discutons ensemble des conditions. Je ne demande jamais à l’avance le montant que la personne souhaite léguer ou la nature de son patrimoine (comme on dit, « il n’y a pas de petits legs ou de grands legs il n’y a que des généreux legs »), il est important pour moi de mettre en avant la dimension humaine de cette démarche, de s’adresser non pas à un client mais à une personne offrant une part de sa générosité, sans distinction aucune. Il arrive même parfois que certains testateurs potentiels se rendent compte, après une rencontre, qu’ils ne sont pas en mesure de faire un legs!

De manière générale, les legs ne sont pas affectés à un programme ou une mission MdM en particulier. Cependant, mon devoir est aussi d’accompagner ceux qui ont des désirs précis. Cela arrive avec d’anciens bénévoles de terrains, qui souhaitent dédier leur héritage à l’endroit où ils ont œuvré.

Nous leur conseillons de faire enregistrer leur testament auprès d’un notaire.

Au décès du testateur, le notaire nous envoie un courrier, en nous annonçant que nous sommes légataires. La procédure met en moyenne un an et demi avant que le legs soit finalisé et que nous ayons reçu les fonds. Tous les legs doivent d’abord être présentés devant le CA pour être acceptés (ou refusés s’il sont déficitaires notamment).

Environ une cinquantaine de personnes décèdent chaque année en ayant laissé un testament en faveur de Médecins du Monde.

 

Comment fonctionne la démarche de sensibilisation?

lettre

J.H.: Nous envoyons une brochure à la demande des personnes intéressées que nous recontactons par téléphone ensuite. Elles reçoivent « la lettre des legs », que nous publions environ trois à quatre fois par an. Nous tendons une main, nous n’ « appelons pas aux legs » comme nous « appelons aux dons » ! Nos “cibles” principales sont les donateurs, les notaires – qui peuvent nous conseiller auprès de leurs clients –, et le grand public. Beaucoup de personnes ne savent pas qu’ils peuvent léguer leurs biens à des associations. Notre rôle est aussi de sensibiliser le plus de particuliers !

Nous faisons aussi des campagnes publicitaires. Par exemple, un des événements phares de l’année se déroule pendant la période de la Toussaint où nos spots radios et vidéo diffusés dans plusieurs journaux et médias, et nous rendons également hommage à tous nos donateurs décédés dans l’année. C’est un moment de grande diffusion dont nous profitons pour faire passer un message aussi à tous ceux qui nous soutiennent généreusement. L’été aussi est une période privilégiée où nous obtenons des espaces gracieux sur les écrans de télévision pour nos campagnes!

Quelles sont les motivations de nos testateurs?

J.H.: Il est difficile de définir un profil des motivations des testateurs, au-delà du fait qu’il arrive souvent que ce soit une femme de plus de 75 ans, sans enfant, célibataire ou veuve, de l’est de la France, de la région parisienne, ou du sud… mais aussi du grand ouest… et d’autres régions aussi…

Il y a autant de motivations que de testateurs, et autant de raisons de léguer que de personnes. Même si le dénominateur commun va être l’absence d’enfants, et le souhait de décider de la destination de son patrimoine à son décès, sans que l’État en prenne une partie. Ceux qui nous lèguent ne sont pas forcément fortunés, pas besoin d’être Crésus pour faire un testament, malgré les idées reçues. 

 

Alors pourquoi choisissent-ils MdM ?

J.H.: Je me rappelle d’un psychologue qui tenait à léguer pour la santé mentale… Aussi d’une ancienne infirmière qui est partie en mission humanitaire en Éthiopie dans les années 80 et a participé à la construction d’un centre de santé. Celle-ci nous a fait part de son projet: « J’ai souhaité soutenir Médecins du Monde car je me sens proche de leur travail et de leur philosophie. Quant au legs il m’est apparu comme le meilleur moyen d’inscrire leurs actions sur le long terme. Je me souviens d’un petit garçon Aloula, quand j’étais en Éthiopie : il rêvait d’être scolarisé dans la petite école locale. Nous lui avons fourni un cahier et 2 crayons. 15 ans après, j’apprenais qu’il suivait à l’université une formation en sciences économiques et sociales ! […] C’est cela, pour moi, les legs : assurer la pérennité des programmes et aider d’autres petits Aloula à aller à l’université ! ». Un autre qui m’a dit avoir choisi Médecins du Monde pour notre plaidoyer « Vous ne faites pas que d’assister les populations, vous dénoncez et essayez de faire bouger les lignes, c’est bien ! »…

Même si certains ont des affinités, en règle générale, ils ne destinent pas leur legs, « je vous fais confiance », « vous connaissez mieux que moi les besoins » « je ne serai pas là pour voir »…

 

Et toi, quel est ton parcours, comment es-tu arrivé chez Médecins du Monde?

J.H.: Je suis diplômé en gestion de l’économie sociale. J’ai travaillé au sein de la section marketing au Secours Populaire, puis chez France Alzheimer et ensuite je suis arrivé chez Médecins du Monde où je travaille depuis huit ans. J’entendais parler des legs, et je réalisais que c’était une ressource du futur. L’aspect humain et relationnel était important pour moi. 

Quel est ton rôle précis auprès des personnes, au sein de MdM?

J.H.: Je me charge de la politique de développement des legs, ce qui signifie que je contribue à améliorer la diffusion et la communication. Je me charge aussi, à temps partiel, de la relation avec les testateurs, donc je suis en relation directe avec les personnes qui souhaitent faire un legs, je les accompagne, je leur explique la procédure, je les guide dans la démarche. C’est surtout moi qu’ils contactent pour faire un legs.

 

Comment vis-tu ce rôle d’accompagnateur?

J.H.: Mon travail a une dimension relationnelle. D’ailleurs quand nous recevons un legs et que je connaissais la personne en question, je rédige un portrait du bienfaiteur. Ce que je trouve très intéressant, c’est qu’au-delà de la dimension marketing, certes présente, j’essaie de me rapprocher autant que possible des personnes, en gardant ainsi une perspective très humaine dans mon travail. La question de la mort étant une question si fondamentale, et en même temps si délicate à traiter, il est important d’être très à l’écoute des personnes, de les accompagner, sans jamais leur forcer la main. Je tombe parfois sur des histoires complexes, des récits de vies douloureuses, isolées, détruites, ce n’est pas toujours simple. Les gens se confient souvent à moi, m’expliquent la difficulté qu’ils ont eu à nous contacter, difficulté qu’ils lient au fait de se confronter à leur propre mort. Certains me demandent avec inquiétude ce qu’il adviendra de leurs affaires personnelles, d’autres transmettent une détresse. Il y a donc une dimension psychologique à prendre en charge. Néanmoins, très souvent, une confiance s’installe et cela devient très enrichissant. Certains me disent “MdM sera l’enfant que je n’ai pas eu!”.  

Ma frustration principale tient au fait que je regrette parfois de ne pas avoir assez de temps pour bien rencontrer tous les testateurs et les accompagner.

Aussi il y a parfois quelques préjugés et fantasmes autour de ce travail un peu méconnu, parce qu’il traite de la question de la mort et de l’argent, un double tabou dans notre société.

 

 Propos recueillis par Sophie Lacombe

 

 

La lettre des legs d’Octobre 2016 – N°40

Spot radio des legs :

Lettre de Thérèse et Olivier, couple de bienfaiteurs

Lettre d’Olivier

Éditorial pour les 20 ans des legs décrivant certains legs affectés à certaines missions de MdM en particulier

 L’Annonce Presse

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