Chaque année, la Direction du Réseau International (DRI), organise une rencontre entre coordinateurs des projets nationaux, à laquelle sont invités des représentants de chacune des 15 associations MdM que compte notre réseau. On y parle de tous les sujets possibles qui touchent au quotidien des équipes nationales. Pour n’en citer que quelques-uns : comment augmenter la qualité des soins ; comment intégrer des principes de réduction des risques dans les programmes ; comment faciliter la collaboration entre salariés et bénévoles ; mieux comprendre l’accès aux soins à travers l’Europe de groupes spécifiques comme les Roms ou les citoyens européens ; comment obtenir des changements positifs pour les migrants dans un contexte de xénophobie croissante ; comment inclure les patients dans la gestion des projets et comment améliorer leur capacité d’agir…
Ensemble, nous avons déjà parcouru pas mal de chemin
Pensons notamment aux rapports annuels de l’Observatoire international de l’accès aux soins, auquel un nombre croissant d’équipes nationales contribuent via le recueil de données commun, via des témoignages et en contribuant à l’analyse comparative des cadres juridiques qui déterminent l’accès aux soins dans chaque pays. Lentement mais sûrement, des équipes nationales commencent à développer le réflexe de regarder ce qui se passe ailleurs dans le réseau. En effet, pour chaque problème rencontré sur le terrain – lié à l’opérationnel, au témoignage ou au changement social – il est plus que probable que d’autres équipes dans d’autres pays ont dû faire face aux mêmes problèmes.
Notre rapport annuel européen est attendu et lu avec beaucoup d’attention par un nombre grandissant de partenaires associatifs et institutionnels
Il a notamment permis de rendre plus visible l’impact des politiques d’austérité menées par la troïka (l’alliance de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne et du Fonds monétaire international pour superviser les plans de sauvetage et ses implications dans les Etats membres de l’UE) et il contribue à un changement de paradigme en termes de politiques européennes de santé, dans lesquelles les migrants sont graduellement pris davantage en compte. Un indicateur attestant que notre légitimité de terrain est prise au sérieux au niveau de l’Europe, est notre rencontre récente (fin janvier 2015) avec le nouveau Commissaire européen à la santé, Dr Vytenis Andriukaitis. C’est la première fois que la Commission, au plus haut niveau, nous disait avoir besoin d’un partenariat avec MdM, afin que nos retours sur ce qui se passe sur le terrain puissent contribuer à des politiques de santé plus durables !
Pourquoi alors inclure dans notre travail commun entre équipes nationales – déjà tellement riche – dix « nouveaux » partenaires avec lesquels MdM n’a pas encore travaillé ?
D’abord, parce que nous n’avons des données que sur 9 pays de l’UE (10 en comptant la Suisse, qui fait partie de l’Espace économique européen), tandis que pour la force de notre plaidoyer, nous devons apporter aussi des éléments concrets sur les autres pays européens. De plus, notre réseau européen reste très occidental, et n’intègre pas les Etats de l’Est où les inégalités de santé sont pourtant beaucoup plus prononcées. Si, à l’avenir, nous voulons (encore) avoir un impact sur les politiques européennes de santé, il est capital de faire grandir notre réseau.
Dans notre recherche de partenaires potentiels à inclure dans ce réseau élargi, nous avons fait de belles découvertes en termes d’expertise et de savoir-faire. Prenons cette association coupole tchèque qui rassemble tous les acteurs associatifs ‘migration’ : elle mène une campagne nationale de plaidoyer pour obtenir une couverture maladie publique pour les travailleurs migrants en ciblant spécifiquement les professionnels de santé. Le Planning familial bulgare a obtenu du gouvernement national que le métier de médiateur sanitaire soit désormais un statut officiel. Menedék (en Hongrie) a remplacé, dans un de ses programmes, les heures de bureau par une vraie approche communautaire suite à la consultation des migrants « bénéficiaires ». Le Centre pour la Santé et la Migration, un centre de recherche autrichien, travaille sur des méthodes de recherche qui démontrent qu’un accès aux soins pour tous revient beaucoup moins cher à la société.
Même si ce réseau élargi semblait déjà faire du sens ‘sur papier’, l’idée de créer un partenariat suscite beaucoup de questions. « Vous êtes certains que ‘ces gens’ font du bon travail ? Et comment va-t-on appeler ce nouveau réseau ? Et puis qui pourra décider de comment parler, de quoi et au nom de qui ? » Nous n’avons pas encore toutes les réponses. Mais ce qui est certain, c’est que la réunion à Amsterdam a confirmé que le courant passe entre nous. Nous avons tous dans notre ADN l’envie de défendre les mêmes valeurs de solidarité, égalité, équité, et des systèmes publics de santé universels.
Face à toutes les mauvaises nouvelles qui ne cessent de remonter du terrain – les morts en Méditerranée, les détériorations de la situation en Espagne ou en Grèce, ou les conditions de vie inacceptables des migrants à Calais – savoir « qu’on est ensemble » me donne l’énergie, la fierté et la confiance en moi nécessaires pour continuer à interpeller les députés et fonctionnaires européens !
Frank Vanbiervliet