En Colombie, nous sommes la seule ONG qui soigne au cœur du conflit

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Présent depuis 28 ans en Colombie, MdM est aujourd’hui la seule ONG à pénétrer dans les zones reculées des départements du Nariño, du Méta et du Guaviare.

La Colombie vit un conflit armé depuis plus de 60 ans : les forces armées, paramilitaires, Bacrim (bande criminelle), les guérillas FARC et ELN se livrent une guerre civile. En 20 ans elle aurait fait plus de 5,5 millions de victimes. La population civile, au cœur du conflit, se retrouve affectée dans ses droits essentiels : liberté de circulation et d’autodétermination, sécurité alimentaire et accès au système de santé.

Le conflit entre les forces armées gouvernementales et les FARC a officiellement commencé en 1964, année de leur création. Cette guérilla n’est pas arrivée seule : avant elle, des années de violences sociales et politiques avaient déjà provoqué des centaines de milliers de morts, particulièrement dans la période appelée « la violencia » des années 1920 jusqu’à fin des années 50, atteignant leur paroxysme à partir de 1948, date de l’assassinat du leader politique Jorge Gaitàn.

Le bi-partisme politique colombien (libéral-conservateur) n’a, par la suite, laissé aucune place aux autres partis ou à tout autre mouvement social sortant de sa norme. Ces élites ont formé un gouvernement de coalition, le « Frente Nacional », de 1958 à 1974, période de cogestion durant laquelle la terre et l’Etat étaient sous leur contrôle, et marquée par l’alternance au pouvoir entre un président libéral et un président conservateur.

C’est dans ce contexte que sont nées les guérillas colombiennes, plus particulièrement les FARC et l’ELN, issues de mouvements paysans appuyés par le parti communiste colombien (PCC). Le M19 s’ajoutera à cette liste en 1974. Enfin, le para militarisme officialisé comme réponse aux insurrections (1997) et le narcotrafic (1980) ont complexifié une situation déjà tendue.

MdM a lancé ses premiers programmes en 1987 auprès des indiens de Apaporis (fermé en 2003) et en 1994 auprès des « enfants des rues » à Bogota, dont l’ Instituto Colombiano de Bienestar Familiar (ICBF) a pris le relais à partir de l’an 2000.

Depuis 1997, MdM a fait le choix de suivre le conflit et, de facto,  la dynamique migratoire des populations du Choco, du Meta puis du Guaviare. Ces trois départements sont totalement délaissés par l’état, tout particulièrement sur le plan sanitaire.

L’action de MdM s’y traduit par la mise en œuvre de services mobiles de santé (SMS) allant vers les populations confinées dans les zones les plus reculées, et dans lesquelles MdM est souvent la seule organisation à pénétrer. Les SMS sont déployés sur des périodes allant de 3 à 15 jours. Les équipes dorment sous de petites tentes individuelles, souvent à l’endroit même où se déroulent les consultations, et utilisent l’eau de la rivière pour leur toilette. Les repas sont préparés par des Colombiens indemnisées par MdM.

Jusqu’à 180 consultations sont effectuées par jour. La plupart ont lieu à l’ouverture du service car les personnes viennent de loin (parfois une journée de marche !) et qu’elles et vivent dans l’incertitude du lendemain. Personne n’est à l’abri de bombardements ou d’attaques.

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Dans la mesure du possible nous proposons de déployer nos actions mobiles en collaboration avec le Ministère de la Santé mais compte tenu de la grande méfiance des populations du Meta et du Guaviare envers l’État en général, MdM reste à ce jour la seule organisation à entrer dans ces zones de conflit.

Dans le Nariño, à la demande du peuple indigène Awa victime de nombreux massacres, disparitions, assassinats, menaces, déplacements forcés et violences en tout genre, MdM a lancé en 2010 un projet de renforcement des prestations sanitaires.

Le conflit et la forte présence stratégique des acteurs armés illégaux rendent la situation très complexe dans le département. Fenêtre sur l’océan pacifique, lieu où l’oléoduc du Putumayo achemine le pétrole, le Nariño renferme également la plus forte production de cocaïne et de minerais d’extraction illégale (or, émeraude, de coltan…) du pays.

MdM et l’ l’IPSI-UNIPA ont commencé par assurer des services mobiles dans des lieux très reculés, parfois accessibles après 3 heures de voitures et/ou de bateau et 9 heures de marche.
En cinq ans, les capacités d’interventions sanitaires des Awa se sont suffisamment renforcées pour que MdM puisse passer la main et répondre aux sollicitions d’autres communautés (et du bailleur ECHO) vers la zone côtière du département. MdM reste bien sûr à disposition de  l’IPSI-UNIPA pour d’éventuels appuis techniques.

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Depuis septembre 2014, MdM appuie plusieurs communautés indigènes (Eperara Siapidara) et afro-colombiennes situées dans des zones humides du littoral Pacifique (F. Pizarro, Olaya Herrera, El Charco, La Tola ) à quelques heures en lanchas (bateau rapide) de la base MdM du Nariño.

MdM-dans-le-Narino
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Nos équipes mobiles proposent des soins de santé primaires adaptée aux différentes populations.

Aujourd’hui, dans les 3 départements où elles officient, nos équipes mobiles proposent des soins de santé primaires avec une approche différenciée selon les pratiques culturelles et appartenance ethnique des populations :

  • la consultation médicale générale;
  • la santé sexuelle et reproductive : contrôle pré et post accouchement des femmes enceintes, planification familiale et IVG dans le cadre légal, cytologie… ;
  • Sensibilisation, prévention, détection IST/VIH.
  • Attention nutritionnelle et suivi des enfants de 6 mois à 10 ans :
  • Appui psycho-social en situation de crise ;
  • La formation aux soins de premières urgences médicales et psychologiques ;
  • La dotation de pharmacies d’urgence aux communautés et aux écoles ;
  • La distribution de moustiquaires et de filtres à eau aux familles ;
  • La sensibilisation des communautés à l’importance de l’assainissement du cadre de vie ;
  • Accompagnement de victimes du conflit vers un réseau institutionnel ou communautaire ;
  • par notre simple présence:  une protection.

Une attention particulière est portée aux femmes en âge de procréer, aux enfants de moins de 5 ans ainsi qu’aux victimes de violences et à leurs familles. L’intervention de MdM inclut également des activités de prévention et de promotion de la santé, de renforcement des capacités locales à travers la formation de leaders communautaires et des prestations d’appui psychosocial. Matériellement, nous distribuons des moustiquaires et des filtres à eau aux familles ainsi que des pharmacies d’urgence aux écoles et aux communautés.

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Nous intervenons également dans des situations d’urgences médicales engendrées par des déplacements massifs forcés ou contrôlés comme lors des grèves agraires, par exemple. Parfois  3 000 ou 4 000 personnes peuvent se retrouver « agglutinées » dans des conditions très précaires, sans aucun accès aux soins. Enfin, il nous arrive d’intervenir dans une communauté située hors de la zone habituelle, à la demande de l’un de nos partenaires (Defensoria, Pastoral social, OCHA).

Un volet de plaidoyer est mis en place dans les organismes décisionnels à Bogotá pour s’assurer que les politiques publiques sont appliquées.

La base MdM est située à Tumaco, ville portuaire de Nariño. Unique municipalité du littoral, elle concentre toutes les forces armées qui se disputent l’accès à l’océan.  Il y règne une forte insécurité. On y entend souvent des tirs, des explosions de bombe. Le taux d’homicides y est très élevé, supérieur à la moyenne nationale.

La sécurité est une priorité quotidienne. Elle passe par l’analyse du contextes national et des spécificités locales et par un travail en réseau institutionnel et communautaire (CICR, ONU, Secretaria de Salud, ICBF, Pastoral Social, Defensoria del Pueblo, CINEP, OCHA, communautés). Elle s’appuie sur la bonne intégration de nos équipes auprès des populations que nous aidons, pour qu’elles se sentent en confiance, et sur notre bonne connaissance des zones d’intervention.

Chaque année, un atelier « Sécurité » regroupe pendant une semaine les équipes au complet. les Rms et les desks, les partenaires et des intervenants externes partagent leurs expériences, leur analyse du contexte et des situations nouvelles… C’est aussi un grand moment de convivialité, de discussions, nécessaires dans ce contexte tendu.

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Les négociations de paix entamées à Cuba depuis voilà plus de 2 ans (novembre 2012) entre la guérilla des FARC et le gouvernement n’ont pas fait baisser la violence, le taux d’homicides ou les déplacements forcés. Les opposants à ces négociations, l’incertitude de l’avenir, l’échec des tentatives d’accord de paix passées, même après un accord signé, font peser une pression continue sur les populations les plus vulnérables et les plus affectées par ce conflit.

La guérilla des FARC a pris la décision d’un cessez-le-feu unilatéral depuis le mois de décembre 2014, qui a enfin eu de vrais effets. On craint néanmoins une augmentation de la criminalité d’une origine nouvelle et difficilement identifiable pendant la période post-conflit, compte tenu des acteurs aux intérêts divers qui seront démobilisés.

Aujourd’hui, sur les 5 points de l’agenda des négociations qui se déroulent à la Havane (Cuba), 3 ont trouvé des accords (développement agraire, participation politique, drogues illicites) tandis que les points 4 (justice et victimes) et 5 (fin de conflit, désarmement, réintégration des combattants) sont toujours en discussion.

Après des embûches et quelques pièges, les négociations progressent et beaucoup ont bon espoir que le processus de paix ne ne puisse plus être stoppé. Les enjeux et les espérances sont de taille, mais tout le monde a intérêt à trouver un accord. Même l’ELN , l’autre guerilla, a amorcé un rapprochement avec le gouvernement.

Ce conflit, qui au cours de ses plus de 60 ans d’existence aura fait plusieurs centaines de milliers de morts, de disparus, des millions de déplacés, une quantité extraordinaire de victimes de violences particulièrement chez les femmes et les enfants. Resté éloigné des grands centres urbains, il peut donner l’impression que la Colombie se porte bien à toute personne qui ne regarderait pas de plus près. D’autant que le gouvernement s’emploie à donner la meilleure des images, surtout à l’extérieur du pays.

Pour aller plus loin, une vidéo présentant la mission en Colombie :

 

1 COMMENTAIRE

  1. rectification.
    l’article a été fait par Blanca Arevalo coordo, Antonio Berlanga co rm et moi même Robert Chaluleau co rm, et non par seulement Robert.

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