Un mois après cette folle réunion à Amsterdam construite pour intégrer 10 nouveaux partenaires européens à un nouveau réseau pour « réduire les vulnérabilités en santé » incluant déjà les 15 associations MdM qui sont impliqués au quotidien dans des projets nationaux, sans oublier les échanges de pratiques, les échanges sur nos objectifs politiques, laissant la parole à chacun quel que soit son statut, salarié ou bénévole de terrain, président/e, directeur, équipe DRI… que reste t-il ?
Un immense bonheur d’avoir vécu ces journées menées à un rythme fou mais plein de poches de convivialité, de rires partagés, de mots qui s’entrechoquent, de craintes de clash sur les sujets aussi sensibles que peuvent l’être la réduction des risques avec les prestataires de services sexuels tarifés pour les uns et les victimes de la traite pour les autres, ces mots et ces regards qui font qu’en quelques heures on se sent proches, si proches, comme si on avait toujours combattu côte à côte.
Eh ben, vous n’y croirez pas mais ce réseau existe bel et bien, fondé sur un même engagement d’équité, de solidarité, de luttes passées et à venir, de savoir-faire mais aussi de vouloir faire, d’expériences exemplaires…
Formation de 150 médiateurs de santé à Sliven, Bulgarie, lutte pied par pied contre les exclusions racistes en Hongrie comme en Grèce mais aussi au coin de notre rue, l’engagement quotidien auprès des Roms usagers de drogues en Roumanie qui aboutit à la première prise en compte au niveau national de leurs besoins, les médecins norvégiens qui doivent excuser leurs patients mourants, mais sans papiers, de peut-être couter cher dans le pays le plus riche d’Europe, les mots cinglants de Pablo l’irlandais qui remettent les idées en place, notre amie polonaise désolée de ne pas s’engager dans des actions de santé alors que leur combat au quotidien pour le respect des droits des migrants est déjà un acte de santé, notre amie ukrainienne de la République tchèque qui porte à bouts de bras un consortium d’assos, les slovènes, seuls à offrir des soins aux migrants qui n’ont pas les papiers qu’il faut, et les retrouvailles avec tous les MdM, les coordos enfin sortis de la lourdeur du quotidien, entre lesquels de solides complicités existent, depuis le temps qu’ils peuvent se réunir grâce à ce truc, qui s’appelle l’Observatoire de l’accès aux soins souvent, « le » projet européen, « les » projets européens, bref ce truc transnational qui inclut les canadiens et les Turcs (africains) d’une asso partenaire … de Marseille, ce truc qui bien au-delà de ses déjà formidables résultats ambitionne de voir partout nos programmes progresser en qualité mais aussi des systèmes de santé équitables, publics, solidaires, ouverts à tous les gueux. Parce qu’on est mieux entre gueux qu’entre puissants, parce qu’on n’arrête pas de rêver ensemble de tout ce qu’on va obtenir, parce qu’on a envie collectivement, transversalement, rhizomatiquement de renverser l’ordre établi de la terre et du ciel.
Nathalie Simonnot
