Psychologue-clinicien chez Handicap International, Maximilien Zimmermann a auparavant travaillé avec les équipes de Médecins du Monde en Palestine pendant plus de trois ans. A Naplouse sur le programme d’intervention psychosociale d’urgence pour les personnes victimes de l’occupation, et à Gaza sur la coordination des programmes de santé mentale.
La santé mentale est une problématique prioritaire et transversale.
Le programme de santé mentale en Palestine s’est planifié et organisé sur la volonté de MdM de mettre l’accent sur cette problématique. Les équipes se sont attachées à formaliser les pratiques et approches de santé mentale à travers une méthodologie, une évaluation et des outils plus rigoureux ; MdM possédant déjà une belle expérience dans ce domaine d’action.
Une expertise significative en santé mentale à laquelle s’ajoute l’approche profondément associative de MdM : la collecte de données en santé mentale qui nourrit les actions de plaidoyer – originalité du programme au regard d’autres associations telles que Médecins Sans Frontières ou le Comité International de la Croix-Rouge (CICR). Cette composante a été une motivation supplémentaire pour Maximilien.
Un contexte palestinien aux violences multiples et répétées.
Le projet coordonné par Maximilien en Palestine visait à soutenir les personnes victimes de violence liées à l’occupation :
- Des violences liées aux interventions militaires israéliennes ;
- Des violences liées aux attaques de colons ;
- Des violences liées aux démolitions.
Les équipes du programme intervenaient en urgence – dans les 72h suivant une attaque – et se chargeaient des premiers soins psychologiques, avec un suivi ultérieur des bénéficiaires par les assistants sociaux. En parallèle ont été mis en place des groupes de parole pour renforcer les capacités de résilience de la communauté. Cette dimension prend tout son sens dans un contexte où près de 30% des personnes rencontrées par MdM ont déjà été victimes d’un incident critique. Une situation complexe pour Maximilien car, au-delà des soins et de la prise en charge, le problème reste avant tout politique.
Les équipes, en grande majorité palestiniennes et victimes du contexte, peuvent elles aussi se retrouver bouleversées. C’est pourquoi Maximilien avait mis en place une supervision externe assurée par un psychologue pour permettre aux travailleurs de réfléchir sur leurs pratiques et de mesurer l’impact des souffrances vécues par les bénéficiaires sur leur propre souffrance. Un processus nécessaire – et inédit à MdM – pour recharger les batteries et proposer une aide pertinente pour les populations aidées.
Cette approche n’a pas immédiatement été acceptée et comprise par les équipes (« Nous on sait faire, on n’a pas besoin de ça »). Mais quand la guerre à Gaza éclate en 2014, la supervision, alors demandée par les équipes, devient un impératif : c’est un moment hors du cadre quotidien opérationnel pour réfléchir à sa pratique et à la souffrance des bénéficiaires. Comment proposer une écoute bienveillante auprès des populations ?
Selon l’évaluation finale des programmes, la supervision externe fut l’un des éléments les plus importants pour les équipes, leur permettant de gagner en confiance et en compétence ; ce dispositif est encore appliqué aujourd’hui.
L’équipe concernée est composée de 6-7 personnes : principalement des assistants sociaux et un psychologue. Grâce à MdM, ces derniers peuvent acquérir de nouvelles compétences dans le cadre de formations. L’objectif est à présent d’aller au-delà des premiers soins psychologiques pour proposer cette fois des interventions psychologiques sur la durée – les populations isolées n’ayant pas accès à ce type de soins.
“Une assistante sociale s’est un jour effondrée dans mon bureau en me demandant quel était le sens de tout cela. Dans ce type de contexte, la population n’a parfois plus confiance dans l’avenir. C’est très difficile. Pourquoi est-on là ? Quel est le sens de notre présence ? Que peut-on apporter à ces populations ? Tant que le contexte ne changera pas, la souffrance psychologique ne va pas disparaître.” |
Les actions menées en Palestine entrent en résonance avec les thématiques soulevées lors des Journées des Missions France : les souffrances psychosociales et le travail en réseau et en partenariat avec les acteurs citoyens.
Le programme palestinien a développé une forte approche communautaire en favorisant le travail en groupes. Cela permet de réunir des personnes aux vécus similaires, d’encourager les échanges et de créer une dynamique particulière. Ces groupes illustrent une certaine représentativité de la souffrance. Des personnes qui ont vécu ces épreuves ont été associées aux actions de plaidoyer. Il faut néanmoins rester vigilant car il est difficile d’engager des personnes ayant vécu des traumatismes, avec le risque qu’elles s’y replongent en en parlant. Même si cela reste un moyen de surpasser le trauma, toutes les précautions nécessaires doivent être appliquées.
Maximilien retient de son passage à MdM la liberté d’exprimer des idées nouvelles, de proposer des modèles inédits.
Il note néanmoins quelques complications dues à l’absence de référent au siège.
Confiant dans l’avenir de l’association en matière de santé mentale, MdM gagne selon lui à définir une position claire sur cette thématique dans le cadre de ses interventions d’urgence et de développement. Cela permettrait à l’association d’avoir une approche plus spécifique et unifiée, dans une sphère où chacun peut avoir des points de vue différents.
La santé mentale ne peut, et ne doit pas, être uniquement entre les mains de spécialistes.
L’idée du protocole de l’OMS discutée lors de la table ronde “Quelles réponses possibles de MdM face aux problématiques de santé mentale et de souffrance psychosociale des personnes migrantes et/ou exilées en France ?“, est que la santé mentale n’est pas uniquement entre les mains de spécialistes. Donner les outils nécessaires à des non-spécialistes (assistants sociaux ou infirmiers) permettrait de proposer des interventions rapides en santé mentale et de traiter certains troubles. MdM doit faire partie de cette réflexion car peu de gens ont vraiment accès à des soins de qualité en santé mentale. D’ici 2030, la dépression devrait être la plus grande incapacité dans le monde. Il faut donc trouver de nouvelles solutions et méthodes viables.