Entend-on vraiment la voix des « usagers » à MdM ?

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Lors des Journées Mission France 2015 qui se sont déroulées à Lyon les 10 et 11 octobre derniers, les participants ont été amenés à réfléchir à différentes problématiques lors d’ateliers animés par la Scop L’Orage. Retour sur les discussions autour de la place de l’ « usager » – tel qu’il sera désigné tout au long des débats, par commodité – au sein de MdM.

Après les débats de la matinée autour du changement social, le témoignage de Jean-François Krzyzaniak, est dans tous les esprits. Après 15 ans passés dans la rue, cela fait sept ans qu’il est en parcours de sortie de rue et il a pu s’en sortir grâce à la participation à des groupes de  travail. D’entrée de jeu, il a donné le ton : « Le terme “usager” il ne faut plus l’utiliser ! On dit “personne accompagnée” ou “personne accueillie” ». Ainsi, lorsque les discussions démarrent au sein des ateliers, personne n’ose utiliser le terme « usager » qui pourtant sera repris par tous par commodité, et afin de centrer le débat sur les problématiques de fond, qui vont bien au-delà d’une simple question de terminologie.

Ils sont quatre bénévoles à débattre autour de la question de la voix des usagers : une ostéopathe, une infirmière et un médecin intervenant dans des CASO ainsi qu’une bénévole se déplaçant toutes les semaines dans les squats et les bidonvilles. Tous sont d’accord pour admettre qu’il n’existe pas de véritable relation entre les bénévoles et les personnes venant chercher une aide auprès de MdM. Pour justifier cette absence d’échange, les motifs sont nombreux : barrière de la langue, manque de temps, visites peu régulières, etc. Mais en poussant le débat un peu plus loin, les bénévoles reconnaissent qu’ils ne cherchent pas toujours à savoir ce que les « usagers » viennent véritablement chercher, au-delà de la simple réponse à un problème médical : « Je n’y peux rien, quand une personne vient à ma rencontre, je me positionne automatiquement en tant qu’aidant, et bien souvent, c’est à sens unique et il n’y a pas d’échange » avoue une bénévole.

Comment changer d’état d’esprit ? Comment redonner à l’usager sa dignité humaine en instaurant un échange à double sens, une véritable rencontre avec l’autre ? Pour faire avancer le débat, les participants sont invités à exprimer leur vision idéale du problème. La première réaction du groupe est unanime : « Il nous faut du temps ! » Tous soulignent l’importance d’un temps incompressible pour que la rencontre avec l’autre ait lieu car un rapport de confiance ne se crée pas en quelques minutes.

Mais outre ce manque de temps, une bénévole soulève la question du regard : il ne devrait pas y avoir de hiérarchie aidant/aidé et les bénévoles devraient être capables de regarder la personne qu’elles aident non seulement comme une personne en difficulté, mais avant tout comme un être humain à part entière. Dans la relation à l’autre, il faut avant tout chercher à établir un équilibre. « J’ai reçu beaucoup dans les bidonvilles » confie cette même bénévole qui a travaillé de nombreuses années dans les CASO, mais qui fait désormais des visites dans les lieux de vie des personnes accompagnées : « au CASO, c’est MdM qui accueille ; dans les bidonvilles, ce sont les gens qui nous accueillent, et ça change la donne ». En effet, aller voir les personnes dans leur environnement les place dans une situation plus confortable et permet de retrouver un certain équilibre dans la relation. De plus, l’intervention dans les squats permet de comprendre les véritables conditions de vie des « usagers » pour un meilleur plaidoyer.

Pour l’heure, les bénévoles sont plein de bonnes intentions et regorgent de propositions concrètes pour faire avancer les choses. Ils suggèrent ainsi d’installer d’abord un tableau d’expression écrite dans un lieu neutre (les toilettes par exemple) où ils peuvent écrire sans être regardés et répondre à la question « Quelle est ma priorité aujourd’hui ? ». Puis les bénévoles proposent également des temps de rencontre hors cadre pour sortir de la relation soigné/soignant : partager un repas, proposer des balades ou des activités artistiques. Et enfin, MdM pourrait également compléter le dossier médical des « usagers » par une rubrique « recueil des talents » et « ressources » afin de valoriser les compétences des individus et inclure du positif dans le bilan social.

Mais au-delà de toutes ces propositions pour mieux comprendre les attentes des « usagers », ne faudrait-il pas que chacun se remette en question et soit capable tout d’abord à son propre niveau, de regarder l’autre comme un être humain à part entière et restaurer la dignité de chaque individu ? En définitive, chacun devrait avoir sa place dans notre société et au fond, l’idéal serait tout simplement que MdM disparaisse, du fait que tous les êtres humains vivent enfin dans des conditions de vie décentes et puissent jouir des mêmes droits.

 

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