Fatigue, blessures, brûlures, chants, danse et bulles de savon

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Photo d’Olivier Papegnies

J’ai rejoint la mission MdM à Calais en tant que médiatrice deux fois cette année. Une première fois en mars-avril et une seconde en juillet 2015. 

Ce que je vis en début d’année n’est déjà pas normal. Les migrants ont ordre de quitter leurs campements respectifs ou “jungle” pour rejoindre le terrain vague des dunes, ancienne déchetterie et champs de tir, où ils sont tolérés. A l’arrivée sur le nouveau camps, baptisé par le suite “le bidonville” ou la “new jungle”, chacun est à la recherche de tentes, de sacs de couchage – pour se loger en urgence-, de palettes de bois et de bâches plastique – pour se mettre plus à l’abri. Tout ce qui avait été construit précédemment par les déplacés et les associations pour un bien rude “confort”, doit être construit à nouveau. La galère pour aller chercher de l’eau, se laver, trouver des toilettes, se nourrir…bref, les besoins élémentaires. En tant que bénévoles, nous essayons de répondre à ces besoins au pied levé en distribuant des sacs de couchage et des tentes, apporter des bidons d’eau, écouter, orienter et accompagner les malades à l’hôpital.

En juillet, le nombre de personnes sur le site a doublé. Hélas, les conditions de vie ne se sont pas améliorées. Tout semble tellement difficile. Plus difficile aussi de tenter le passage en Angleterre. Même moi en tant que médiatrice (et non pas en tant que soignante) j’observe une augmentation du nombre de blessures : grosses blessures aux mains dues aux barbelés, voire amputations de doigts, brûlures au niveaux des membres ou du corps, traumatisme des membres inférieurs (entorses, foulures, fractures, etc.). Tout ceci du aux chutes rendant encore plus difficile le fait de se déplacer. Hospitalisations, comas et, très malheureusement, de trop nombreux décès…

Je fais des choses que je n’aurais imaginé devoir faire ici en France, comme traverser le site avec, dans les mains, une photo d’un jeune homme décédé (en tentant le passage) afin de retrouver des amis, des membres de sa communauté. 

Je suis très touchée par les parcours des personnes rencontrées qui, au bout du rouleau, ressentent le besoin de préciser “tu sais, je n’ai pas toujours été comme ça, avant j’étais étudiant en business school/médecin/ingénieur“. Certains racontent les étapes de leur longs parcours, les agressions, le racisme, la peur, la fatigue, les passeurs, les frontières, les accidents. Dur est de constater qu’en France nous ne leur offrons même pas de répit. 

La situation continue de se détériorer, je ressens le besoin d’y aller de nouveau, le besoin d’agir face à ce drame. Mais je suis scandalisée par le fait que la France (pays des droits de l’homme comme nous aimons le répéter) et l’Europe agissent si peu. 

Mais il y a aussi des souvenirs, beaux, intenses. Une fin d’après-midi, après une journée un peu compliquée, une autre bénévole et moi allons prendre des nouvelles d’un jeune homme de 16 ans qui s’était blessé. En arrivant à ce campement composé de jeunes entre 16 et 20 ans, nous sommes accueillis à bras ouverts. C’est l’anniversaire du jeune que nous voulions voir. Chants, danse et bulles de savon nous ravissent alors que le soleil commence à baisser. Des sourires, des chants, des accolades. L’humain est là. Merci et bravo à eux pour cette énergie !

Corine V.

 

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