Introduction

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À Istanbul, nous avons rencontré des étudiants, des passionnés, des aventuriers, des jeunes qui « cherchent leur vie », des femmes et des hommes qui aiment le sport, le football, le judo, la musique, font de la politique, fuient la politique, aiment voyager, faire du commerce, se réunir, gagner un peu d’argent, en envoyer à leur famille, en garder pour eux, tomber amoureux, être tranquille, se marier, construire une maison, ne pas construire de mai- son, ne pas se marier, revenir dans leurs pays, partir en Europe, rester en Turquie, faire des allers-retours…

À Istanbul néanmoins, comme ailleurs en Europe ou le long des routes migratoires, une grande majorité des migrants rencontrés par les équipes de Médecins du monde (MdM) et de l’Association d’entraide et de solidarité aux migrants (Asem) font quotidiennement face à des politiques et à des dispositifs d’« irrégularisation ». Ces politiques visent à maintenir ces personnes dans des catégories juridiques ambiguës propices à leur exploitation et favorisant leur exclusion. En Turquie, peu nombreux sont les étrangers qui disposent pleinement de leurs droits : les statuts accordés par les autorités sont précaires et éphémères (demandeurs d’asile, protection temporaire, permis de séjour sans autorisation de travailler), et le plus souvent inexistants.

En 2014, une équipe de journalistes européens répertorie près de 27 000 morts et disparus documentés aux frontières européennes depuis 2000 (The migrants files). Toujours en 2014, plus proche d’Istanbul, le collectif Frontexit souligne les conséquences de l’intensification de la surveillance par l’agence européenne Frontex à la frontière gréco-turque, où les pratiques de refoulement et de non-accès aux demandes d’asile sont légion.

Comment vit-on au milieu de ces contraintes ? Comment vit-on à Istanbul, quand le voyage ne ressemble pas à ce que l’on espérait ? Quelles sont les conséquences de l’incertitude, de l’exclusion, et/ou de l’immobilité contrainte sur la santé ? Élaboré à partir de rencontres et d’entretiens réalisés au centre de santé de l’Asem à Istanbul, où se croisent quotidiennement de nombreux migrants, ce bulletin de liaison franco-turc cherche à rendre compte d’une partie du travail effectué au sein de la « mission migrants » Turquie de MdM entre 2010 et 2014 : soigner, écouter, et proposer des éléments d’analyse permettant d’envisager, dans la plus grande complexité possible, les parcours de vie, les questionnements, les compétences et les souffrances de ceux dont « la vie est ici, pour le moment ».

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