Interview Konstantin Labart Kava, directeur de l’association New Vector
Photo de Olivier Papegnies
La Géorgie connaît depuis de nombreuses années une utilisation accrue de produits licites et illicites, notamment par voie intraveineuse. Médecins du Monde, en lien avec des acteurs locaux, a initié un projet pilote de réduction des risques : information, prévention, accès aux soins, dépistage, formation et plaidoyer. L’objectif principal est de contribuer à réduire les risques de transmission du VIH, des hépatites B et C et des infections sexuellement transmissibles autres que celles-ci chez les usagers de drogues par voie intraveineuse (UDVI), ainsi que les dommages liés à cette pratique. En parallèle du plan national d’éradication contre l’Hépatite C, MdM a commencé un programme de traitement auprès d’usagers pour proposer un modèle de prise en charge afin de montrer son efficacité et de le reproduire au niveau national. Ce programme repose sur un partenariat étroit établi avec New Vector, une association d’autosupport locale, créée par et pour des usagers.
Quand et comment a été créée l’association New Vector ?
Je travaille dans le domaine de la RDR depuis 2004. En 2006 j’ai lancé l’association New Vector, une association d’autosupport, c’est-à-dire d’usagers de drogues. C’était la première organisation à avoir ce statut en Géorgie et dans le Caucase du Sud. Comme la loi géorgienne est l’une des plus sévères parmi les pays de l’ex-Union soviétique, nous avons compris que la création d’une ONG nous permettrait de protéger nos droits.
Je l’ai créé car les pratiques des usagers étaient trop criminalisées. J’ai fait ça avec le soutien de mes amis et de ma famille qui m’ont donné la force de venir en aide aux autres usagers.
Quelles sont les activités menées par New Vector ?
Nous distribuons du matériel d’injection stérile pour les usagers de drogues par voie intraveineuse dans notre centre mais en outreach. Un médecin généraliste et une psychologue leur offrent la possibilité d’accéder à des tests de dépistage et à des consultations pour le VIH/sida, les hépatites B et C, la tuberculose et la syphilis, et les accompagnent vers les différents services médicaux, sociaux et de protection de leurs droits.
Parallèlement, nos actions de plaidoyer permettent de participer à l’élaboration d’une nouvelle politique en matière de toxicomanie et de planifier une stratégie. En Géorgie, la loi est très répressive et les usagers subissent de nombreuses discriminations. Nous menons donc actuellement deux combats. Nous voulons mettre en place un plaidoyer au niveau national en faveur de la décriminalisation des pratiques de RdR et une prise en charge médico-sociale des usagers. Nous voulons améliorer l’accès aux traitements contre l’Hépatite C pour les usagers de drogues. Nous avons beaucoup avancé dans le premier combat. Nous nous battons également pour que la loi soit moins répressive, que les usagers puissent avoir accès aux services de santé, mais beaucoup de progrès reste à faire pour que la loi devienne plus libérale.
Comment se passe le partenariat avec MdM ?
Le partenariat a commencé en 2011. Grâce à ce partenariat, nous avons gagné en expertise dans le domaine de la RdR. New Vector peut maintenant proposer différents types de services aux usagers de drogue. Depuis 2011, grâce au soutien de MdM, NV a pu élargir son action, en améliorer la qualité et inaugurer un service dentaire avec un accès aux services thérapeutiques et chirurgicaux.
Nous sommes devenus une organisation solide car MdM et le Fonds mondial nous ont aidé à former des travailleurs sociaux qui peuvent accompagner les usagers au quotidien.
Le partenariat avec MdM, c’est étudier les problèmes ensemble et arriver à faire changer les choses et obtenir des résultats. C’est aussi mettre en place des innovations qui seront reprises à une plus grande échelle. Par exemple, le programme de traitement contre l’hépatite C est le résultat des actions de rue, des tables rondes, des actions de mobilisation. Le résultat c’est le changement de loi sur l’overdose et le décret n’autorisant plus les policiers à accompagner les usagers dans l’ambulance pendant l’overdose. Enfin le dernier résultat est le renforcement de la communauté qui porte sa propre voix.
Concernant le volet plaidoyer, nous avons pu grandir au niveau régional. MdM a contribué à mobiliser la communauté des malades de l’Hépatite C. Plusieurs structures se sont créées comme le GECAB (Community Advisory Board of patients) ou GENPUD (Georgian Network of People Using Drugs)
Les activités de plaidoyer et les différentes manifestations ont grandement contribué à ce que le gouvernement prenne conscience de l’urgence de traiter l’Hépatite C et décide de mener ce plan d’éradication nationale. Le partenariat est très efficace et doit constituer un modèle.
Que pensez-vous du programme national de traitement ?
Le lancement du programme de traitement en mai 2015 a été une merveilleuse avancée dans notre combat. C’est extraordinaire que les malades les plus graves puissent avoir accès au traitement. Cependant, le gouvernement ne prend pas assez en compte les usagers de drogues et sans cela, on ne pourra pas éradiquer l’Hépatite C en Géorgie. MdM et NV ont donc décidé de proposer un modèle de prise en charge pour les usagers afin de montrer son efficacité et qu’il soit reproduit au niveau national.
La RdR, c’est la prévention des maladies transmissibles par le sang, c’est donner la possibilité aux gens de se protéger et d’améliorer leur santé, c’est l’intégration dans la société, l’entraide, la possibilité d’avoir un travail, d’être productif pour soi-même et pour les autres.
Le rôle de travailleur pair est pilier. Ils parlent les mêmes langages, réfléchissent de la même façon, ont la même vision que les usagers. Tout ce qu’on fait comme activités / plaidoyer se base sur leur travail.