J’essaye d’aller vers les personnes qui ont eu une mauvaise expérience avec les travailleurs sociaux

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Comment es-tu arrivée à Médecins du Monde ?

J’ai postulé à Médecins du Monde parce que cela correspondait à mes attentes du moment, mais également à mon parcours et à ma sensibilité. Avant mon arrivée à MdM, j’ai travaillé en qualité d’assistante sociale dans le milieu psychiatrique et de l’hébergement d’urgence. Souhaitant associer le militantisme avec la santé et le logement, il m’a semblé que MdM était la structure répondant le mieux à mes attentes. J’ai simplement répondu à une annonce et j’ai été prise. Médecins du Monde a apporté une dimension plus nationale voire internationale à mon activité principale. J’ai beaucoup apprécié le discours sur les prises en charge et sur les objectifs de MdM. Cela m’a permis de rencontrer des personnes investies dans les questions qui m’intéressent particulièrement. J’ai été embauchée en août 2014. Je travaille essentiellement sur le terrain, ce qui me permet d’avoir une plus grande indépendance.

Quel est ton meilleur souvenir dans la mission ?

Je me souviens de deux hommes, boulevard Haussmann, rencontrés lors d’une tournée. Nous sommes allés voir la première personne qui ne voulait pas, au départ, de notre aide. Il nous disait qu’il allait bien et qu’il ne souhaitait pas être vu par MdM. De fil en aiguille, nous avons tissé un lien. Il nous a tout de suite orientés vers « son compagnon de route », installé en face, qui, lui était malade. Le froid s’étant installé sur Paris, nous devions faire face aux intempéries mais aussi à la fragilité de ces deux amis. La mission a un budget pour payer des chambres d’hôtel. Nous lui avons donc proposé de passer la nuit au chaud. Il n’a pas accepté ! Il ne voulait surtout pas laisser son ami dans la rue et dans le froid. Cette solidarité nous a tellement touchés que nous avons décidé de leur offrir, à tous les deux, une nuit d’hôtel. Il est important de respecter cette amitié car elle apporte autant que n’importe quelle aide. Une grande solidarité existe entre les personnes sans domicile fixe et nous devons la respecter.

Quel est ton plus mauvais souvenir ?

Lorsque nous sommes allés à l’hôtel avec ces deux hommes, l’hôtelier en a refusé un à cause de son aspect « trop clochard ». Pourtant, il faisait des efforts : il avait enlevé un de ses deux manteaux, s’était taillé la barbe pour paraître plus propre… Malgré tous ses changements, le retour à une vie « conventionnelle » ne s’est pas fait. La remarque de l’hôtelier l’a renforcé dans sa conviction de refuser de l’aide. Il a pris ses affaires, puis il est retourné à la rue. Depuis, les choses ont évolué, nous avons entrepris des démarches pour l’orienter dans un foyer. Quant au deuxième homme, plus fragile, il est toujours à l’hôtel mais sans son ami.

Parle-nous de ce programme

 

L’intérêt de ce programme est que nous allons directement vers les personnes. Elles ne sont nullement dans l’obligation de venir chez nous. Les prestations que nous offrons doivent susciter une envie. C’est, en plus, un programme propose des tournées avec des professionnels. Elle désacralise le métier de l’assistante sociale et du médecin. J’essaye d’aller vers les personnes qui ont eu une mauvaise expérience avec les travailleurs sociaux. La mission propose une intervention adaptée aux cas qui se présentent sans prohibition ni  misérabilisme.

C’est un travail de longue haleine pour Solveig, car l’image de sa profession a été souvent mise à mal. Leur travail repose sur du concret, de l’humain et du vécu. Chaque rencontre pose des problématiques qu’il faut gérer, parfois en urgence, parfois sur plusieurs mois.

Comment évolue le programme ?

Il n’y a pas plus de moyens, mais beaucoup de bénévoles ont été recrutés : ils participent à la fois à l’accueil et aux maraudes. Le jour de l’accueil est fixe depuis avril et les bénéficiaires sentent les changements apportés. La mission a tout à fait sa place chez Médecins du Monde. Tous les SDF méritent un toit, mais il faut faire des choix pour les chambres d’hôtel, faire attention aux conditions de santé de la personne… Je me rends compte qu’un accompagnement quotidien est nécessaire. C’est pourquoi, il faudrait que la mission soit présente de jour comme de nuit, afin de proposer un suivi quotidien pour les rendez-vous médicaux et les structures sociales. Nous n’avons pas plus de moyen mais Paul a réussi à recruter des bénévoles. Malgré tout, les choses bougent et évoluent.

Comment vois-tu l’avenir ?

L’un des objectifs de l’association étant « d’aller vers », nous avons donc toute notre légitimité. Il est vrai que la frontière est très mince car c’est nous qui « allons vers » et non le contraire. On travaille également sur la réduction des risques par le biais de l’accompagnement. Il est évident que nous ne sommes pas dans le misérabilisme, mais plutôt dans le positivisme et la valorisation. Chez nous, on fait la promotion de la santé. On doit créer un lien entre la journée et la nuit par le biais de la structure. La tournée reste au cœur de notre activité. On s’y présente sans donner nos fonctions afin de désacraliser nos métiers. Mon mot d’ordre, c’est « je crois en ce que je fais ».

paru Sur le fil, délégation Ile-de-France, Janvier 2016

 

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