Sept ans après le tremblement de terre et l’arrivée massive de l’aide humanitaire avec toutes ses dérives, il nous semble important de raconter aujourd’hui comment, pour cette nouvelle urgence, nous avons pu mettre à profit les leçons acquises et développer une mission d’urgence gérée par les équipes haïtiennes et la coordination générale.
Le grand reproche fait à la gestion de la crise majeure de 2010 a été d’avoir laissé de côté les haïtiens, d’avoir pensé pour eux, sans les faire participer aux prises de décisions, en les plaçant comme exécutants et non pas comme des acteurs incontournables de la reconstruction. Les équipes d’urgence sont intervenues en parallèle des missions en cours dans le pays, ne profitant ni de leur savoir-faire, ni de leur connaissances, ni de l’expérience des acteurs de la société civile.
En 2016, avec le passage de l’ouragan sur le Sud et la Grande Anse, Médecins du Monde a fait le choix de laisser ses équipes terrain en première ligne dans la gestion de cette urgence.
Les équipes sur place ont commencé dès le lendemain à assurer des consultations et à se rendre dans les zones affectées pour y faire une évaluation. Elles ont pu alors, élaborer une stratégie d’intervention adaptée à chaque département.
Leur parfaite connaissance de la zone et de ses habitants, des acteurs locaux, associatifs et institutionnels, de la culture, de la langue… ont été des atouts majeurs pour mettre en adéquation la réponse aux besoins.
L’appui du siège a été précieux, la coordination avec la cellule d’urgence et l’appui des RH ont permis le déploiement rapide de deux urgentistes pour appuyer la coordinatrice générale et l’envoi de matériel et de médicaments.
Les équipes haïtiennes, alors qu’elles étaient directement affectées (perte ou maisons endommagés) ont fait preuve d’un engagement, d’une cohésion et d’une solidarité exemplaires.
Elles ont réussi de manière efficace et très rapide à mettre en place 13 équipes mobiles choléra et 9 cliniques mobiles dans les deux départements d’intervention; le Sud et Grande Anse. Aujourd’hui ce sont plus de 12 000 consultations qui ont été réalisées. Ce dispositif n’aurait sans doute pas pu être déployé aussi rapidement par des équipes extérieures.
Nous avons su tirer les enseignements du tremblement de terre et nous pensons que la décision de Médecins du Monde de gérer cette urgence autrement a véritablement permis une réponse adaptée à une crise majeure du pays.
Afin d’anticiper d’autres crises les équipes haïtiennes souhaitent bénéficier d’une formation à la gestion des urgences. Cette formation a été intégrée aux priorités dans le plan d’action de la cellule d’urgence.
Si notre mobilisation reste entière, ce n’est malheureusement pas le cas des bailleurs et des médias.
Nous devons continuer à alerter sur la situation sanitaire et alimentaire, car les mois à venir vont être très difficiles pour les deux départements, qui étaient considérés comme le grenier d’Haïti.
Un grand merci à toutes les équipes en Haïti et au siège qui ont permis de penser autrement, et particulièrement à Charlotte (responsable desk) pour son inépuisable engagement.
Aude de Calan et Sophie Lasserre, responsables de la mission Haïti
« Arrivée en 1991 à MdM, j’ai été successivement responsable des achats médicaux, desk Colombie, Cuba et Mali, coordinatrice pays au Mali, puis responsable de la formation. En 2014, j’ai succédé à Anne Urtubia comme responsable de mission en Haïti, à, sa demande.
Aujourd’hui je travaille au sein du bureau Maladies Infectieuses du département de Seine Saint Denis où je garde des liens avec l’association et plus particulièrement avec le CASO et la mission bidonville ou à travers la mise en place de formation sur la tuberculose à destination des acteurs salariés ou bénévoles de MdM. » Aude de Calan
« Mon engagement pour Haïti remonte à plusieurs années, et j’ai pu expérimenter les trois positions du triptyque ! J’ai été desk Haïti, puis coordonnatrice générale basée à Port au Prince en 2001 et 2004/2005, et enfin responsable de mission. J’ai tout de suite été séduite par Haïti et par les haïtiens, leur culture, leur littérature, leur humour, leur générosité, et tellement d’autres choses encore que je vous invite à découvrir en y allant. J’ai pu aussi assister aux trop nombreuses catastrophes naturelles qui dévastent le pays, les ouragans et surtout le tremblement de terre de 2010….
A côté de cet engagement bénévole, je travaille pour la Fondation de France et suis responsable du programme Prisons et du programme Humanisation des soins. » Sophie Lasserre