manifestation pour la paix à Cali, le 12 octobre 2016
© AFP LUIS ROBAYO
Avec une participation de 37% du corps électoral et un peu moins de 54 000 voix d’écart, le NON à la paix l’a emporté en Colombie (50.21 contre 49.78) à l’issue d’un référendum alors que tous les sondages prévoyaient la victoire du OUI.
Lire l’article précédent : Un avant dernier pas vers une Colombie sans guerre
On peut s’interroger de tous côtés pour comprendre, plusieurs facteurs sont vraisemblablement rentrés en ligne de compte. D’un côté l’optimisme des partisans du Oui qui ne sont pas allés voter à cause d’une avance confortable dans les sondages et une campagne insuffisante de la part du gouvernement. De l’autre, une forte mobilisation des partisans du Non emmenée par les ex présidents A. Uribe et A. Pastrana et par l’ex procureur général, A. Ordonez, qui sont opposés à ces accords n’y voyant qu’une impunité pour les FARC, et une revanche politique contre l’actuel président Santos, ne voulant pas lui céder le bénéfice de la « Gloire ». Une bonne occasion pour Uribe de revenir au devant de la scène politique.
La désinformation du camp du Non sur les réseaux sociaux aura été très efficace, et assez infâme il faut le souligner. Avec des arguments de la pire mauvaise foi : « pour soutenir la réintégration des FARC, les retraites vont être amputées de 7% et les salaires le seront de 10% ». Et en semant la terreur avec un scénario catastrophe : le pays livré au FARC va dévier vers le Castro-Chavisme. Et en 2018, Rodrigo Londono, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Gimenez et Timochenko, chef des FARC, deviendra président de la République.
Les conservateurs d’extrême droite s’appuient sur la religion qui se sert de l’épouvantail de la « théorie » du genre, pour rester dans le schéma classique des valeurs de la famille défendues par l’oligarchie.
Ce scrutin rappelle la forte inertie ancrée dans la société colombienne surtout en zones urbaines, éloignées du conflit, il suffit de regarder les résultats par département pour comprendre où sont les zones de conflit et où se trouvent les populations qui en souffrent.
L’ouragan Mathieu, qui par la suite aura frappé fortement Haïti et le sud des États Unis, a aussi empêché la population sur la côte Caribe d’aller voter, 15 bureaux de vote n’ont pas ouverts.
Le cessez-le-feu bi-latéral ira jusqu’au 31 octobre 2016 a annoncé le Président Santos – peut être prolongeable ? Les FARC ne reprendront pas les armes et se retrouvent à nouveau à La Havane pour discuter avec la délégation gouvernementale, que Santos ne veut pas changer malgré la pression de A. Uribe qui propose sa contribution à un Grand Pacte National. A la clef: des « corrections » sur les points accordés et une forte préoccupation sur les valeurs de la famille. Aucun plan B n’avait été prévu à la table des négociations à La Havane.
Il y a une forte mobilisation de la société civile pour qu’il y ait un résultat rapide et surtout que la guerre ne reprenne pas. Les combattants des FARC se retrouvent un peu dans les limbes, à l’image du chaos général.
Les nouvelles discussions entre les FARC et le gouvernement prendront en compte les propositions des tenants du NO. Elles pourraient se diriger vers une assemblée constituante, souhaitée par les FARC et et par le Centre Démocratique, le parti d’Uribe, pour sortir de la crise.
L’espoir demeure
Sur le plan économique, bien sûr, toute la coopération venant de l’extérieur pour la reconstruction est « congelée » : plus de 500 millions €, 475 millions de dollars de la part des E.U., le Japon , la Norvège etc.
Ce vendredi 7 octobre, le Président Santos a eu le prix Nobel de la paix … pas les FARC. Une forme de pression? une façon de sauvegarder les accords de paix …? Une déclaration commune, FARC et délégation du gouvernement, assoit l’importance politique des accords signés, tout en prenant en compte ce que pourront dire les tenants du non.
De notre côté, le stratégie sur le terrain reste inchangée car terriblement pertinente à un moment où les populations vont être dans une situation de fragilité accrue, avec toujours en menace arrière, la prise de contrôle par les paramilitaires et autres bandes criminelles des zones laissées par les FARC.
Beaucoup d’informations, des déclarations, des analyses …. Des changements rapides y compris de la part d’A. Uribe, une forte pression interne de la société et externe de la communauté internationale feront naitre d’ici peu une autre présentation des accords de paix. C’est du moins ce que nous espérons et pensons.
Le triptyque Colombie