Nous avons appris mercredi le décès de notre collègue et amie Béatrice Stambul. Ses obsèques auront lieu le samedi 18 février à 11h15 au crématorium Saint-Pierre de Marseille, suivies d’un temps à sa mémoire à la mairie de Marseille à partir de 12h30.
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Nous la savions malade et nous l’avons cru invincible.
Toute la communauté de Médecins du Monde est profondément triste. Ici et là-bas.
Béatrice fait partie de l’histoire de Médecins du Monde et, au-delà, de l’histoire de la Réduction Des Risques et de la santé mentale. Ces thématiques qui lui étaient chères et pour lesquelles elle s’est engagée jusqu’au bout, l’ont menée de Marseille à Saint-Pétersbourg en passant, entre autres, par la Roumanie, la Tchétchénie, la Palestine et la Birmanie.
Avec sa ténacité légendaire, elle a toujours défendu que rien ne peut se faire sans les personnes concernées.
Jusqu’au bout elle a plaidé pour faire bouger les lignes.
Béatrice fait partie de ces grandes femmes qui refusent l’injustice.
Puisse son engagement rester une source d’inspiration militante encore longtemps.
Florence Rigal, présidente de MdM France
Joel Weiler, directeur de MdM France
Je ne me souviens plus quand j’ai rencontré Béatrice la première fois ?
Ce devait être en 1993 ou 1994, avenue de la République à Paris au siège de Médecins du Monde. Nous avons alors démarré en même temps les programmes échange de seringues, elle à Marseille et moi à Nice quand l’épidémie de SIDA fauchait massivement les usagers de drogues. Et, tout s’est enchainé. Nous avons cheminé ensemble au sein de MdM dans une amitié profonde et réciproque. Cela aura duré 30 ans, 30 ans de combats, de créativité, d’espoirs et de rires.
Elle avait de nombreuses passions. Celle de MdM était particulière. Elle était sa deuxième famille. Elle a été de celles et ceux qui ont façonné et construit l’histoire de MdM. Elle a, avec d’autres, donné ses lettres de noblesse au concept novateur et philosophique de Réduction des Risques, d’abord au sein de MdM et, plus globalement, dans la société française. Nous étions, à l’époque, minoritaires et iconoclastes, de doux rêveurs ou de dangereux « dealers » en blouse blanche.
Elle avait au fond d’elle-même cette certitude et cette intelligence capable de soulever des montagnes et d’imposer sa volonté et ses convictions. Elle était pertinente, brillante et efficace, sans se prendre au sérieux et sans langue de bois avec la distance, l’audace et le doute qui font les réussites.
Son autre passion était Edouard, Adam, Samuel et Léo, ses neveux, qu’elle chérissait et adorait comme ses propres enfants. Ils étaient les quatre merveilles de son monde ! C’était même devenu une plaisanterie pour tous ses amis tellement elle les parait de toutes les vertus et qualités imaginables.
Elle a été aussi une excellente « toubib » et psychiatre, une cuisinière hors pair et une grande passionnée d’Opéra et de beaucoup d’autres choses encore.
Une femme remarquable, curieuse de tout, au caractère bien trempée, comme on en connait assez peu dans une vie.
Ce qui restera d’elle, c’est la passion pour la vie et pour les autres qui ne l’aura jamais quittée. Ce qui restera d’elle, c’est le souvenir d’une femme souriante, généreuse et cultivée. Ce qui restera d’elle, c’est la marque d’une profonde honnêteté intellectuelle teintée d’humour, d’amour et d’humanité.
Tu vas tout simplement douloureusement nous manquer.
Philippe de Botton
Béatrice va beaucoup nous manquer.
Sa franchise, son altruisme, son dynamisme volontaire étaient exemplaires. À mon arrivée à MDM son caractère et sa passion pour les causes de MDM ont été pour moi une évidence et un modèle. Elle prenait toujours le temps d’écouter au téléphone et de donner un avis pertinent.
Adieu Béatrice et merci.
Ton souvenir restera toujours présent
Michel Girard
Délégué Régional Alsace
Ah! Béatrice .
Bénévole depuis peu j’ai rencontré Béatrice pour la première fois il y a quelques années à Anglet près de Biarritz lors de la grand messe des JMF. On ne voyait qu’elle, une petite femme toute en conviction, grande gueule mais oh combien juste dans ses prises de parole reflets de ses combats.
Elle m’a regardé avec un air de dire ” mon petit gars il va falloir que tu t’y mettes sérieusement !”
J’ai appris beaucoup à partager les actions qu’elle menait dans sa région, à échanger sur nos préoccupations de Délégué.e, à réfléchir aux plaidoyers à mener.
Notre dernière entrevue s’est déroulée dans la cour du nouveau siège lors de l’AG fin 2022.
Nous avons mangé notre casse croûte tranquillement côte à côte, elle était très fatiguée mais sereine, consciente qu’elle allait quitter notre association en laissant derrière elle une belle vie engagée.
Merci Béatrice.
Bernard Vigier
A l’idée que La Stambul arrive sur un terrain MdM, y’avait du tangage. Pendant son passage c’était la tornade et après son départ, fallait se remettre les idées à l’endroit …
Je l’ai connue d’abord à Naplouse, dans les Territoires Occupés Palestiniens parce que, comme elle aimait le clamer, c’était elle qui m’avait recrutée comme coordo santé mentale : « alors t’es qui toi ? Pourquoi tu veux venir en Palestine ? Comment tu vois ton boulot ? … ». A peine le temps de répondre que déjà elle embraye et m’explique le contexte géo-politique, l’histoire du programme, qui fait quoi et j’en passe. Comme je le verrai par la suite et comme nous le savons tous, avec elle, difficile d’en placer une !
Et puis, aller chercher le pain représentait en soi un voyage. On rencontrait au coin de la rue Alain (ce n’est pas son nom bien sûr), un Monsieur qui vivait à la rue depuis de longue années. On ne sait pas lequel des deux suivait l’autre. – « On vieillit ensemble » m’expliquait-elle après avoir papoté 20 minutes de la pluie, du beau temps et de son cœur. Tiens, d’ailleurs, les patients, c’était sans doute les seuls à pouvoir en placer une ! … Le problème c’est qu’elle était passionnante et forcement, ravis par ses histoires, toutes aussi extraordinaires les unes que les autres, nous lui laissions tout l’espace dont elle avait besoin.
Puis y’avait le chapitre de ses neveux !!! Et là, les sept merveilles du monde pâlissent de jalousie. Je me souviens particulièrement de leur premier voyage à New-York. On y était avec eux ! Des ah ! des oh ! Des cinq larrons, c’était peut-être bien la tantine la plus excitée. Ils ont eu beau grandir, son amour et son admiration à elle n’ont pas diminué, même avec l’arrivée des « Stambulettes ». Bourrue, elle était aussi tendre. Puis elle avait une capacité d’émerveillement phénoménale. La super Dr Stambul ou la grande mélomane, étaient aussi une toute petite fille, curieuse et facétieuse.
Une fois, cependant, je l’ai vue très sérieuse, très triste et très en colère. Nous étions dans le désert de Judée, à quelques kilomètres de Jéricho, dans le sanctuaire du tombeau de Moïse. Initialement, ce lieu représentait la première étape d’une journée de marche pour les pèlerins qui se rendaient à la Mecque. En pleine Intifada, le lieu était fermé aux pèlerins comme aux touristes. Nous étions donc toutes seules dans ce magnifique caravansérail flanqué d’une toute petite mosquée au milieu du sable et du vent. Arrivées au moment de la prière, un après-midi d’hiver, nous avons attendu que le mezzin finisse d’appeler les invisibles fidèles du désert et nous apprêtions à partir, pensant nous être trompées d’endroit. Pas un instant nous n’avions imaginé que des hommes pouvaient vivre dans de telles conditions et pourtant, le « centre de désintoxication » était bel et bien là. Usagers de drogues ils étaient et l’abstinence, puisqu’il n’y avait que ça, devait en passer par là … En colère elle l’était et pourtant rien n’a transpiré. Les gars étaient sciés de rencontrer un docteur qui en connaissait autant sur leurs produits et du coup nous ont raconté plein d’anecdotes. Et dans ce sinistre lieu nous avons bien ri. Elle a fait preuve d’autant d’empathie vis-à-vis de « l’homme à tout faire » (muezzin, éduc, cuisinier …) qu’on avait tout autant largué dans ce bagne…
Une nana hors norme la Stambul. Cent vingt-cinq mille idées à la seconde. Une détermination sans faille, surtout lorsqu’il était question de ceux qu’on voudrait faire passer à la marge (rappelons-nous sa joie lorsqu’elle a obtenu un service tout neuf pour les polyhandicapés dont elle était responsable : – « J’ai gagné, ils ont leur piscine !! »…)
Suis heureuse d’avoir été une des étapes de sa tournée à tous ses copains : « suis pas sure de pouvoir vous revoir un jour, alors j’en profite tant que je peux encore ». Et juste après d’ajouter : « mais tu te plais vraiment dans ta maison ? C’est un peu isolé non ? Personne à qui parler autour … » (!!!!) .
Ce qui est extraordinaire c’est qu’elle reste totalement vivante, en témoignent toutes les photos d’elle qui circulent, toujours vent debout, micro à la main. Et nous sommes immensément nombreux à l’accompagner. Cabotine comme elle est, je suis sûre que ça lui plaît !
Une pensée très douce à sa famille …
Marie Rajablat
Une grande dame nous a quittés, présence intense et énergique qui ne laissait personne indifférent et que j’avais beaucoup de plaisir à croiser à Marcadet où ailleurs, échangeant nos infos et souvenirs est-européens.
J’ai rencontré Béatrice à l’occasion d’une mission en Moldavie où elle était venue en appui sur les questions de santé mentale… Passées les rencontres institutionnelles et médicales, nous sommes parties à Chisinau sur les traces de sa famille, exilée de ces terres pour des raisons politiques ou ethniques. Et c’est l’histoire des terres de Bessarabie, comme vécue par ses parents, que Béatrice m’a déroulée avec ses talents de conteuse, en sillonnant les rues, interpellant des passants dans son russe rocailleux.
Et je n’oublierai pas ces échanges intenses et enfiévrés sur les programmes France, où sa parole jaillissait sans contraintes et faisant fi des usages…
Tu vas me manquer Béatrice…
Paola Baril (ex MdM)
Affecté par la départ d’une militante,
dont l’engagement pour les causes justes, l’association Aprosch d’Oran; s’associe à toutes et tous ceux et celles qui partagent ses convictions, son engagement et son militantisme. Que la paix soit sur elle.
Solidairement,
Mustapha Lahici
t’avoir connue a été un bonheur sans faille. Nos discussions de tout, jamais de rien, et nous n’étions pas toujours d’accord bien sûr, c’était donc passionnant.
Souvenirs perso de quelques jours chez toi, tu m’as fait connaître Marseille et les environs, la découverte de ton mur de théières restera un grand moment d’émerveillement.
Bon voyage…
Dr Anick Karsenty
Co pilote du Groupe France
Pour Béa
Tu as débarqué un jour au comité des missions de médecins du monde un mardi soir probablement en 1994 et l’espoir pour une action RdR de qualité à Marseille s’est concrétisé !
Tu t’es engagée immédiatement et nous n’avons plus cessé de taffer ensemble.
Lorsque tu venais à Paris voir Asud, Aides et les autres, tu dormais chez moi, source de beaucoup de rigolades, aussi avec mon compagnon italien que tu aimais beaucoup. Tu as offert une magnifique petite robe blanche à ma fille de 4 ans, si belle, mais bon elle a toujours détesté les robes, même celle-là.
L’une de tes gloires sans nul doute est d’avoir trouvé le nom de notre groupe : il fallait changer le nom de ce « groupe sida tox ». J’ai proposé « sex and drugs and rock and roll » : tu as dit « mais n’importe quoi, on n’a rien à foutre du rock and roll dans ce groupe ce sera « law, sex and drugs » : ovation unanime !!
Le groupe LSD que tu as co-piloté de fait avec Jean-Pierre Lhomme était une bonheur de groupe, qui a aidé des centaines de porteurs de projets dans le monde à améliorer la qualité des pratiques grâce aux échanges entre professionnels d’expérience et professionnels de diplômes.
Tu es douée pour les noms : quand le programme de Marseille est devenu le 31/32, plongeant dans l’interrogation les gens qui lisaient ce titre…. Attendre le 32 du mois, expression marseillaise semble-t-il, non répertoriée sur google, une gloire de plus…
Des tonnes de souvenirs m’assaillent, comment tu m’avais sauvée avec l’ignoble pantalon à fleurs que tu m’avais prêté à Montpellier lors d’une rencontre MdM où le mien s’était d’un coup désintégré, aussi toutes ces soirées du 31/12 à l’Isle sur la Sorgue où tu nous rejoignais, impossible de te laisser seule à Marseille… Tu avais inventé le tiramisu xxl : un plat de 80 cm sur 40, plein à ras bord…
Ton engagement en Tchétchénie avec Christian Sueur, encore un souvenir : les banques ne fonctionnent plus, MdM a une énorme équipe sur place de tchétchènes travaillant pour soutenir les enfants traumatisés de la guerre : je propose de t’apporter l’argent avant que tu ne partes sur le terrain. Je rentre de MdM avec un sac à dos plein de biftons, terrorisée à l’idée qu’on me le pique. Le trajet jusqu’à Aix, Villa Floréal (prévention et soins usagers de drogues, rattaché à Montperrin, ton hosto) où j’arrive le soir est tout autant stressant. Enfin, tu ouvres la porte, tu y es seule, les autres sont partis.
Je te passe le sac en te disant combien j’ai eu les chocottes… tu le lances dans un coin au rez de chaussée, près de la porte et tu me dis « allez viens je te fais visiter ce lieu tellement génial »
Je proteste, on ne peut pas laisser le sac par terre à l’entrée, tu m’entraines : « ok calme toi, tu me l’as passé, j’en suis seule responsable maintenant ». Tu signes sans regarder le bon de remise des milliers de dollars, bon que je rapporte à la comptabilité MdM… Tu devras passer les frontières en le planquant.
Ma sœur Dominique habite dans le quartier de ton enfance, rue des Petites Ecuries/Enghien, tu me racontes tes souvenirs, tu parles de la Bielorussie comme si tu y étais, tu me chantes les chansons de ta mère, en yiddish, c’est si beau, j’aurais dû enregistrer mais je n’ai ni photos ni sons de toi désormais. Too late.
Et les dîners avec Léo, ton amour fou pour tes neveux dont on connaissait chaque progrès dans leurs études, chaque défi en skate ou autre, tes voyages avec eux à New York et ailleurs, combien tu rayonnes dès que tu parles d’eux, combien on ressent cette complicité entre vous, même sans les voir.
On ne doit pas oublier ton engagement auprès des travailleurs du sexe, dans l’association communautaire Autres Regards de Marseille. LSD toujours 😊
Je ne peux pas t’écrire sans parler de Momo, si sympa et impliqué, l’une des idoles masculines de ta vie. Il nous a quittés trop tôt, injustice de la vie, mais il aura porté cette adoration que tu avais pour lui, et son poids.
C’est l’un de nos points communs, parfois voire souvent on en fait des tonnes.
MdM t’aura aussi blessée, quand toute jeune tu étais en Roumanie auprès des orphelins du sida, la maltraitance de certain ancien ponte de l’asso… Mais tu as réussi à t’en échapper et à revenir sur d’autres champs, il a essayé de s’infiltrer mais là on était une bande à s’y opposer, tu n’étais plus seule.
Tes colères quand les groupes LSD ne se tenaient pas quand tu étais libre, ta juste révolte quand le groupe santé mentale que tu pilotais aussi a été dissous, ta capacité à te jeter en entier dans des programmes à construire, Saint Petersburg, Tchétchénie, Marseille, Birmanie… ça allait marcher, souvent grâce à des « hommes providentiels » en qui tu jetais ta toute confiance, toute ton énergie inépuisable, toute ta générosité aussi, l’une de tes si évidentes qualités.
Béa, tu as construit, tu as entrainé, tu as combattu, ton bilan comme on dit est incroyable, tu nous quittes après une lutte acharnée contre la maladie qui ronge et qui revient, avec tant de courage et lucidité, un exemple à nouveau.
Jusqu’au bout tu te seras engagée pour la salle de conso à moindre risque à Marseille : nous avons tous, nous tes ami·es à qui tu manques tant, le devoir de la créer enfin.
Nathalie Simonnot
Profondément engagée pour la reconnaissance du savoir expérientiel, Béatrice a toujours défendu que rien ne peut se faire sans les personnes concernées.
Deuxième épisode de La Voix est Libre, podcast des 40 ans de MdM en partenariat avec Radio France.
bravo! comme tant d autres,j ai partagé avec toi des moments forts ici et la bas….repose en paix chère toi….
Quelle magnifique et simplissime intervention! Denis