Un ballet rapide et sans accroc

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Mardi 16 juin 2015 à 11 heures a eu lieu en simultané une action de communication et de plaidoyer concernant les personnes malades étrangères dans 4 villes de France: Paris, Lyon, Nantes, Toulouse.

Si la participation à l’organisation d’un événement militant non déclaré ne figurait pas tel quel dans la liste de mes missions de stage, l’expérience s’est révélée très enrichissante avec parfois des tâches très inattendues.  L’objectif avoué de cet article est donc surtout de donner envie et de motiver les troupes pour les prochaines actions de ce genre ! Alors c’est parti pour une petite rétrospective.

Une action forte pour dénoncer la situation très dégradée des personnes malades étrangères

Le droit au séjour pour raison médicale des personnes malades étrangères est né en 1998 sous la pression d’associations face notamment aux personnes atteintes de VIH et dont le pays d’origine ne pouvait assurer les soins. Pour plus de renseignements, voir l’article Refus de carte de séjour temporaire aux étrangers malades : une dérive inacceptable de M. Plantavid, pneumologue bénévole au CASO de Toulouse.

Actuellement, de très graves dysfonctionnements mettent en danger le droit à la santé et au séjour pour soin des malades étrangers :

– Des titres de séjours sont refusés malgré un avis favorable du médecin de l’Agence régionale de santé.

– Les préfectures mènent des “contre-enquêtes médicales” pour justifier l’expulsion des malades.

– Les préfectures argumentent que les étrangers malades proviennent de «  pays sûrs médicalement » et justifient ainsi le refus de titres de séjour. En conséquence, ces personnes sont expulsées vers des pays où elles n’ont pas accès aux soins.

C’est dans ce contexte que s’est dessiné le projet d’agir pour interpeller le grand public dans les villes de France où les dysfonctionnements sont les plus marqués. La scénographie retenue a été celle de personnes allongées sous des linceuls pour rappeler que le décès des personnes gravement malades expulsées vers des pays où elles ne pourront pas avoir un accès effectif au traitement n’a rien d’une fiction. Directement mises en cause par le slogan « Condamnés à mort par la république française », les institutions étatiques que sont les préfectures et le ministère de l’Intérieur étaient la cible de cette interpellation.

La préparation en amont  

– Imaginer et faire valider le message, la scénographie,  les visuels, par toutes les organisations

– Mobiliser les gens en restant discret, répéter la scénographie, répartir les rôles de chacun

– Identifier les lieux, l’espace, la présence policière (d’où un rapide surnom de projet secret, 007)

– Contacter la presse.                                                              

Toutes ces actions se sont faites en inter-association dans le cadre de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) dont Médecins du Monde fait partie et avec les équipes des délégations régionales de Nantes, Lyon, Toulouse qui ont été très réactifs et mobilisés ainsi que les équipes du siège – et particulièrement de la communication, du service presse, de la DMF. 

 
Le Jour J  

Le matin de l’action, impatiente de voir ce que va donner l’évènement je rejoins les personnes mobilisées, les bénévoles et salariés de Médecins du Monde mais également des associations partenaires. Facile de repérer les gens malgré beaucoup de têtes inconnues : tout le monde est en noir – on compose d’ailleurs un groupe un peu surprenant pour le passant lambda. 10h30 en route pour l’Assemblée nationale ! Pas de chansons malgré les prédispositions de certains en la matière (coucou la DMF) mais finalement une grande concentration pour être efficaces en peu de temps.

A l’arrivée tout va très vite, les porteurs de la banderole se lancent juste après les médiateurs de la police (qui en profiteront au passage pour essayer de recruter des bénévoles Médecins du Monde, un engagement exemplaire). Suivent de très près les personnes qui se glissent sous les linceuls, plus il y a de monde, plus l’image est forte. Enfin s’installent les personnes mobilisées pour le « cordon » pour protéger les personnes au sol. Les attachés de presse sont aussi sur place avec les médias et les représentants des associations qui donneront des interviews. 

C’est finalement un ballet qui s’organise très rapidement et sans accroc, presque plus simple que tout ce qu’on avait pu s’imaginer mais la préparation était là. On restera peu de temps, comme prévu, l’objectif étant de construire une image forte et symbolique diffusée par les médias en parallèle du message et des revendications portées en inter-association sur le sujet.

Les policiers sont respectueux et ne nous forcent pas à partir, rassurés par les médiateurs sur l’aspect pacifique et très bref de l’action. Une fois la photo prise et la plupart des interviews effectuées où en cours, on se disperse vers le métro,  banderole et linceuls sous le bras. Les attachés de presse s’affairent dans un café tout proche pour diffuser le communiqué accompagné d’une photo tout fraîche. On attend aussi les retours de Nantes, Toulouse et Lyon où l’action s’est également très bien passée, malgré la pluie à Toulouse.

L’actualité et les perspectives

L’action de communication est une réussite, la couverture médiatique a été efficace et la manifestation visible. La mobilisation ne prend pas fin ici. Le droit au séjour pour soins est en effet actuellement en train de se déliter et est clairement mis en danger par les perspectives alarmantes que dessine le projet de loi de droit des étrangers qui est actuellement à l’Assemblée nationale. Le transfert à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), organisme sous tutelle du ministère de l’Intérieur, de la compétence en matière d’avis médicaux conditionnant la délivrance d’un titre de séjour entérinerait la prépondérance des logiques de contrôle des flux migratoires sur celle de la santé.

Le plaidoyer national local, la vigilance et la réactivité des personnes présentes sur le terrain face aux situations de non-respect du droit des personnes, la mise en lumière des drames humains qu’entraîne la politique actuelle vis-à-vis des personnes malades étrangères  qui se révèlent nécessaires encore aujourd’hui.

Voir sur ces questions : 

– Le site de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers http://www.odse.eu.org/

– Une analyse inter-associative du projet de loi de droit des étrangers
http://www.gisti.org/spip.php?article4888

Alors, motivés pour les prochaines mobilisations ?

Léa Cicchelero, stagiaire à la direction des opérations France de Médecins du Monde

 

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