Migrants, l’Europe doit vraiment bouger

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Françoise Sivignon, présidente de Médecins du Monde France et Janice Hughes, présidente de Médecins du Monde Grande Bretagne exhortent les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités vis-à-vis des migrants qui cherchent refuge en Europe. « Faites de Calais la première pierre de cet édifice. Et au-delà de Calais, rendez à l’Europe sa vocation de terre d’accueil et de dignité. »

Après des mois de discours et d’expédients, la véritable réponse européenne sur la question des migrants se fait attendre. Les troubles qui agitent la Corne de l’Afrique ou le Moyen Orient ne datent pas d’hier. Cette réponse aurait donc pu être anticipée. A défaut, après des milliers de morts en Méditerranée, avec des parcours migratoires toujours plus douloureux, Il est désormais plus que temps que l’Europe politique bouge.

L’Union Européenne a été créée pour que ne resurgissent pas les fractures du passé. Or les solutions envisagées ou parfois mises en oeuvre jusque-là fracturent. L’Europe dépense des sommes considérables pour fermer les frontières et traquer les migrants, la Hongrie est en situation irrégulière et viole le droit international en édifiant un mur, la Macédoine opte pour l’Etat d’urgence, la Serbie pour le laissez passer, les autres Etats européens se déchirent depuis des mois sur la question des quotas. Partout il s’agit en fait d’un pilotage au jour le jour que les migrants payent trop souvent de leur vie. Face à cette situation explosive, l’Europe donne en tergiversant, l’illustration d’une terrible faiblesse politique.

En accompagnant les migrants depuis trente ans pour les soigner et leur permettre d’accéder à leurs droits, Médecins du Monde s’inscrit dans une action résolument citoyenne et solidaire. Nous sommes présents tout au long des parcours migratoires, depuis les zones de conflit, en passant par la Grèce et jusqu’à Calais.

Plus de 3000 exilés vivent aujourd’hui à Calais dans des conditions indignes sur une ancienne décharge sauvage. Les épidémies ne sont pas prises en charge par les autorités sanitaires, dont c’est la responsabilité. Mettant en œuvre les compétences et les moyens logistiques habituellement réservés aux situations de guerre ou de catastrophe, les équipes de MDM soignent et partagent le quotidien de ceux qui ne recherchent qu’une vie paisible, hantés par la violence de leur propre vécu et les souffrances de ceux qui sont restés au pays.

Les Etats français et anglais sont d’ores et déjà complices de la création de cet immense bidonville. Les nouvelles mesures essentiellement sécuritaires annoncées récemment par la France et Le Royaume Uni vont renforcer le rejet et la précarité de ces migrants. Elles sont indignes de pays dont les droits de l’homme et la liberté sont des valeurs fondatrices.

Acteurs de la société civile, nous œuvrons aussi à faire bouger l’opinion sur les questions migratoires. Nous attendons ainsi de nos gouvernements des messages pédagogiques et non démagogiques reflétant la réalité des situations. Demander l’asile ne constitue pas un crime. Les migrants ne sont pas une menace sécuritaire. Ils ne viennent pas envahir l’Europe ni se faire soigner. Les migrants sont simplement dans une quête acharnée et légitime d’un projet de vie digne.

Il est donc urgent d’accélérer la mise en place de mécanismes d’accueil et de protection à la hauteur des besoins. Les difficultés techniques s’estomperont rapidement si une volonté politique forte s’affirme enfin. Il est de la responsabilité des Etats européens d’élaborer un plan stratégique global et durable comportant des clés de répartition, respectant le droit d’asile et s’accompagnant de moyens financiers dédiés. Une réflexion incluant les pays d’origine doit aussi s’engager au plus vite sur des voies légales de mobilité, pour une migration circulaire sans brutalité ni hécatombe.

L’Europe a su faire face à des crises financières en mettant sur la table des moyens considérables. Elle vit aujourd’hui un moment de vérité où se jouent ses valeurs et qui nécessite autant de réactivité et d’ambition. Un peu de courage ! Cessez d’essayer de gagner du temps. N’entassez plus les migrants dans des camps indignes. Trouvez des solutions durables et dignes pour résoudre ces questions migratoires. Humanisez votre réponse. Cessez de harceler ceux qui ont vécu l’enfer. Reconnaissez l’apport démographique et économique de la migration.

Du terrain où nos équipes travaillent jour et nuit, nous vous interpellons en connaissance de cause et ne cesserons de le faire jusqu’à ce que les migrants recouvrent leurs droits, tous leurs droits, rien que leurs droits. Faites de Calais la première pierre de cet édifice. Et au-delà de Calais, rendez à l’Europe sa vocation de terre d’accueil et de dignité.

A défaut, nous risquons, vous risquez, une dislocation de l’idée même du projet européen.

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