Après ses études d’ingénieur en hydraulique, Quentin Bichet est parti travailler six mois dans le camp des réfugiés syriens de Zatari, en Jordanie, dans l’équipe WASH (Water Sanitation Hygiene) d’ACTED (Agence d’aide à la coopération technique et au développement).
Depuis le 5 mai 2014, cet originaire de Grenoble est logisticien sur la mission bidonville à Saint-Denis.
La Boussole : Tu étais déjà sur le terrain ?
Q.B. Pour mon volontariat, je travaillais principalement sur deux programmes : la distribution d’eau pour le camp et le ramassage des déchets à travers des cash for work.
La Boussole : Quel est le rôle d’un logisticien ?
Q.B. Au sens large, le logisticien est chargé des achats, de la gestion du stock, de l’approvisionnement et des distributions. Dans le monde de l’humanitaire, il sert souvent de support technique aux opérations, notamment aux programmes d’eau, d’hygiène, et d’assainissement. Donc il peut être en charge de la construction d’infrastructures, de toilettes, de bâtiments, de la livraison de matériels, etc.
La Boussole : Aujourd’hui, il y a peu de logisticiens salariés sur un programme des missions France. Pourquoi à Saint-Denis ? Y a-t-il un enjeu particulier ?
Q.B. Il y a déjà eu des expériences tentées dans ce domaine : à Saint-Denis en 2005, pour quelques mois, et depuis trois ans sur la mission Migrants à Dunkerque /Calais. Dans tous les cas, le principe est de travailler sur l’amélioration des conditions de vie des personnes vivant dans des habitats très précaires. Ceci étant la question est : pourquoi contrairement aux missions internationales cette approche n’est pas systématique au sein des missions bidonvilles ? À l’international, dans un contexte de crise, gérer les approvisionnements et les distributions pour les réfugiés ou déplacés est une nécessité. En effet, les bénéficiaires peuvent être dans l’incapacité de s’approvisionner eux-mêmes, arrivant parfois sans ressources, dans un pays inconnu où l’économie locale ne peut pourvoir à leurs besoins ; dans ces cas-là, le poste de logisticien devient indispensable. Ici, les familles habitent depuis vingt ans dans les bidonvilles, elles ont développé leur technique de construction, leurs toilettes, une organisation hiérarchique et sociale est en place, elles s’approvisionnent déjà de façon autonome depuis longtemps. La question à se poser est : quelle est la légitimité et la volonté de MdM d’interférer dans leur organisation ? Est-ce la place de MdM d’aller chez eux pour leur expliquer comment construire leurs toilettes ?
La situation sanitaire est désastreuse dans ces bidonvilles. Au regard des standard internationaux, la précarité des infrastructures est extrême : par exemple, certains terrains de quatre cents personnes ne disposent que de trois toilettes, dont une pour le chef, situées à moins de 3 mètres des maisons, etc. Leurs conditions d’hygiène sont catastrophiques. D’où la volonté de MdM d’intervenir expérimentalement sur dix mois avec un logisticien et un support technique pour voir si cette situation peut être améliorée. Pourquoi Saint-Denis ? Parce qu’il s’agit de la mission prenant en charge la plus grande population vivant en bidonville de France et qu’une opportunité de financement a été trouvée.
La Boussole : Quelles sont les actions prévues ?
Q.B. Une première action a été menée début juin, qui consistait à sécuriser l’installation d’un nouveau terrain établi dans la boucle d’une voie d’insertion sur l’autoroute. En effet, au vu des risques de voir les enfants traverser la voie d’insertion et à la suite de plusieurs demandes, MdM a pu, en collaboration avec les familles, installer un filet de sécurité.
Puis, suivant la volonté des personnes vivant sur le terrain de garder le site propre, la demande d’un ramassage d’ordures a été faite. Il s’agit de faire le lien avec la communauté de commune afin de commander des bennes en nombre suffisant et d’inclure un nouveau point de ramassage.
Sur un plus long terme et à la suite d’un diagnostic poussé, nous analyserons selon quel champ d’action MdM peut intervenir en support aux familles en termes d’assainissement, de sécurité incendie, de toilettes et d’accès à l’eau.
La Boussole : Et là, sur cette dernière photo, que fais-tu ?
Q.B. J’inspecte les toilettes ! Cette photo illustre bien la première phase du poste. Il s’agit d’une étude, d’une analyse visant à comprendre ce qui est fait par les familles, leurs techniques, les moyens développés, leurs utilisations, etc… Il faut bien saisir les tenants et aboutissants de cette thématique et cela passe avant tout par une observation sur le terrain de ces infrastructures.
Propos recueillis par Benoit Vierron