Alexis Moreau, assistant de service social à Strasbourg

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« Tic tac/clac clac » : faisons connaissance ! D’où es-tu originaire, comment as-tu connu Strasbourg ?

 

A.M. Je suis né et j’ai grandi en Normandie. Autant dire que Strasbourg était pour moi un horizon lointain ! Les aléas de la vie m’ont cependant amené à déménager dans notre belle ville en 2003. Je ne l’ai pas quittée depuis.

 

« Tic tac/clac clac » : tu as suivi une formation d’Assistant de service social… Quelles ont été les convictions les plus fortes à l’issue de la formation ? Quel a été le sujet de ton mémoire ? Quels ont été tes stages ?

 

A.M. Le métier d’assistant de service social est pour moi une deuxième carrière. Je suis de formation scientifique – j’ai eu un DUT en génie des procédés en 2000 – et j’ai travaillé environ cinq ans dans le milieu de la chaudronnerie. J’y étais technico-commercial, d’abord en Normandie, puis à Schiltigheim. Cependant, la partie commerciale ne me plaisait pas.
C’est en intégrant un groupe local d’Amnesty et en militant pour les prisonniers politiques que nous soutenions que j’ai pris conscience du fossé qui existait entre ma vie professionnelle et mes convictions personnelles. J’ai donc quitté mon emploi, passé le concours d’entrée en formation et, trois ans plus tard, en 2009, je suis devenu assistant de service social.
J’en suis sorti avec la conviction que, quelle que soit sa situation, la personne accompagnée est toujours appelée à être actrice de son parcours. L’assistant de service social est présent pour la conseiller, l’informer, faciliter ses démarches et sa rencontre avec les institutions, jamais pour décider à sa place. Cette idée, qui peut paraître simple au premier abord mais qui est parfois difficile à mettre en pratique, était à la base de mon mémoire. Celui-ci concernait en effet le rôle des personnes dans les actions collectives développées par les assistants sociaux. Ce travail m’a permis de découvrir les enseignements de Paulo Freire et de Carl Rogers, et a eu des conséquences sur ma pratique quotidienne.
J’ai réalisé mon premier stage à l’Etage, et plus précisément au sein du service social de cette association, où j’ai pu rencontrer les jeunes sans domicile fixe. Mon deuxième stage a eu lieu au Centre Médico-Social du quartier de Cronenbourg et le troisième au sein du Service d’Insertion en Milieu Ordinaire de Travail de Route Nouvelle Alsace, association qui aide notamment des personnes handicapées psychiques à intégrer un emploi et à s’y maintenir.

 

« Tic tac/clac clac » : comment as-tu découvert Médecins du Monde ?

 

A.M. J’ai travaillé pendant presque cinq ans avec des personnes en situation de précarité et, dans ce secteur, Médecins du Monde est un acteur reconnu. C’est lorsque l’association a recherché son nouvel assistant de service social que j’ai postulé et, ainsi, approfondi ma connaissance de cette structure par la lecture du rapport de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France. C’est un angle d’approche passionnant pour qui ne connaît pas le fonctionnement quotidien d’un CASO.

 

« Tic tac/clac clac » : peux-tu nous décrire une semaine de ton activité professionnelle à la Délégation ?

 

A.M. Chaque matin, je suis au CASO avec l’équipe des accueillants. Je suis disponible s’ils ont besoin de soutien ou s’ils ont des questions. Je reçois également des personnes sur rendez-vous, ainsi que les après-midis du lundi et du mercredi. Le reste du temps est consacré aux rendez-vous à l’extérieur (rencontres avec les partenaires de notre association) ainsi qu’au suivi des situations (écrits, prises de contact, etc.). Il y aussi la nécessaire veille sociale et la lecture des revues spécialisées ou des publications de Médecins du Monde.
J’interviens également sur les autres missions. J’ai donc participé aux missions bidonvilles et sans abri.

 

« Tic tac/clac clac » : quels sont les publics que tu rencontres le plus souvent ? Y a-t-il des solutions et lesquelles ? Quelles sont les attentes auxquelles il est particulièrement difficile d’apporter une réponse ?

 

A.M. Je rencontre surtout des personnes migrantes nouvellement arrivées sur le territoire français, venues au CASO dans le but de se soigner. Je travaille avec elles la question de l’accès aux droits, c’est-à-dire l’accès à une Aide Médicale d’Etat, mais aussi celle de la subsistance – se nourrir, se vêtir, avoir un endroit où dormir. Si les solutions existent en ce qui concerne l’accès à une AME – malgré les obstacles qui se dressent régulièrement à l’occasion de ce type de démarches – la question de l’hébergement est catastrophique. Le dispositif d’hébergement d’urgence est saturé et, en période estivale, les personnes que j’accompagne sont souvent contraintes de passer leurs nuits dehors – qu’elles soient hommes, femmes isolées, en couple, avec des enfants, en situation irrégulière ou ressortissants européens. Cela crée des situations très difficiles à gérer, car ces personnes, en entretien, sont souvent épuisées, et qu’il est très difficile de sortir de l’urgence pour se consacrer à autre chose.
Il y a également le souhait de rester en France, et donc les démarches de régularisation auprès de la Préfecture ou de l’OFPRA dans le cadre de la demande d’asile. Et là, nous entrons dans une longue période d’attente et de stress. Il s’agit donc d’être présent afin d’apporter un soutien moral, tout en tentant d’amener la personne à se consacrer à autre chose (accès aux loisirs, bénévolat).

 

« Tic tac/clac clac » : quels sont tes interlocuteurs les plus fréquents parmi les partenaires institutionnels et associatifs de Médecins du Monde ?

 

A.M. Mes partenaires principaux appartiennent au secteur caritatif : Caritas, qui apporte une aide très importante au public que nous accompagnons, le Secours Populaire, la Croix Rouge, l’Armée du Salut… Elles apportent des solutions immédiates et vitales : aide alimentaire, vestimentaire, financière…
Je travaille aussi avec les partenaires institutionnels : le CCAS de la ville de Strasbourg et la CPAM, dont le service CMU/AME est ouvert à un travail en commun.
Et, enfin, d’autres partenaires : l’Escale saint Vincent, l’Etage, la Boussole, la Cimade, Casas… Ils sont nombreux mais ont chacun un rôle très important à jouer dans le parcours des personnes. Je travaille également avec l’Equipe Mobile de Rue de la Ville de Strasbourg lorsqu’il est nécessaire de mettre en place un partenariat concernant des situations précises, ainsi qu’avec le Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) en ce qui concerne l’hébergement.
En interne, je travaille quotidiennement avec les missions sans-abri et bidonvilles, ainsi qu’avec l’équipe des accueillants du CASO. Celle-ci effectue un travail très important d’accueil et d’explication en ce qui concerne notamment les demandes d’Aide Médicale d’Etat. Enfin, les liens sont réguliers avec l’équipe médicale.

 

« Tic tac/clac clac » : comment vis-tu ton intégration dans l’association MdM, à Strasbourg, avec le siège à Paris ?

 

A.M. Mon intégration se passe à merveille. Un pot d’accueil, un travail en lien quotidien avec Chantal, Jean-Maurice, André, Yonatan, Laurence, Jean-Claude, Sophie et l’ensemble des bénévoles, la présence bienveillante et le travail efficace de Yasmina, le contact avec les équipes des missions bidonvilles et sans-abri, un stage d’intégration au siège, ainsi que des référents identifiés au niveau du service des ressources humaines… Travailler à Médecins du Monde a été jusqu’à présent un vrai plaisir professionnel.

 

« Tic tac/clac clac » : as-tu des projets pour ton activité à MdM, pour les mois qui viennent ?

 

A.M. Mon futur proche sera consacré, en plus de mon activité quotidienne au CASO, à continuer ma prise de repères auprès des missions bidonvilles et sans-abri. J’aimerais également échanger, d’une manière ou d’une autre, avec d’autres assistants sociaux de Médecins du Monde.

 

« Tic tac/clac clac » : un petit mot sur MdM… Quels sont ses atouts ? Quelles sont les pistes de progression possibles ?

 

A.M. J’entends souvent dire que Médecins du Monde repose sur la présence des bénévoles. C’est ce que j’ai pu constater depuis ma prise de fonction : le CASO et les équipes mobiles n’existeraient tout simplement pas sans l’engagement constant des bénévoles de l’association. Je trouve également appréciable que l’ensemble de nos actions françaises soient organisées autour de la Direction des Missions France, car cela nous permet de porter nos revendications sur un plan national. C’est la coordination de ces deux dimensions qui constitue, à mon avis, la force de notre association.

 

« Tic tac/clac clac » : pourrais-tu recommander aux lecteurs de la Cigogne et l’Horloge, un livre à découvrir, une BD à bouquiner, un film à voir, un spectacle, un CD ?

 

A.M. C’est la question la plus difficile… Comment conseiller une seule œuvre ? Si je veux rester dans un cadre professionnel, je vous conseillerais Rue des Voleurs, qui suit un jeune marocain durant sa vie à Tanger puis tout au long de son parcours en Europe. C’est un beau roman et son auteur, Mathias Enard, est actuellement mon auteur français préféré. Si je devais citer un autre écrivain, je vous parlerais de Stefan Zweig, pour sa description d’une société aujourd’hui disparue, pour sa grande qualité d’écriture et, bien sûr, pour sa manière inimitable de nous raconter les méandres des émotions humaines.

 

Par  Tic tac/clac clac – membre de la délégation Alsace – France-Comté

 

Cette interview est parue dans la dernière édition de L’Horloge et la Cigogne, journal interne de la délégation Alsace – Franche-Comté

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