Une nouvelle atteinte au développement des droits de l’Homme

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La proposition de révision de la constitution française portant sur la déchéance de la nationalité française des binationaux nés français et reconnus coupables de faits de terrorisme est une nouvelle atteinte au développement des droits de l’Homme après :

 

  • les attentats conduits par Daesh (Paris, Madrid, Tunis, Istambul, Beyrouth, Bamako…) ;
  • la gestion du « non accueil » des réfugiés des guerres de Syrie, de Libye, de la Corne de l’Afrique ou d’Afghanistan par certains pays Européens
  • et l’état d’urgence en France et son corollaire : la primauté de l’administration sur l’état de droit.

Disons-le clairement, l’article 23-7 du code civil permet d’enlever par décret la nationalité à TOUT français qui se comporterait comme le national d’un pays étranger et aurait manqué de loyalisme à l’égard de la France. Pour autant, la proposition de révision introduit la catégorisation des français. Les nationaux d’une part et les binationaux d’autre part. Or, les auteurs reconnus coupables de faits de terrorisme ne sont pas « leurs terroristes » mais « les nôtres ». Pour la majorité d’entre eux, ils sont nés et ont été éduqués en France et en Europe. Les déchoir ne les blessera en rien (ils brulent leurs passeports français et européens sous les feux des projecteurs de la e-actualité), ne permettra pas de les expulser (dès lors qu’ils seront interpellés en France, ils relèveront du droit français) et occultera NOS responsabilités dans la construction des déterminants de la radicalisation. De plus, les déchoir blessera ou décevra les binationaux distants de ces processus de radicalisation par la création d’une inégalité de droit entre nationaux et binationaux. Enfin, au-delà des personnes concernées, que vient dire cette proposition de déchéance de la nationalité française des binationaux au plan international et national ?

Au plan international, comme hier, la présidence française confirme son incapacité à assumer ses responsabilités coloniales et à résoudre les questions postcoloniales. Dès lors que les binationaux sont « terroristes », ils ne sont plus de France et d’Europe mais d’ailleurs et notamment des anciennes colonies. La faute est ailleurs, dans les ex-colonies ou protectorats… Qu’en pensent les proches voisins méditerranéens de la France, ceux du Maroc, d’Algérie, du Liban, de Syrie ou de Tunisie ? De plus, face à l’insécurité sur son territoire et dans les pays du Maghreb et du Machrek, le gouvernement français choisit le renforcement de ses capacités à projeter ses forces armées à l’international au détriment de l’aide au développement. Or, dans de telles situations, l’un ne devrait pas s’opposer à l’autre. D’une part le retard de développement est cause d’inégalités et d’instabilité toutes deux sources de crises et conflits. D’autre part, la résolution des crises et conflits passe par la sécurité et le développement. Le gouvernement français n’aurait-il rien appris de l’après chute du Colonel Kadhafi en Libye ?

Au plan national, il y a peu, cette proposition de révision constitutionnelle n’aurait été possible que sous une présidence portée par les Nationalistes. Plus récemment, cela avait été envisagé sous une présidence des Républicains – autrement nommée « Droite de gouvernement » -. Aujourd’hui, la proposition émane de la présidence Démocrate – autrement nommée « Gauche de gouvernement » -. La présidence actuelle ne semble pas se souvenir que l’un des ressorts en sa faveur – et non pas des moindres – avait été le rejet franc et massif des dérapages de l’ancienne présidence portée par les Républicains. Souvenons-nous de ce que revêtait l’ancienne présidence : du « Ministère de l’Immigration et de l’Identité Nationale » aux « débats citoyens planifiés sur l’Identité Nationale ». Et souvenons-nous des engagements du candidat en poste aujourd’hui : de « son opposition au discours de Grenoble » – discours tenu par son prédécesseur invitant entre autres choses à la déchéance de nationalité – au « Moi président de la république, j’essaierai d’avoir de la hauteur de vue… et j’aurai le souci de la proximité avec les français ». Que ressentent les français quand il apparaît un tel écart entre l’éthique de conviction d’un candidat et son éthique de responsabilité à sa prise de fonctions ? Comment continuer de croire à la démocratie représentative face à une stratégie politicienne de recomposition du paysage politique qui se fait au détriment des principes et valeurs de la dite démocratie ?

Ce, d’autant que le rejet des citoyens français sur ces orientations n’est ni conjoncturel, ni tacticien, ni politicien. Il est incarné et s’appuie sur une histoire et un fond culturel toujours en situation de se nourrir, de se projeter et de se métisser. De Jaurès à Clémenceau, de Fanon à Césaire, de Tocqueville à Hugo, il n’est ni de Gauche, ni de Droite. Ni Républicain, ni Démocrate. Les idéaux qui fédèrent et se projettent dans le temps ne sont pas des mots qui divisent les Hommes mais qui les transcendent. Ces mots que l’on nous a enseignés, qui nous animent, que nous partageons, exposons et métissons à la rencontre de l’autre sont des remèdes aux maux. De fait, face à ce glissement conjoncturel de l’échiquier politique français, il revient à la société civile le soin de faire savoir sa lecture du monde et son expertise pour défendre principes et valeurs au plus près des citoyens.

Patrick Beauverie, membre du conseil d’administration

1 COMMENTAIRE

  1. “Glissement conjoncturel de l’échiquier politique”, oui sans aucun doute. Peur, récupération et bataille d’égos aussi. Les idéaux semblent s’être perdus entre les lignes d’interminables discours, répétitifs et vides de sens.

    Oui, il revient à la société civile de faire savoir sa lecture du monde mais où en est-elle? A quand un vrai sursaut, pas seulement ancré dans le temps de l’émotion et des symboles mais dans le temps de la réflexion et de mots porteurs de sens, de mots créateurs?

    N’ayons pas peur d’être politique; mais des politiques apolitiques, défenseurs des fondamentaux qui nous constituent, qui fondent ce que nous sommes: des hommes et des femmes libres, doués de raison… et solidaires.

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