Médecin ORL libéral, c’est une de ses amies bénévoles à médecins du monde qui l’incite à utiliser son temps libre pour se consacrer au dessin et l’encourage à s’investir avec MdM, il y a 3 ans de ça.
Il propose alors d’agir pour la prévention pour des maladies comme le sida ou les hépatites, en faisant des affiches et dépliants avec des dessins, pour que les messages soient compris de tous, y compris de ceux qui ne savent pas lire ou qui ne parlent pas le français.
Charles Masson est un activiste solitaire, il accueil des personnes dans le besoin en temps que patients cinq à six fois par an, en leur mettant à disposition son cabinet croix roussien, ainsi que son matériel. Le reste de son temps, les soirs et week-end, il le passe à dessiner.
“Le seul truc que je pouvais faire de vraiment bien à MdM, c’était le dessin, car médecin ORL c’est une spécialité qui n’est pas très utile en humanitaire, les oreilles décollées au Cambodge, c’est pas une urgence”, ironise-t-il.
Charles Masson a toujours aimé le dessin, depuis enfant. La vocation d’être médecin ne lui est venu que très tard. Après avoir cherché pendant 10 ans une maison d’édition qui accepte de publier ses illustrations à caractère trop politique, il finit par signer chez Casterman en 2003. Mais avec ce qu’il gagne avec les ventes de BD, il lui faut « un petit boulot à côté ». Pour lui, c’est la médecine.
Il a mis 3 ans pour écrire le scénario et produire les dessins de Droit du sol son dernier ouvrager il fallait le faire un peu dans l’urgence.
« J’ai bossé à Mayotte, alors j’ai décidé de raconter ça ». Mayotte a été séparée des Comores pour devenir le 101ème département de France, mais les Comores continuent à réclamer l’île comme partie intégrante de l’archipel. Les quatre îles sont proches et en même temps très lointaines, de par leur situation économique.
En 2004, 20 000 personnes possèdent des papiers et 100 000 sont présentes sur l’île illégalement. Cela représente alors environ 80% de la population et le gouvernement du moment les renvoie. La majorité de ceux qui ont été renvoyés revenait sur de minuscules embarcations qui se renversaient. On estime qu’il y a 10 000 personnes noyées dans le lagon.
Charles Masson nous raconte que « les gens qui viennent sont chez eux, d’où le terme droit du sol, l’île d’en face est à 57km ! »
Les gens viennent des îles comoriennes pour aller en territoire où on vit un peu mieux. La bas les hôpitaux sont très vétustes avec du matériel sale, la maternité a fermé à Anjouan donc les femmes enceintes se déplacent à Mayotte.
Charles nous explique la limite entre pauvreté et misère : « tout le monde se considère comme pauvre mais la misère ne touche pas tout le monde, on parle de misère quand une mère de famille devient incapable de nourrir et de soigner ses enfants correctement, de pouvoir leur offrir une éducation, et enfin d’empêcher la plus grande de ses filles à se prostituer ».
Ce qui a fini de convaincre ce médecin de prendre son crayon pour illustrer la misère de cette population, c’est l’histoire racontée par une infirmière à Mayotte, comme quoi une femme fini par jeter son enfant à l’eau afin qu’il se taise, par peur de se faire attraper par la police. C’est la dernière page de la BD.
« Que ça se passe sur le territoire français et que la police qui la cherche c’est la tienne, bah tu fais un livre de 500 pages qui parle de ça. Le fait de finir sur un gamin qui se noie, c’est pour choquer, on s’en rappelle ! ». Une sorte de coup de poing graphique… Mais pour lui, l’engagement passe surtout par l’écriture : « c’est plus de la presse que de l’art, le seul intérêt, c’est l’écriture, mais je n’écris pas assez bien pour ne pas avoir besoin de faire de dessins, je ne suis pas un bon écrivain »
Chez MdM, Charles Masson est tout à fait conscient qu’il n’a personne à convaincre avec cet ouvrage, mais aimerais que son expo passe ailleurs et soit connue du grand public. Pour l’instant son œuvre a du mal à être acceptée car c’est un sujet jugé trop politique. Mais Charles Masson est déterminé et il serait apparemment en route pour le festival d’Angoulême. Il aimerait également pouvoir exposer à Mayotte.
Charles Masson a l’intention de sortir un nouveau bouquin, qui serait la suite la suite de Droit du sol, dans un peu plus de six mois. Il sera encore plus épais et veut aller encore plus loin.