Un avant dernier pas vers une Colombie sans guerre

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Après l’accord du 23 juin 2016 sur un cessez le feu bilatéral et la fin des hostilités entre les FARC (force révolutionnaires colombienne) et l’État colombien, la signature de l’accord de paix le 24 août dernier à La Havane, Cuba, met fin au conflit armé interne de plus de 52 ans et fait faire à la Colombie un grand avant dernier pas vers un futur sans guerre.

 

Il aura fallu presque 4 années, depuis octobre 2012 début des négociations de paix, pour que la délégation des FARC et son leader Rodrigo Londono, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Gimenez alias Timochenko et le gouvernement colombien du Président Juan Manuel Santos arrivent à s’entendre sur l’ensemble des accords, puisqu’ il avait clairement été posé en amont des négociations, «  rien n’est accordé tant que tout ne sera pas accordé ».

Conclu à l’issue des pourparlers à La Havane, les accords de paix ont d’abord été ratifiés au cours de la Xème Conférence des FARC quelques jours avant la signature protocolaire, le 26 septembre, fixant aussi le jour « D », début officiel de la mise en route de ces accords.

Les ACCORDS:

 

1-Politique de développement agraire intégrale

2-Participation politique

3-Fin de conflit et dépôt des armes (DA, 180 jours à partir du jour « D »), Garanties de sécurité.

4-Drogues illicites

5-Victimes et justice

6-Approbation, Implémentation et vérification des accords

Cet accord signé par le Président de la République Juan Manuel Santos et le chef suprême des FARC « Timochenko », à Cartagena le 26 septembre, sera soumis à l’approbation des Colombiens à travers un référendum prévu le 2 octobre. Cette démarche donnant le dernier mot à la population colombienne fait partie de l’accord général d’août 2012. Les électeurs devront répondre par « oui » ou par « non » à la question : « Approuvez-vous l’accord final mettant fin au conflit et la construction d’une paix stable et durable ? » Pour l’emporter le « oui » devra recueillir 4.4 millions de voix (13% de l’électorat) et le « non » un score plus faible.

 

L’enjeu est immense, car si le « NO » venait à gagner, tout s’arrêterait là et il n’y aurait pas de paix. Cependant dans une déclaration, les FARC ont laissé entendre qu’ils ne reprendraient pas les armes si le non passait … Si le « SI » l’emporte, la voie est ouverte. Ce qui ne veut pas dire la fin de la violence dans le pays, loin de là. Il reste l’ELN (ejercito de liberacion nacional) l’autre guérilla, les paramilitaires, la délinquance commune et en « col blanc » souvent liés au narcotrafic et extraction illégale (or, diamant, émeraude, coltan, pétrole …). Concernant l’ELN des négociations devraient bientôt commencer, mais tardent. On peut penser qu’ils veulent d’abord observer la manière dont cela va se passer avec les FARC.
Il est à craindre qu’une très petite partie des guérilleros ne veuillent pas se démobiliser et réintègre les rangs de cette guérilla ou ceux de groupes mafieux …

 

Les partisans du « NO », d’une façon générale sont d’un secteur d’extrême droite, amené par l’ex-président et sénateur Alvaro Uribe Velez, et composé principalement par de grands propriétaires terriens, de militaires, d’hommes d’affaires, de politiques, tous plus ou moins liés aux para militaires appelés maintenant Bacrim, de la délinquance commune, narcotrafic et trafic en tous genres. Bref tous ceux qui ont intérêt à ce que le conflit continue.
Les partisans du « SI », sont d’un secteur de gauche, centre et droite « modérée », les populations rurales, paysannes, indigènes, afro descendante qui ont été historiquement mise à l’écart de tout débat politique y compris des élections. Une partie de la droite a également des intérêts à ce que le « oui » l’emporte pour pouvoir faire des « affaires » (développer le pays), c’est le cas de l’oligarchie à laquelle appartient le président JM Santos, tournée vers l’exportation de matières premières entre autres. Bien entendu, pour lui, historiquement ce serait LA GLOIRE, il sera ou serait le président à avoir réussi à faire la paix dans ce conflit interne avec les FARC.

 

Officiellement le conflit a éclaté avec la naissance des FARC en 1964. N’oublions pas qu’il a été précédé par la période appelée « la violencia » de 1948 à 1957, déclenchée par l’assassinat du leader politique Jorge Eliecer Gaïtan. Cette période a été le berceau de la création des FARC, et a vu également se déchirer les Libéraux et les Conservateurs (partis Libéral et Conservateur seuls partis depuis le XIXème siècle). II existait à ce moment là des petits mouvements paysans armés issus de ce qui a été appelé « les républiques indépendantes » appuyés par le Parti Communiste et un moment par les Libéraux. Ils réclamaient une répartition agraire plus équitable et une participation à la vie politique. (les 2 des premiers points des accords). Cette période aura fait entre 250 000 et 300 000 morts .

 

Les Nations Unies, Amnesty et Human Right’s Watch considèrent les FARC responsables d’environ 12% à 15% des exactions, le reste, incombant donc aux paramilitaires et à l’État.

Les chiffres officiels du gouvernement tendent à minorer le nombre de victimes, il semblerait que les avancées des négociations, la transparence qui s’installe et l’espérance après cet accord de paix, font se délier les langues et la Colombie commence à découvrir une réalité beaucoup plus « violente » que celle qu’on leur a raconté. Les mois et années qui vont suivre, à travers la commission de vérité, risquent de donner un panorama assez terrible de leur histoire.

 

Depuis 1986, le Registre Unique de Victimes, entité officielle, dénombre plus de 7 900 102 victimes. Dont plus de 70% attribués aux périodes des mandats  présidentiels d’Andres Pastrana et d’Alvaro Uribe Velez (Pastrana 1998-2002, Uribe 2002 – 2010) . C’est aussi durant cette même période que le budget de la défense « explosera » et que le Plan Colombie des États-Unis entrera en vigueur. Les deux sont pour le « non » .

Dans ce contexte on comprend aisément que les obstacles politiques, administratifs, financiers et sociaux ainsi que la corruption ne vont pas faciliter l’implémentation des accords.
Une grande préoccupation reste quant à la sécurité et en particulier celle des démobilisés lorsqu’ils auront rendu leurs armes (à l’ONU, pas au gouvernement). Dans le département du Cauca fin août, 7 leaders paysans ont été assassinés et le 8 de ce mois dans le même Cauca, la propriétaire, paysanne indigène, d’une zone dans laquelle doit se concentrer une partie des Farc, a été assassinée. Elle appartenait au mouvement social « Marche Patriotique » ainsi qu’à différents syndicats paysans.

 

L’expérience après les accords de paix de La Uribe en 1984 sous la présidence de Belisario Betancur qui a donné jour à l’Union Patriotique, parti politique conformé des FARC-EP, syndicalistes, société civile issus pour beaucoup du parti communiste, a laissé dans les esprits beaucoup de méfiance et de peur : en 3/5 ans, plus de 3000 personnes appartenant à ce parti ou ses sympathisants ont été assassinées, parmi elles 2 candidats à la présidence, des députés, sénateurs, maires, syndicalistes, leaders communautaires etc… un véritable traumatisme. Le para militarisme reste très actif et continue de menacer, assassiner, faire disparaître, particulièrement chez les leaders de DH et des mouvements sociaux et partis politiques d’opposition.

 

Le défi est gigantesque, les zones rurales reculées n’ont rien. Pas d’infrastructures routières, pas d’écoles, pas d’hôpitaux ….. Électricité, eau potable et assainissement, tout cela est à construire en respectant ce qui est écrit dans les accords de paix. Mais quel aura été le coût de la guerre en comparaison avec celui de la paix ? 297 pages en espagnol.
Résume ces accords.

femme
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A noter que dans la plupart des résumés sur les accords, rares sont ceux qui font mention du rôle et place des femmes alors que les problématiques liées aux genres sont très présentes dans le document complet. En effet, dans les rangs des FARC, 40% sont des femmes, y compris aux postes de commandement. Actuellement le nombre de combattant(e)s est estimé à 7500/8000, sans compter les miliciens non armés qui sont tout autant.

 

Dans tous les cas, la mise en œuvre de ces changements prendra du temps, les populations rurales restent très méfiantes par rapport à tout ce qui provient de l’État. Notre stratégie d’intervention reste la même, fondée sur l’accompagnement des populations vers un changement social et un accès intégral et universel de la santé : des services mobiles de santé (SMS), incluant les soins de santé primaire (SSP) et la santé sexuelle et reproductive (SSR), en lien et coordination avec le Ministère de la santé et le personnel sanitaire, renforcement communautaire accru, santé mentale et psychosociale fortement soutenue.

 

L’accent sera mis sur ces derniers points, afin de renforcer les capacités d’agir des populations de manière à ce qu’elles puissent être en mesure d’exiger leurs droits. Les thématiques genres et l’approche différenciée sont déjà travaillées par nos équipes. De même, notre plaidoyer portera sur la santé mentale et le psychosocial, afin d’introduire dans les politiques et les programmes de Santé du Ministère cette thématique importante au vu du nombre de personnes ayant subi un traumatisme durant ce conflit.
Bien sûr, tout le travail en réseau déjà développé (associations, université, partenaires sociaux, institutions etc) va continuer et s’accroitre.

 

Dans les zones où vont se concentrer les FARC, 23 zones et 8 campements, nous sommes présents avec nos activités dans 5 de ces zones et 2 campements, nous ferons de la même manière des services mobiles de santé en prenant en compte les pathologies et spécificités dues à leurs conditions de vie passée et difficile dans la forêt. A souligner que nous sommes depuis longtemps et pour l’instant la seule organisation à travailler dans ces zones.

 

Tout ce processus d’implémentation sera long et dans le meilleur des cas selon des spécialistes, 25 à 30 ans seront nécessaires pour arriver à une situation « normale » où la Paix se sera installée d’une façon stable et durable.
En attendant, l’espoir et une certaine tranquillité se sont un peu installés dans la population en général, qui reste cependant méfiante, laissant tout même entrevoir de l’enthousiasme pour cette future COLOMBIA.

 

 

Le triptyque Colombie.

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