MdM a engagé depuis deux ans une réflexion sur la possibilité d’informatiser les outils de gestion et de recueil des données sociales et médicales des patients pris en charge par ses programmes. Pour répondre aux besoins exprimés et à la nécessité de mener une action coordonnée incluant aussi bien les programmes de la France que ceux du réseau international, un groupe de travail incluant des membres issus du terrain, de la direction des missions France, de celle du réseau international ainsi et de la direction financière et des systèmes d’information (DFSI) , a été constitué pour étudier les conditions de faisabilité d’un tel projet.
Fondée sur les recommandations de ce groupe de travail, la mise en œuvre du « Dossiers Patients Informatisés » (DPI) a été validée en Bureau du Conseil d’Administration de MdM France en juillet 2014 avec la prescription de créer un outil pragmatique au service des bénévoles sur le terrain.
Avant le lancement de la phase pilote du projet DPI qui sera menée dans les CASO de Bordeaux et Marseille, un prototype de l’interface a été présenté et testé par une dizaine de bénévoles mi-mars dans le CASO de Parmentier (Paris). Le but était non seulement de constater l’accueil fait au projet, mais aussi d’impliquer les bénévoles futurs utilisateurs à la conception de l’outil en entendant leurs remarques et leurs suggestions d’amélioration. Ce qui a plutôt fonctionné, puisque les bénévoles ont fait largement part de leurs avis et suggestions.
Ces suggestions portaient surtout sur l’ergonomie de l’outil et leur revendications à ce propos : certains souhaitent qu’un onglet renseignant l’historique d’un patient au CASO soient visible en permanence durant la saisie des informations, d’autres ont suggéré à Julien d’ajouter des champs d’information supplémentaires sur certaines questions…
Lorsque les bénévoles se sentent intégrés au projet, cela rend la mise en œuvre plus facile.
Certains futurs utilisateurs avancent des réticences
Si les avantages sont clairement mis en avant et semblent être acquis pour la majorité des bénévoles interrogés, certains futurs utilisateurs avancent des réticences : parmi elles, le fait que le papier est voué à perdurer : les pièces jointes annexées aux dossiers médicaux des patients (lettres, résultats d’analyses…) ne sont pas « informatisables » directement, ce qui conduit à démultiplication des supports, à moins de passer par le scan systématique des documents, ce qui n’est pas aisé à mettre en place (par qui ? quand ? ). Le papier demeurera donc.
Un patient et une accueillante sociale du CASO |
Emilie, jeune bénévole accueillante sociale évoque aussi l’idée que le passage à l’informatisation engendrerait une déshumanisation de la relation accueillant-patient, que l’écran de l’ordinateur constituerait « une sorte de barrière perméable », ce à quoi Arnaud, médecin bénévole, répond que si le logiciel est optimal et fonctionne bien, et que le bénévole est à l’aise dans son utilisation, « l’outil informatique ne constitue en rien un obstacle dans cette relation ». Car en effet, « le DPI n’est qu’un outil dans le processus d’accueil des patients », comme le souligne Julien. Cela peut même paraître plus professionnel aux yeux des patients.
Jeanne, bénévole accueillante sociale a, elle, manifesté une inquiétude quant à la réception de l’outil par les patients du CASO. Ils seraient en effet sceptiques et se sentiraient dans l’insécurité. Le fait est que ce n’est pas plus le cas qu’avec l’outil papier.
” Les gens s’imaginent que le monde de l’informatique est beaucoup plus poreux que le papier alors qu’en réalité, c’est le contraire “
L’informatisation provoquerait une plus grande insécurité, un risque de subtilisation des données personnelles, et génère de l’anxiété (peur de vol d’ordinateur, de subtilisation de mot de passe). Qu’en était-il au temps où le papier était maître ? N’est-il pas plus aisé de voler une pile de papier qu’une centrale d’ordinateur ? « Les gens s’imaginent que le monde de l’informatique est beaucoup plus poreux que le papier alors qu’en réalité, c’est le contraire. » affirme Arnaud.
« La chose curieuse dans tout cela, du point de vue d’Arnaud, c’est que l’on tolère beaucoup de pratiques avec le papier, même si certaines frôlent la limite de l’éthique, alors que dès que l’on passe à l’informatique, la rigidité se renforce »
Ce n’est pas une question d’informatique mais de pratiques à la limite du légal bien souvent tolérées. « De plus, ceci est une problématique éloignée de la réalité de MdM : c’est une problématique de médecin de famille. Au CASO, on fait peu de suivi, on ne revoit pas souvent les mêmes patients. »
En effet, le processus respecte la loi : d’un côté, le secret professionnel du patient mais aussi la liberté du médecin d’écrire les commentaires qu’ils souhaitent écrire sans que d’autres mains n’en aient l’accès. L’outil DPI apporte en effet d’avantage de sécurisation.
Et pour les informations « de base » du dossier médical, qui seraient utiles aux accueillants, une des solutions possibles serait de créer une fiche synthèse avec un nombre d’informations réduit et accessible aux accueillants.
Alors à ceux qui soutiendraient encore la thèse selon laquelle le DPI porterait atteinte à la confidentialité des données, nous répondrons que ce processus est réalisé dans un environnement où le droit et la place du patient n’ont jamais été aussi reconnus par la législation.
Le contexte est donc favorable à l’accompagnement de la transition.
La difficulté sera la transition du crayon au clavier et la formation de tous les futurs utilisateurs avant janvier 2016. Il faut en effet prévoir une phase d’adaptation.
Finalement, ce qui ressort de ces trois journées de présentation, c’est que les volontaires sont d’accord pour dire que les informations que l’on renseigne sur l’ordinateur sont semblables à ce qu’il y a sur papier … sans les inconvénients !