Pour que Vintimille ne devienne pas un autre Calais

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Article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme :

– Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.

– Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

 

Après Calais, Vintimille. Deux localités, deux symboles inquiétants de la politique migratoire de la France

Deux localités qui témoignent qu’aujourd’hui, les frontières engendrent de la violence pour tous ceux qui imaginaient que France rimait avec accueil
Comme nous le savons tous, l’accueil des réfugiés et des migrants en France a été, depuis le début de ce que l’on nomme abusivement « la crise des réfugiés » , en-deçà des devoirs de protection qui devraient être inconditionnels dans un État de droit.

Depuis plus de 30 ans, toutes les activités de MdM sont sous- tendues par des interpellations incessantes sur l’accès aux droits et aux soins des plus vulnérables. C’est cette démarche résolument citoyenne et solidaire qui porte nos convictions politiques et nos actions depuis des années sur les questions migratoires.

Alors, ici comme à Calais et partout où nous constatons que les droits de réfugiés et des migrants sont bafoués, Médecins du Monde se mobilise pour dénoncer la politique migratoire, aujourd’hui la politique migratoire française à sa frontière italienne.

Selon équipes, cette situation s’est installée progressivement 

En mai 2015, alors que nos équipes mobiles travaillent auprès des personnes sans-abris, elles remarquent un nombre croissant de migrants d’Afrique subsaharienne à la gare de Nice. Des centaines de personnes sont également signalées autour de la frontière franco-italienne.

Début juin 2015, les autorités françaises décident de fermer la frontière avec l’Italie

Un premier campement s’organise en bord de mer, côté italien, sans aucune structure sanitaire. Depuis, le nombre de migrants a pratiquement triplé tout comme le nombre de mineurs isolés. Les autorités françaises multiplient les contrôles aux frontières ; le maire de Vintimille a publié un arrêté interdisant à quiconque en dehors de la Croix Rouge Italienne et de Caritas de venir en aide aux migrants en distribuant vivres ou biens de première nécessité. Depuis début octobre, plus de 1.200 migrants vivent soit dans le centre de la Croix-Rouge, éloigné du centre-ville, soit dans la Paroisse de Sant Antonio pour les familles, accueillis par Caritas.

Nous sommes aujourd’hui particulièrement inquiets de la situation sanitaire et des violences que subissent ces personnes lors de leur tentative de passage vers la France
Nos équipes sur place ont recueilli des témoignages venant illustrer ces conditions dramatiques et les violences dont ces personnes sont victimes. Les témoignages de réfugiés vivant ici à Vintimille (disponibles dans le Dossier de Presse) disent leur très grande souffrance morale et physique, ils disent la violence et les risques immenses pris pendant le trajet depuis leur pays d’origine, lisez les témoignages de ceux et celles qui ont été violés et torturés en Lybie, lisez aussi les blessures physiques préoccupantes en lien avec le parcours migratoire : hypothermie, brûlures, problèmes gastriques, respiratoires…

La situation des mineurs non accompagnés est particulièrement préoccupante

Nous retrouvons partout sur le territoire français ceux qui ont réussi à rejoindre la France à Nantes, à Paris ou à Rouen, en situation de très grande précarité, sans aucune prise en charge de l’Etat alors même que chaque mineur devrait être mis à l’abri de manière inconditionnelle.

Nous affirmons que les conditions de survie de milliers de personnes pendant des mois à Vintimille ont été et sont encore particulièrement dégradantes et qu’elles ne respectent pas les droits fondamentaux de ces personnes en situation de très grande vulnérabilité

La réalité de la politique migratoire se traduit malheureusement aussi en chiffres : en septembre 2015, les pays de l’Union européenne s’étaient fixés l’objectif de relocaliser 98 255 réfugiés arrivés en Grèce et en Italie sur deux ans.  Un an après, seuls 5 651 ont été relocalisés. En France, à peine 1 952 réfugiés ont été accueillis sur 19 714 personnes attendues.

Sur les 80 075 dossiers de demandes d’asile enregistrés en 2015, seuls 30% ont été acceptées contre 60% en Allemagne ou 73% en Suède. Aujourd’hui, alors que des solutions commencent seulement à être mises en place à Paris. La situation à Calais inquiète, celle à Vintimille s’enlise. Depuis le début de l’année 2016, l’Italie a enregistré plus de 130.000 entrées (contre 167.000 pour la Grèce).

Aujourd’hui, nous souhaitons alerter l’opinion publique avant que Vintimille ne devienne pour les Italiens et les exilés, un autre Calais

Aujourd’hui, nous nous mobilisons pour dénoncer la politique migratoire française, à sa frontière italienne. Alors que la classe politique française condamne unanimement les accords du Touquet et l’attitude du gouvernement britannique qui a externalisé sa politique migratoire à Calais, la réponse de la France est de dupliquer ces mêmes agissements à sa frontière italienne.

Face à ces constats, nous exigeons des autorités française et italienne :

–  L’accès aux systèmes de santé nationaux, fondés sur la solidarité, l’égalité et l’équité en particulier pour les femmes qui ont besoin de soins spécifiques.

–  Une protection spécifique pour les Mineurs non accompagnés dans le respect de la convention internationale des droits de l’enfant.

 -Le respect des droits fondamentaux pour chaque individu – le droit au respect de la vie, le droit à la dignité humaine, le droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants, le droit d’asile –  qui doivent être assurés dans un État de droit et une démocratie comme la France et l’Italie.

–  Nous demandons au Maire de Vintimille d’autoriser les associations à mener à nouveau leur travail de protection et d’aide au lieu d’opérer une censure des mouvements de solidarité de la société civile. 

–  Nous demandons aux autorités françaises de rouvrir la frontière pour que ces personnes ne soient plus exposées à des risques inutiles.

Migrer n’est pas un délit et personne n’est illégal sur terre.

Nous disons que la politique actuelle repose sur une double erreur d’analyse : celle qui voudrait que la migration ait un impact négatif sur l’économie, et celle qui voudrait que la fermeture des frontières entraine une baisse des migrations. Dans un monde globalisé et de communication, la frontière ne peut plus être une barrière, et encore moins un lieu de désespoir mais un espace de rencontre et d’échanges. Nos décideurs devraient arrêter de s’épuiser dans des politiques vaines, meurtrières et couteuses. Ils devraient regarder en face la réalité de la mobilité, les opportunités qu’elle offre au développement des individus et des sociétés, les ouvertures crées vers plus de solidarité et mais aussi de paix.

Nous ne voulons plus d’une humanité bafouée, souffrante, cachée et considérée comme nuisible. Pour Médecins du Monde et bien d’autres, c’est cette humanité-là qui est une chance pour un monde plus juste et plus équitable.

Dr Françoise Sivignon,

Présidente Médecins du Monde France

 

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