Le stéthoscope au placard

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Louis Jarnet, bénévole à Médecins du Monde depuis des années est devenu au 1er janvier 2016 référent médical. A-t-il vraiment mis son stéthoscope au placard ? Rencontre avec Louis.

 

« Depuis le début de mes études de médecine, j’ai toujours été militant, et ce dans différents mouvements comme l’ASPROM (ancêtre du GASPROM) ou le mouvement « Choisir » (revendiquant une libération de l’IVG). Ces premières expériences d’engagement, je les ai perpétuées à la fin de mes études. En effet, la découverte de la médecine de proximité (dans le militantisme au sein de Choisir notamment), bien différente de celle du CHU à fait naître  en moi l’envie d’être généraliste et ne plus opter pour une carrière hospitalière. Je me suis alors installé à Rezé avec un ami en tant que médecin généraliste. Dans le même temps, le Centre d’IVG, mis en place au CHU après la loi Veil (qui peinait à fonctionner et à recruter des médecins) m’a sollicité dès l’obtention de mon diplôme pour les rejoindre. Je ne l’ai quitté que l’an dernier. Ma vision de mon travail, rejoignant la charte du SMG (Syndicat de la Médecine Générale) m’a toujours fait œuvrer pour un accès aux soins pour tous, en gardant toujours à l’esprit que le médecin devait avoir un travail de soins certes, mais également de prévention et de formation. »

Comment es-tu arrivé à MdM ?

Des liens personnels et un projet de jumelage entre Rezé et Ineu en Roumanie m’ont amené à me rendre en Roumanie avant et après la chute de Ceausescu, et aussi à apprendre la langue. Aussi avec l’arrivée de Roumains puis de Roms sur Nantes, j’ai été sollicité pour accueillir des femmes au centre de planification et d’IVG en raison d’un certain « monopole de la langue ». C’est par ce biais – entre autres – que j’ai été amené, au départ, à collaborer avec MdM. Anne Lise de MdM  m’avait aussi invité à participer à un encadrement médical d’une rave. Ce fut une expérience intéressante. Par la suite, j’ai aussi participé à des actions humanitaires notamment en Roumanie et au Sahara Occidental. Là aussi j’ai rencontré MdM. Ayant cessé mon activité médicale libérale  et conservant juste un temps partiel au centre Simone Veil, j’ai pensé avoir plus de temps pour venir à MdM à partir de 2014. Je suis donateur à MdM depuis la création de l’association, car elle milite pour la santé pour tous, ce qui était également mon credo dans mon engagement au sein du SMG. Ce qui m’intéressait dans le fait de venir à MdM, c’était notamment d’y rencontrer des professionnels et des bénévoles militants.

Depuis quelques années, la démarche adoptée par MdM Pays de la Loire dans son approche de la population vivant sur les bidonvilles a beaucoup évolué (passage du soin à l’orientation, l’accompagnement). Peux-tu nous en parler, nous expliquer comment tu as vécu ce changement ?

 Au tout début de mon bénévolat, j’ai participé aux sorties avec le camion (un « dispensaire à roulettes ») durant lesquelles j’étais assez gêné de « faire de la médecine » tant et si bien qu’heureux d’être avec une interne je lui laissais la tâche médicale. A l’évidence ce genre de consultations  comme au cabinet, ne permet pas de faire un réel suivi : tout est trop ponctuel. De plus cela favorise une réponse immédiate et contribue à éloigner les gens d’une démarche vers des structures de soins adaptées et permettant un suivi normal. En l’absence du passage du camion de MdM, on voit bien que les gens se débrouillent vers les services d’urgences. Pas forcément au mieux, mais force est de constater que cette débrouillardise existe. Dans ce cas, avons-nous pensé, 

donnons-nous les capacités de mettre à disposition du public rencontré les outils pour que les personnes soient capables de se prendre en charge aussi bien que possible.

De ce constat que tu tires, quels sont pour toi les changements que cela a apporté dans ta démarche de médecin bénévole à MdM ?

 Aujourd’hui, mon action en tant que bénévole se base sur quelques principes simples.

Utiliser ce qu’on sait et ce qu’on sait faire pour le mieux.

Ainsi, je dirai que ma « culture générale » du soin et mon désir d’œuvrer dans la prévention sont des atouts au sein de l’équipe pour parfaire l’orientation vers une structure de proximité ou l’hôpital. Même absent du terrain, le médecin peut également, au vu des situations décrites, favoriser la bonne orientation et le dialogue avec ses confrères généralistes ou hospitaliers.

Encore un peu de médecine mais occasionnellement, et pas comme une fin en soi.

Ceci dit, il faut de la souplesse dans l’action quotidienne. Je peux parfois avoir à faire un acte de consultation mais en le présentant comme exceptionnel ou pour entrer en contact avec les personnes. Exemple concret : répondre à la demande d’une mère inquiète de la santé de son enfant. Au cours de cet acte il y a moyen de renforcer l’idée d’un suivi régulier par un médecin de famille en soulignant les avantages de la proximité, de l’accès à tout moment, la possibilité de vaccins faciles que représente le passage par un médecin traitant au lieu de courir à la Pass ou au centre PMI, qui sont souvent très éloignés des terrains (notamment si la pathologie est bénigne). Le but de cette orientation, de la mise en œuvre de la prévention, est que les gens puissent réagir eux-mêmes pour répondre à leurs problèmes de santé. C’est de cette manière que, petit à petit, l’équipe pourra se passer des consultations et ainsi mettre en œuvre de manière systématique une intervention avec une portée plus longue et un impact bien plus positif sur la santé des personnes rencontrées et suivies par le programme.

Etre un accompagnateur.

En plus de l’orientation et de la prévention, il me semble important que le programme soit en mesure d’accompagner les personnes dans leur cycle de soin : parfois d’aller avec la personne à la porte du cabinet médical, et même parfois d’aller jusque dans le bureau de consultation… mais le faire de façon à autonomiser la personne accompagnée pour qu’elle puisse le faire seule.

Lâcher un peu de son rôle supposé de médecin.

Le stéthoscope est hautement symbolique puisqu’on représente toujours le médecin avec ce machin autour du cou dans les séries télé et, pratiquement toujours, sur les photos même dans les documents de MdM (voir la dernière lettre des donateurs). Cependant, le stéthoscope se met dans les oreilles et ce n’est pas l’idéal pour écouter les gens parler. Il est temps qu’on nous représente en train d’ouvrir une porte : celle de l’AME, de l’hôpital, du médecin de famille… et de tout ce qui peut contribuer à une démarche libre des gens qu’on rencontre dans le domaine de la santé.

Ainsi, aujourd’hui, à MdM, de nombreuses sorties auxquelles j’ai participé n’ont pas donné lieu à des consultations, mais à des renseignements, des explications ce qui m’a poussé à dire que j’avais mis mon stéthoscope dans un tiroir mais non fermé à clef car je crois à la nécessaire transition entre le soin et l’orientation, tout en gardant une souplesse nous permettant de nous adapter selon les circonstances.

Ne jamais cesser d’apprendre.

Le médecin est un bénévole comme les autres : il se doit de savoir aider à une démarche d’accès à une couverture sociale comme les autres bénévoles. Pour cela, il doit acquérir les connaissances nécessaires, même si elles sont externes au strict domaine médical. L’orientation prise par mon action et par celle de MdM me convient d’autant que j’en ai rêvé dans le passé sans pouvoir le faire vraiment (hormis par-ci par-là des actions d’éducation sanitaire). J’estime que j’ai encore beaucoup à apprendre et le travail en équipe de MdM m’apporte cette part de savoir. Car, c’est bien connu, il n’y a pas d’âge pour apprendre.

Une interview de Pierre Auburtin, bénévole à MdM sur le programme «Médiation Bidonville»

Paru dans le Fil Info de la délégation Pays-de-la-Loire 

 

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