D’une expérience de l’été 2015 auprès de l’équipe de MDM Grèce dans la ville de Mytilène sur l’île de Lesbos, en passant par du bénévolat dans un Centre d’Accueil et d’Orientation (CAO) gouvernemental dans le village de Chardonnay en Saône et Loire est venue une idée : pourquoi MdM n’investirait-il pas les CAO ouverts par le gouvernement pour, au-delà de s’assurer que l’accès aux soins est respecté, y aider à l’intégration des exilés qui font le choix de rester en France, veiller au sort de ceux qui ne souhaitent pas l’asile et contribuer à la mobilisation citoyenne pour devenir ainsi des « passeurs de citoyenneté dans des centres de résistance »?
Mytilène, une bel exemple d’hospitalité
A mon retour de Grèce en septembre 2015, j’avais loué l’action du maire de Mytilène à Lesbos qui, dès le printemps, comprenant que l’afflux de migrants sur l’île allait fortement augmenter tout au long de l’été (il a atteint le chiffre de 7000 arrivants dans une seule journée), avait su mobiliser les services de l’état (terrain pour hébergement), ses services municipaux (transports, hygiène, hôpital, etc.), les associations locales, nationales et internationales (dont MdM Grèce) et ses concitoyens pour faire face à ce qu’il estimait être un devoir d’accueil et d’hospitalité. C’est ainsi qu’alors que la ville entière de Mytilène accueillait, hébergeait, nourrissait et soignait dans une quasi indifférence internationale, l’île de Kos avoisinante était sous un feu médiatique quotidien attisé par les révoltes, émeutes et actions de l’extrême-droite qui y flambaient, fruits de l’exaspération de tous face à un maire qui souhaitait « réserver son île aux touristes et non aux migrants ».
A Chardonay les migrants éprouvent un sentiment d’apaisement, de sécurité… et de respect
Cet été 2016, à Chardonnay en Bourgogne, les 41 migrants « relocalisés » de Paris et Calais étaient accueillis le 11 juillet dans un Centre d’Accueil et d’Orientation par une soixantaine de citoyens arborant des banderoles hostiles et xénophobes derrière un maire réticent à leur accueil, le tout relayé par la presse. Choqués par cette annonce, nous nous présentions le lendemain, avec Hubert, mon compagnon, pour offrir nos services de citoyens, écrivain/acteur et médecin , dans ce lieu mis à disposition par les Éclaireuses et Éclaireurs de France et encadré par une assistante sociale d’ADOMA, entreprise de réinsertion par le logement.
Après deux mois de fonctionnement de ce CAO, force est de constater que tous les migrants, même ceux qui avaient initialement quitté le centre et y sont revenus, disent s’y sentir « apaisés, respectés et en sécurité ». Tous ont fait le choix de demander l’asile. Ils n’ont pas été expulsés du centre, grâce aux pressions des intervenants, même quand leur demande a été rejetée d’emblée. Ils apprennent le français avec Hubert et deux couples enseignants du village venus le rejoindre. Ils ont bénéficié d’accès à leurs droits juridiques et sanitaires, certains ont été accueillis par la PASS et ont pu passer des consultations à l’hôpital, dans le cadre d’une veille sanitaire avec Paris.
Surtout, une adjointe au maire a félicité le bon déroulement de cette initiative dont la presse locale a dû faire l’écho. Des collectifs citoyens régionaux ont fait appel à l’exemple de ce CAO pour sensibiliser les populations réticentes à l’instauration d’autres CAO près de chez eux; changeant ainsi le regard porté sur ces exilés évacués et relocalisés aux alentours. Le regard que ces hommes portent sur eux-mêmes a pu aussi changer, plus confiant et moins désespéré, tourné enfin vers un avenir imaginable et pourquoi pas en France comme terre possible d’accueil.
Il nous est venu d’imaginer que, forte de ses délégations régionales et de tous les citoyens militants qui les composent et les entourent, MdM pourrait recenser les CAO existants ou en préparation sur notre territoire, les « investir » en mobilisant citoyens et collectifs locaux voire municipalités et devenir ainsi des « passeurs de citoyenneté », s’assurer que l’accès aux soins y est bien optimal et respecté et plus largement les droits à l’accueil inconditionnel en France, en faisant alors qu’au-delà du répit physique et mental ces lieux deviennent des centres de résistance.