C’était le lendemain du vendredi 13, au petit matin. C’était à l’occasion de la « journée régionale des bénévoles de Normandie ». Ils étaient une quarantaine à attendre assis dans une salle réservée pour l’occasion, et scandant « les terroristes ont voulu attaquer le cœur de notre liberté, de notre société paritaire de fête et de loisirs, mais ils ne pourront toucher à nos missions, ni à notre plan stratégique ! ».
Les cadres associatifs sont donc arrivés dans cette ambiance émue et en délire. Deux membres du CA, Philippe de Botton et Olivier Maguet ; le co-pilote du groupe France, Thierry Malvezin; et enfin le Délégué régional, Christian Cartier. Leur tristesse contenue sur leurs visages dignes et déterminés. La veille, ce vendredi soir donc, ils avaient déjà adressé leur hommage aux victimes en buvant autant de verres de vin que de morts annoncés. La cave de Christian s’était vidée comme décente revendication.
Olivier a introduit les discussions en renversant la table. Libres oui, mais quels seront les contours de notre liberté de demain ? Il va falloir donner l’assaut et lancer des opérations de désengagement dans certains de nos Centre d’Accueil de Soins et d’Orientation, car même si les liens affectifs sont au cœur de nos mobilisations, nous devons oser investir d’autres champs d’actions ! Philippe marchant sur les eaux meurtries et indignées de Calais…Christian rappelant l’importance du thème « nouvelles formes de militances », au vue de l’actualité… MdM doit s’emparer d’un rôle de sensibilisation de la société civile pour déjouer les plans des terroristes…Sur la thématique des partenariats privés, les frontières du bien et du mal ont été difficiles à tracer…cela va prendre plus de temps qu’escompté…Faut-il bombarder Sanofi? Faut-il s’allier à certaines banques tout comme la France s’allie aujourd’hui à la Russie ? Puristes, anarchistes, modérés…la pluralité de MdM était représentée dans ce petit fief normand. Quant à la santé communautaire, vous imaginez que toutes les interrogations se sont cristallisées sur le simple mot communautaire, à l’heure où définir notre commun et ce que nous partageons est en Etat d’urgence…
Entre le vin, le camembert, et la revue humanitaire, les cadres associatifs firent part, avant quitter la Normandie, de leur besoin de se recueillir. Christian a pris Olivier sous le bras, heureux que « pour une fois quelqu’un s’intéresse à la culture à Médecins du Monde ». Nous partîmes sur le chemin du religieux et du patrimoine…Philippe trouva que la cathédrale de Rouen était « mieux à l’extérieur qu’à l’intérieur », car il y a avait trop de saints dedans…Thierry s’ébahit de croiser dans la rue des pauvres avec des gueules de normands. Face à ce constat sur les nouveaux précaires, son intérêt se focalisa ensuite sur la silhouette des normandes endimanchées devenues, selon lui, « beaucoup plus fines au fil des âges ». La splendeur du Palais de Justice leur plut, mais sans les convaincre complètement, « le palais de justice c’est beau, mais Marcadet c’est pas mal non plus ».
Jeanne d’Arc eut raison d’eux. La vierge brûlée sur la place, mais des vitraux rescapés de la guerre mondiale donnant naissance à une église : « Finalement les vitraux c’est un peu comme le plan stratégique, on pose d’abord le vitrail, puis on construit autour !» s’exclama Olivier. Par cette phrase, le plan stratégique devenait mystique. A genoux, les cadres associatifs s’éternisèrent dans un moment de profond recueillement. Ils n’auront pas notre plan stratégique, ni nos masturbations d’idées, ni nos instances de réflexions semi-décisives, ni nos soirées festives, ni notre débauche pensante… La communauté MdM, plus que jamais, unie …Crions DESIR !
Ta plume bien (arr)osée et sans enrobage est grandiose Chiquita et m’aura valu quelques roulements sur le sol tellement j’ai ri ! La Normandie, the place to be !