Prenez quelques méditerranéens, quelques anglo-saxons ou des européens du nord, et ajoutez-y deux sud-américains, deux nord-américains et une japonaise, agitez le tout sur le thème de la vision, de la mission et des valeurs, laissez cuire deux jours, en prenant soin d’avoir le temps que lèvent les rencontres interpersonnelles, et vous obtiendrez une fantastique rencontre internationale des présidents et directeurs généraux de 14 organisations membres du réseau international.
La preuve? Voici la « vision » définie par cette folle équipe: « Nous Médecins du Monde, nous voulons un monde où tous les obstacles à la santé auront été surmontés, un monde où la santé sera reconnue comme un droit fondamental ». Simple, non? Mais efficace.
Certes, on voudrait peut-être davantage de précision, parler de droit fondamental « effectif » (il ne suffit pas d’avoir un droit pour qu’il soit réalisé), mais on y perdrait en efficacité… du message (pas du droit). Une autre preuve, de vraie interculturalité? Nous sommes tombés d’accord sur cinq valeurs fondamentales:
- la Justice sociale (qui intègre l’égalité et l’équité, nous a expliqué le professeur Michel Roland, président de MdM Belgique, spécialiste de ces questions)
- l’empoderamiento (en anglais, empowerment, et en français.. rien de satisfaisant) (valeur préférée à la solidarité, car les espagnols nous ont expliqué que pour eux la solidarité avait une connotation d’assistance, avec un déséquilibre dans la relation; d’un autre côté, les argentins n’étaient pas à l’aise avec l’empoderiamento, assimilé chez eux à des mouvements évangélistes… comme quoi rien n’est simple, même si on parle la même langue)
- l’engagement (préféré à la militance ou à l’activisme, avec une contribution des anglais, qui nous ont expliqué que dans leur langue « militancy » était proche des poseurs de bombe, alors que « activism » était beaucoup plus doux, l’inverse de la langue française – attention aux faux amis)
- l’Indépendance (rien à dire, si ce n’est que c’est bien de voir que c’est important pour tous)
- et… le kinkou. Forcément, la question surgit: « Et c’est quoi ? ». Le kinkou est un mot japonais (une des valeurs fondamentales de MdM Japon), qui se traduit par « équilibre » ou « balance »; il nous a séduits car il nous semble refléter une manière d’être chez Médecins du Monde, entre les urgences et le long terme, entre ici et là-bas, avec un équilibre, sans excès, mais de façon stable et juste.
Même si nous ne sommes pas parvenus au cours de la réunion à aller jusqu’à écrire la mission (seulement des bribes) – un groupe de travail a été constitué pour avancer (NB: il s’est réuni le 2 juin, et a formulé une proposition, mais ceci est une autre histoire), nous avons su poser les fondements d’une démarche commune.
Le second jour, nous avons travaillé sur ce que signifie être membre du réseau. Nous voyons qu’il s’agit d’abord d’un outil d’échange, de mise en commun, de moyens, d’expertise, de communication, de plaidoyer, voire de ressources humaines.
Ensemble, nous sommes plus forts, plus efficaces, et notre plaidoyer est infiniment plus percutant. Le succès de l’observatoire européen de la santé des plus vulnérables en est la meilleure preuve. Et la conférence de presse faite à Madrid à l’occasion de notre réunion et de la sortie du dernier rapport de l’observatoire du réseau international a montré, par les centaines de reprises presse et les millions d’auditeurs TV, que ça marche!
Nous sommes repartis contents, et prêts à travailler encore davantage ensemble.
Olivier Lebel, directeur général de MdM France