Plus de 40 ans après la découverte du VIH par des scientifiques français, le sida est passé d’une maladie mortelle à une maladie chronique grâce aux trithérapies.
Un nouvel espoir vient de naître. C’était le 24 juillet à Munich lors de la 25e conférence internationale sur le sida, l’annonce d’une avancée majeure : un nouveau médicament préventif efficace à 100 % ! Pour les personnes séropositives, l’espoir est immense, à la hauteur de l’enjeu : rendre désormais ce traitement accessible à tous, en particulier aux plus vulnérables.
France Culture, Le Magazine du week-end: VIH : bientôt la fin ? samedi 17 août 2024
Le Lénacapavir, un médicament révolutionnaire, pas un vaccin
“Comme c’est un médicament qui est injectable et que c’est deux fois par an, c’est une facilité d’administration. C’est en sous-cutanée. La personne peut se le faire elle-même. Il n’y a plus besoin d’avoir des boîtes de médicaments à la maison. Il n’y a plus besoin d’aller chercher régulièrement des boîtes de médicaments”. Jade Ghosn
“Ce n’est pas un vaccin puisque ça ne va pas vous immuniser contre le VIH. Si vous arrêtez de prendre ce médicament, vous êtes de nouveau à risque d’attraper le VIH. Ce que va faire ce médicament, et la particularité là, c’est que c’est un médicament à libération prolongée, c’est que quand vous faites une injection, pendant six mois, vous avez dans votre corps la présence du médicament qui va bloquer, qui va empêcher le virus de s’installer dans vos cellules et dans votre corps. Donc, vous allez pouvoir être en contact avec le virus, mais ça va empêcher le virus de s’installer. Et si le virus ne peut pas s’installer, il va mourir spontanément. Et pendant six mois, vous êtes couvert, protégé par ce médicament qui diffuse de façon continue dans le sang. Et au bout de six mois, il faut refaire une injection.”
Jade Ghosn
Professeur en maladies Infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat à Paris
Un nouveau traitement qui ne stimule pas la production d’anticorps, mais permet d’empêcher le virus de se développer dans le sang
Le Professeur Jade Ghosn avait tendance à dire à ses étudiants que le 100 % n’existe pas à l’échelle humaine. Pour la première fois, nous explique-t-il, on a des résultats avec un essai clinique qui a testé un médicament dont l’efficacité est de 100 %, avec zéro infection chez les femmes qui ont participé à cette étude dans le groupe testeur de ce médicament, le Lenacapavir, en injection deux fois par an. “Et ça, c’est une vraie révolution puisque ces traitements préventifs, pour l’instant, on en avait par voie orale et par voie injectable intramusculaire tous les deux mois. Et dans aucun des cas, on a eu des résultats qui avaient atteint ce niveau d’efficacité. Et on peut même dire qu’il n’y a pas de vaccin aujourd’hui, même dans d’autres pathologies, qui puissent se targuer de dire qu’ils sont protecteurs à 100 %. Donc, c’est une vraie révolution.
Marc Dixneuf, directeur général d’AIDES, confirme le propos : ce nouveau traitement change la donne de manière indiscutable. “Notamment, en France, on a une PrEP orale qui est disponible depuis de nombreuses années maintenant, mais qui est principalement prise par les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes. Et là où, en France, on pêche sur cette question de la prophylaxie préexposition, c’est auprès des femmes migrantes, parce qu’on a mal pensé l’organisation des soins pour leur accès, ou on ne l’a même pas pensé du tout. Et là, vraiment, ça permet d’envisager les choses de manière très positive. Et s’il y a une chose à faire en France en matière de prévention sur l’épidémie d’infection à VIH, avec le Lenacapavir, c’est vraiment de travailler spécifiquement vers les femmes migrantes africaines.”
Quand on a vécu ces années noires de l’épidémie, que représente une telle innovation ?
“On rêvait d’évolution de ce type-là, mais on ne se sentait pas capable d’imaginer quand ce serait possible. Et jusque très récemment, on n’avait pas d’éléments qui nous laissaient penser que ça allait arriver. Donc c’est une énorme nouvelle. Je crois que ça nous plonge dans des réflexions du même ordre que celles dans lesquelles on était en 1996, quand les trithérapies sont arrivées. C’est-à-dire qu’immédiatement, on comprend que la donne peut changer et que la question immédiate, c’est désormais comment faire que cet outil soit accessible” ?
Gaëlle Krikorian