Rencontre à Sevran, avec Julien Peine (Assistant parlementaire de Francois Asensi, Front de Gauche, Clémentine Autain (Conseillère minicipale de la ville de Sevran), Denis Sieffert (Directeur de la Rédaction de Polities, hebdomadaire français d’actualités) et un médecin francais volontaire à Gaza pendant la guerre
L’élaboration d’un plaidoyer en partenariat avec PU–AMI et d’autres ONG a favorisé des rencontres fructueuses avec des femmes et des hommes politiques français et avec les institutions européennes.
L’ONG Première Urgence-Aide Médicale Internationale (PU-AMI) a sollicité MdM et d’autres organisations présentes en Palestine (humanitaires, développement et défense des droits de l’homme) à unir leur réflexion autour de leurs plaidoyers respectifs. Dans le cadre de cette collaboration et en tant que chargée de plaidoyer, je suis allée représenter MdM à Paris et à Bruxelles auprès de représentants des institutions européennes, de députés de l’Assemblée nationale et de diplomates du MAEE, dont l’Ambassadrice des droits de l’Homme.
Après de premières rencontres en mars 2014, nous avons organisé de nouvelles réunions en novembre 2014. Initialement, l’objectif de ces rencontres, planifiées avant la survenue de la guerre à Gaza de l’été 2014, était de rendre compte de l’impact humanitaire de la colonisation en Cisjordanie, en s’appuyant sur l’expertise des ONGs : impacts psychosociaux des violences des colons (MdM), accès aux terres et violence des colons (PU-AMI), communautés en risque d’expulsion en Cisjordanie (BTselem), présence et expansion des colonies (Yesh Din), respect de la loi et développement Palestinien en Cisjordanie (Al-Haq), accès à l’eau (E-Wash)), communautés en risque d’expulsion en Cisjordanie (NRC).
De fait, elles ont inévitablement aussi porté sur les conséquences de la guerre sur les populations.
Ironie du sort, le contexte nous a aidé puisqu’il nous a permis de défendre nos arguments auprès des décideurs politiques, qui ont été particulièrement à l’écoute. Par exemple, le député français François Asensi (Front de Gauche) a sollicité l’ensemble de ces organisations à témoigner de la situation lors d’une table ronde à l’Assemblée Nationale et a invité MdM à participer à la soirée exceptionnelle pour la Palestine qui a eu lieu le 12 Novembre. Cette soirée, animée par Clémentine Autain, s’est tenue à Sevran en présence du spécialiste du Proche-Orient Denis Sieffert, d’humanitaires et médecins de retour de Gaza et de Cisjordanie, et de personnes de la ville très concernées par la situation à Gaza.
Les acteurs influents de la communauté internationale ont été sensibilisés aux graves conséquences de la guerre sur la santé des palestiniens.
Les destructions et les violences engendrées par cette guerre ont des impacts notables sur la santé mentale des Gazaouis : signes récurrents de peur, anxiété, troubles de mémoire, hyperactivité, troubles du sommeil, etc. Les difficultés d’accès aux soins ont été aggravées par la destruction de 7 centres de santé et par l’endommagement de 60 autres.
Parmi les 25 cliniques que MdM a aidé à réhabiliter après l’opération Plomb Durci (2008-2009), 20 ont à nouveau été endommagées ou complètement détruites lors de la guerre de cet été. Quatre d’entre elles ont été à nouveau réhabilitées par MdM et nous étudions la possibilité d’en reconstruire une cinquième si l’entrée de matériel de construction est garantie.
Au rythme actuel d’entrée de matériaux pour la reconstruction, ralenti par le blocus de la bande de Gaza, il faudrait 20 ans pour remettre la ville sur pied, selon Oxfam.
La violence n’est malheureusement pas l’exclusivité de Gaza. En Cisjordanie, Jérusalem-Est inclus, la colonisation avance à grand pas, se fait de plus en plus violente et ce dans une impunité la plus totale. Les Palestiniens vivant aux alentours des colonies subissent régulièrement l’attaque de leurs propriétés, de leurs champs, ou de leur personne par des colons. Depuis déjà plusieurs mois, la situation se dégrade et les troubles se sont cristallisés dans les derniers mois à Jérusalem-Est où la tension a été à son plus haut niveau depuis la deuxième Intifada (2000-2004/2005).
“The symptoms that we most often identify are eating and sleeping disorders, anxiety, aggressiveness and depression as well as behavioral problems, leading to major psychosocial consequences like social withdrawal, domestic problems and academic deterioration for children who lack concentration due the atmosphere of fear in which they evolve”. (Citation d’une de nos travailleurs sociaux).
Nos témoignages ont suscité un grand intérêt chez nos interlocuteurs. Pour preuve : le parlementaire européen Pavel Telicka, membre de la Délégation pour les relations avec Israël, qui, par définition, n’est pas un fervent « défenseur » des droits de la population palestinienne, a souhaité s’entretenir avec nous. Nous avons donc pu lui faire part de nos inquiétudes en tant qu’organisations de développement, humanitaires et des droits humains.
Rebond : un plaidoyer contextualisé sur la post guerre
Le plaidoyer sur la post guerre à Gaza s’appuie aujourd’hui principalement sur la reconstruction, la levée du blocus et l’impact de la guerre sur la santé mentale des Palestiniens. Chacune des organisations a présenté ses données de terrains pour dénoncer les violations du droit international, du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
Dès lors que la guerre à Gaza de 2014 a changé le contexte sur place et que les programmes MdM ont dû être réajustés à la situation, le plaidoyer porté par MdM s’est également adapté pour porter davantage sur les dommages de la guerre.
Avec d’autres acteurs sur le terrain nous avons mené un travail de sensibilisation auprès des décideurs politiques pendant et après la guerre, notamment une lettre au Président de la République qui a été suivie par une rencontre au Centre de Crise du Ministère des affaires étrangères. MdM a également publié une tribune sur Mediapart intitulée « Gaza, ne reconstruisons pas une prison », co-signée par CCFD – Terre Solidaire, Secours Islamique France, Première Urgence – Aide Médicale Internationale, Handicap International et Médecins sans frontières.
Actuellement, nos équipes s’apprêtent à conduire sur le terrain une étude dans un centre de santé pour évaluer les impacts de la guerre sur le système de santé.
La valeur ajoutée des ONG présentes en Palestine est de témoigner de la réalité de l’occupation, et de dénoncer son impact humanitaire auprès de la population civile palestinienne. Les ONG ont un rôle essentiel à jouer pour que la mobilisation citoyenne fasse pression sur les autorités. Le sentiment d’impuissance est généralisé mais l’ensemble de nos interlocuteurs a clairement exprimé l’importance fondamentale de la mobilisation de l’opinion publique, qui est et restera un levier primordial pour conduire les politiques à agir et faire cesser ce conflit.
Il existe aujourd’hui une petite fenêtre d’ouverture et il est unanimement reconnu que si cette opportunité n’est pas saisie, une solution à deux États, objectif de l’Union européenne, de la France ainsi que d’autres pays, deviendra impossible.
En Cisjordanie, la colonisation israélienne avance en toute impunité. Pas d’accalmie depuis 47 ans. La violence inégalée du conflit survenu à Gaza durant l’été 2014 n’a fait qu’aggraver la situation sur le terrain, au point qu’une exaspération générale semble finir par toucher la communauté internationale.
L’UE a mis en place des mesures pour qu’Israël respecte le Droit international ainsi que pour que l’UE soit elle aussi en conformité avec le Droit international, tel que le non financement des établissements publics ou privés qui auraient des activités dans les colonies, du fait de leur illégalité (EU Guidelines). Or, seuls quelques états membres appliquent ces mesures, ce qui empêche l’Europe d’adopter un positionnement unique.
Le contexte post-guerre dont les ONGs se font les témoins, la frustration générale et la prise de position des Etats vont peut-être faire changer la situation.
Une résolution non contraignante demandant au gouvernement la reconnaissance de l’Etat de Palestine, dont le vote a été initié par quelques pays européens tels que le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne, a été adoptée par l’Assemblée Nationale et le Sénat français au début du mois de décembre. Le gouvernement suédois est le seul gouvernement européen qui a reconnu l’Etat palestinien.
Au niveau de l’Union Européenne, des changements récents laissent aussi espérer des actes : le Parlement et la Commission viennent d’être renouvelés, et la chef de la diplomatie nouvellement élue, Frederica Mogherini dont la première visite officielle s’est faite en Palestine et Israël, a exprimé le souhait d’un engagement plus fort de l’Union.
Il existe aujourd’hui une petite fenêtre d’ouverture… Il est unanimement reconnu que si cette opportunité n’est pas saisie, une solution à deux Etats, objectif de l’Union européenne, deviendra impossible. Dans ce contexte actuel d’opportunité politique, Médecins du Monde et ses partenaires, en tant qu’acteurs de terrain, vont continuer à témoigner de l’impact humanitaire de l’occupation et à faire du lobbying auprès des décideurs politiques pour la défense des droits de la population civile palestinienne.