Derrière ce pont : la vallée de Sindhupalchok, un autre monde quasiment inaccessible
« Médecins du Mal », tel fut mon malheureux lapsus pour évoquer le Népal le jour de mon hésitante présentation au conseil d’administration. Je suggérai alors l’adhésion de nos compagnons de route comme une valeur ajoutée à notre association, en écho à celle de Surendra, népalais et acteur anonyme à Médecins du Monde.
Médecins du Monde au Népal … vaste programme!
Katmandu, ville surpeuplée, bruyante et poussiéreuse… mais aussi Katmandu généreuse en couleurs chatoyantes, magnanime dans ses visages d’une extrême bienveillance… Plus loin dans la région du Sindhupalchok, perdue au milieu des collines et des montagnes, Chautara semble presque silencieuse. Y accéder est ardu, y vivre, compte tenu de la géographie et des conditions climatiques l’hiver, l’est bien davantage encore. Pourtant là aussi, chez ces parias, l’accueil est chaleureux. C’est au cœur du Sindhupalchok que l’équipe de Médecins du Monde a choisi d’intervenir et l’endroit est tristement pertinent. Car derrière ces sourires que rien ne semble vouloir contrarier, on pourrait presque ignorer la souffrance des femmes. Que dire alors quand l’on sait que le suicide est devenu la première cause de mortalité chez les Népalaises âgées de 15 à 49 ans ?
Tout est contraste dans ce pays dont on ne revient pas indemne.
A la blancheur immaculée de la chaîne de l’Himalaya vient se heurter la noirceur de l’insupportable condition des femmes. Le National Geographic du mois d’Août 2014 titre ainsi « Au Népal, naître femme est une malédiction » et d’asséner impitoyablement « Mariées de force, répudiées, violées, assassinées… Nulle part au monde, les femmes ne sont aussi maltraitées. Voici la face cachée du paradis des trekkeurs ».
Entre 60 et 70 % des Népalaises seraient victimes de violences, à commencer par les brutalités domestiques qu’elles endurent au quotidien. Le chhaupadi, littéralement, « les femmes ayant leurs règles », reste ancré dans les traditions, les femmes sont ainsi reléguées au statut de bétail durant la période des menstruations. L’avortement, bien que légal, demeure tabou, ou sélectif de fœtus féminins (!). Enfin le trafic des femmes reste honteusement lucratif : si à Katmandu le business du sexe n’est un secret pour personne, les femmes népalaises s’exportent également. Chaque année, 7 000 à 12 000 d’entre elles seraient victimes de réseaux internationaux de prostitution.
Alors « Médecins du Mal » deviendrait un lapsus révélateur d’un constat alarmant et effrayant, où les thématiques portées par Médecins du Monde, SSR, GND, VLG se confondent et s’imposent.
Femme séchant le riz en pleine ville
Depuis 2007, la spécificité du projet résidait dans le fait de lier amélioration des conditions sanitaires et lutte contre la pauvreté par le renforcement des capacités économiques des femmes en leur garantissant l’accès à des services de micro-finance. Grâce à une équipe dynamique et motivée, la mission du Népal a fait ses preuves sur ce volet dans la région du Sindhupalchok , mais elle n’a pas abattu toutes ses cartes. Le droit des femmes devient l’urgence, et il existe un possible partenariat avec les acteurs rencontrés, BBC (Beyond Beijing Committe) est en cela d’une exemplaire pertinence.
Assurément, Médecins du Monde a toute sa place, une place majeure notamment sur les VLG. Les mentalités peuvent et doivent changer. L’affaire des femmes là-bas est l’affaire de tous et de chacun, comme chaque engagement pris dans notre association, quel que soit le public et la cause défendue. Il faut réveiller les consciences dans un plaidoyer afin que le sourire emblématique des Népalaises ne soit plus celui d’une carte postale, mais celui de femmes qui ont retrouvé une identité!
Albert Einstein disait « Le monde est dangereux à vivre! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire». Assurément celles qui ont défendu leur mission ont décidé de ne pas laisser faire, je salue et soutiens leur engagement.