L’année 2017 est une date anniversaire symbolique pour le peuple palestinien. Elle marque les 100 ans de la Déclaration Balfour de 1917, établissant un “Foyer national pour le peuple juif” en Palestine ; les 70 ans du Plan de partage de la Palestine, approuvé par l’ONU en 1947 ; les 50 ans de la Guerre des Six Jours, ayant pour conséquence l’occupation de la Cisjordanie, de la bande de Gaza, du plateau du Golan et de Jérusalem-Est par l’Etat hébreu en 1967 ; enfin, les 10 ans du blocus de la bande de Gaza imposé par Israël dès 2007. Ce triste anniversaire a aujourd’hui des effets socio-humanitaires importants sur la population palestinienne.
Un contexte géopolitique désastreux
Le blocus, qui entre dans sa 10e année, exerce une asphyxie telle que l’on parle de “bombe à retardement”, avec des conditions impropres à la vie humaine, qui deviendront invivables d’ici l’année 2020 (selon le Secrétaire général des Nations Unies et la Banque mondiale).
Un territoire de 365 km², 2 millions d’habitants – dont 67% de réfugiés – et un blocus israélien imposé depuis 10 ans aujourd’hui. La population palestinienne de la bande de Gaza fait face a une situation humanitaire désastreuse :
- 47% des ménages palestiniens souffrent d’insécurité alimentaire ;
- Seules 3 à 4 heures d’électricité sont disponibles par jour ;
- L’eau est à 96% non-potable ;
- En décembre 2016, les stocks de médicaments n’étaient qu’à 30% de leur capacité vitale ;
- Enfin, le territoire souffre d’un taux de chômage de 42% (le plus élevé au monde).
Cette situation est rendu compliquée par le morcellement de l’archipel palestinien en trois entités : Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza.
Tandis que l’annexion de Jérusalem-Est – considéré comme un territoire occupé – n’est pas reconnue par la communauté internationale, la Cisjordanie a été divisée en trois suite aux Accords d’Oslo II de 1995 : la zone A est dirigée par l’Autorité nationale palestinienne, la zone B est co-régie par l’administration palestinienne et la sécurité israélienne, et la zone C est sous total contrôle israélien. Enfin, la bande de Gaza, sur laquelle est imposée un blocus terrestre, maritime et aérien total, est par définition juridiquement “occupée”.
Les besoins de la population et les actions de MdM
Le contexte social, humanitaire et géopolitique de la Palestine – aggravé par le blocus de la bande de Gaza – plonge la population dans un environnement coercitif nocif. Les trois entités de l’archipel palestinien sont touchées par cette situation.
La Cisjordanie, isolée, est séparée d’Israël par un mur depuis 2002. Le passage se fait via des points de contrôle spécifiques, nécessitants des permis spéciaux attribués de manière arbitraire. Par ailleurs, les processus d’occupation israéliens, conduits dans la zone C du territoire, spolient les ressources naturelles locales et entraînent des violences quotidiennes à l’encontre des populations (harcèlements, menaces de mort, destructions, transferts forcés).
A Jérusalem-Est, les palestiniens sont considérés comme des résidents temporaires. Ce statut discriminant a pour effet le non-respect de leurs droits fondamentaux et un accès restreint aux services. Leur identité peut être révoquée s’ils quittent le territoire, même temporairement. En 2016, 1093 édifices palestiniens de la zone C et de Jérusalem-Est ont été détruits (des maisons, des entreprises, …).
Gaza est une prison à ciel ouvert. Un blocus et trois guerres différentes en 10 ans ont eu raison de la population gazaouie, qui n’a plus accès aux biens de base tels que l’eau, l’électricité ou encore la nourriture. Par ailleurs, tandis que les flux d’entrées et de sorties du territoire sont contrôlés par Israël, 42% des patients nécessitant une prise en charge médicale vitale à l’extérieur se voient leur permis refusé.
Face à cette situation, MdM a mis en place, depuis 2015, des actions de terrain permettant de nourrir une stratégie de plaidoyer aux échelles locale et internationale.
Nos actions et programmes sur le terrain : Un programme de préparation aux situations d’urgence à été conduit à Gaza d’avril 2015 à mars 2017 : 407 membres du personnel ont été formés à l’intervention d’urgence et au triage, tandis que 2 simulations ont été menées dans 11 cliniques d’urgences. Au total, 2280 membres de la communauté ont été formés au soutien vital de base. Le programme de santé mentale et de soutien psychosocial est mené de mai 2015 à décembre 2017 : 1261 victimes de violences liées à l’occupation ont été reçues, et 60 groupes de soutien composés de pairs ont été créés dans le cadre de l’amélioration de la résilience des communautés. Enfin, un programme santé sexuelle et reproductive s’étend de janvier 2015 à juillet 2017 : 153 femmes souffrant de grossesses non-désirées ont été reçues ; de plus, des séances de sensibilisation sur la planification familiale ont été dispensées à 6545 personnes. |
Un plaidoyer pour la défense des droits de l’homme
Quelles sont les limites de la politique étrangère de l’Union Européenne ?
Premièrement, il semble impossible de trouver un positionnement commun. Le consensus général sur la Solution à deux Etats et la condamnation unanime de l’occupation israélienne sont affaiblis par le faible levier politique européen. La diplomatie reste entre les mains des Etats-membres, profondément divisés sur les questions israélo-palestiniennes.
Deuxièmement, la situation humanitaire israélienne est noyée dans un environnement régional et international complexe. L’Union Européenne reste active dans le processus de paix israélo-palestinien, aux côtés de l’ONU, de la Russie et des Etats-Unis. Mais ces derniers semblent être le seul Etat tiers disposant des ressources nécessaires à l’adoption d’un changement concret – malgré les incertitudes entourant la politique de Trump. Cette crise semble oubliée dans l’agenda politique en raison de sa longueur, de son coût pour la communauté internationale et de l’émergence d’autres conflits régionaux tels que la Syrie ou le Yémen.
Le dernier point est une interrogation : la résolution du conflit souffre-t-elle d’un manque d’acteurs fiables en Israël comme en Palestine ? Il est vrai que les décideurs européens ont une vision pessimiste du conflit car ils n’ont pas d’interlocuteurs crédibles sur le terrain. Tandis que le gouvernement de Netanyahou, considéré comme extrémiste et pro-colonial, ne respecte pas le droit international des droits de l’homme, la légitimité de l’Autorité palestinienne est en berne (corruption, divisions internes et manque de démocratie nationale). Le Hamas, toujours sur la liste européenne des organisations terroristes, conduit une “politique sans contact” qui entrave l’aide étrangère et les négociations politiques.
Les limites à l’international : l’échec de la politique internationale des droits de l’homme.
Tandis qu’Israël est censé, en tant que puissance occupante, “veiller à ce que la population locale soit traitée humainement et à ce que ses besoins soient couverts, respecter les biens privés, assurer la gestion des biens publics, le fonctionnement des établissements scolaires, l’existence et l’administration des services médicaux” (conformément à la Quatrième Convention de Genève), les autres États tiers, ont, eux, le devoir d’agir en cas d’infraction ou de violation pour rappeler aux responsables leurs obligations et responsabilités. Mais ces directives ne sont que très rarement suivies.
Dans ce contexte, la mise en place d’une stratégie de plaidoyer est indispensable.
Il est crucial de s’attaquer aux causes profondes des problèmes politiques et liés aux violations des droits de l’homme. Selon l’ONU, l’occupation israélienne est le “facteur premier du besoin humanitaire” en Palestine et a entraîné une augmentation de la vulnérabilité et de la violence, de la peur et du stress. C’est pourquoi MdM exhorte la communauté internationale à assurer la mise en œuvre effective du droit international. L’association lutte pour susciter une prise de conscience parmi les décideurs – à l’aide de preuves recueillies sur le terrain, et garantir au peuple palestinien le droit à la santé et à leur dignité.