Jean-Pierre Lhomme s’en va

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 Paru sur Whats Up Doc

Le docteur Jean-Pierre Lhomme, vice-président de Médecins du Monde et grand défenseur des plus précaires, notamment les usagers de drogues, est décédé mardi à l’âge de 68 ans.

« Nos bricolages peuvent devenir des politiques de santé publique », aimait-il répéter. Jean-Pierre Lhomme, Médecin Généraliste (MG) installé dans le XIVè arrondissement de Paris, accueillait de nombreux usagers de drogue dans son cabinet, qu’il appelait sa « boutique. » Après avoir mené de front sa carrière médicale et ses engagements associatifs, Jean-Pierre Lhomme s’est éteint mardi dernier à l’hôpital, des suites d’une maladie que personne n’avait vu venir. Il avait pris sa retraite de MG il y a près de trois ans, pour se consacrer entièrement à ses activités humanitaires.

Avec Médecins du monde, il est l’initiateur en 1989 du premier échange de seringues mobile en France, en toute illégalité. Aider les toxicomanes, une vocation née dans l’urgence de l’épidémie du SIDA. Il ne supportait pas de voir défiler dans son cabinet, « des gamins qui avaient une situation sanitaire et sociale déplorable », explique à What’s up Doc, Olivier Maguet, responsable de campagne chez Médecins du monde, qui le connaissait depuis les années 1990. Six ans après la mise en place de ce premier dispositif, un décret autorisant la mise à disposition de seringues stériles est signé. Mais l’homme ne s’arrêtera pas là.

Pour le MG au grand coeur, l’expérimentation est la clé. Elle peut ensuite mener à l’émergence de nouvelles politiques de santé publique. Il était la cheville ouvrière de l’ouverture à Paris de la salle de consommation à moindre risque (SCMR) – maladroitement surnommée « salle de shoot » et accolée à l’Hôpital Lariboisière. L’espace est aujourd’hui géré par l’association Gaïa-Paris, dont il était également le président. Encore une idée des médecins humanitaires dans le domaine de la réduction des risques et des dommages liés à l’usage de drogues. « L’innovation était un mot important pour lui », ajoute Olivier Maguet.

Et pour ce MG politique donc, Médecins du monde faisait office de laboratoire, « un lieu pour partager et avancer ». Avec l’organisation, il milite au milieu des années 1990 auprès de Simone Veil, alors ministre de la Santé sous Balladur, pour faire reconnaitre l’utilité de la méthadone1. « Il a réussi à convaincre Simone Veil, qui va ensuite généraliser les centres spécialisés de soins aux toxicomanes permettant la dispensation de méthadone », raconte Olivier Maguet.

Après l’annonce de son décès, les messages saluant la disparition de ce « grand humaniste » se sont multipliés. La maire de la capitale Anne Hidalgo loue sur Twitter son « humanisme et son engagement [qui] apportaient tant à Paris. » Le Dr Jean-Pierre Couteron, psychologue et président de la Fédération Addiction, parle lui « d’un grand pro et d’un homme de qualité, un râleur tendre. » Selon Olivier Maguet, un mot ne suffirait pas à le définir, mais si on devait n’en choisir qu’un : « l’humanité. »

 

Très fier de son métier, qu’il exercera presque jusqu’à la fin, il fait partie, pour son collègue de Médecins du monde, « d’une génération de MG qui avaient des yeux plus éveillés que d’autres », notamment sur des problématiques comme la lutte contre la toxicomanie. Pour lui, la relation médecin-patient était au coeur du parcours de soins.

Il était « extrêmement ouvert aux exclus des exclus. » Ceux qui n’ont plus personne pour les regarder dans les yeux. Pour les estimer, les soigner et les défendre. Jean-Pierre Lhomme exerçait avec passion. « Le médecin généraliste est un médecin qui est un spécialiste, et sa spécialité, c’est la globalité de la personne : le corps et l’âme », confiait-il. Espérons que sa carrière, gorgée de l’envie d’aider l’autre, en inspirera beaucoup.

Thomas Moysan,
 Whats Up Doc

 

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