Grèce : les enfants de l’exode

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 Photo de Guillaume Pinon

 

Ils seraient dix fois plus nombreux cette année à gagner la Grèce pour fuir la terreur et la pauvreté. Sur les îles de Lesbos et de Chios, à une dizaine de kilomètres de la Turquie, Médecins du Monde apporte son aide aux réfugiés. Notamment aux plus fragiles d’entre eux, les enfants.

Plage de Skala Sikaminias, au nord de l’île de Lesbos. Des gilets de sauvetage s’accrochent aux buissons qui bordent la mer Égée. Ils ont été abandonnés dans la précipitation, au terme d’une traversée périlleuse depuis les côtes turques, par ceux qui fuient la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, le Pakistan, le Soudan ou encore la Somalie. Sur la plage, les lambeaux de canots pneumatiques côtoient des bouées colorées et un paquet de couches pour bébés.

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L’interminable attente

Car parmi les hommes et les femmes qui débarquent en Europe on compte de plus en plus d’enfants. Certains sont accompagnés de leur mère. Les autres ont été confiés à un adulte ou voyagent seuls. Il leur faut alors marcher près de 14 heures pour gagner Mytilène, la capitale de Lesbos, et se faire enregistrer par les autorités. Juchés sur les épaules de leurs parents, les plus jeunes somnolent sous un soleil de plomb.

Mais les arrivées sont si nombreuses que l’attente pour l’obtention d’un laissez-passer vire au cauchemar : une nuit sur le port à même les quais, deux autres sous la tente dans un champ d’oliviers mis à disposition par le maire dans l’urgence, puis deux à trois encore devant les grilles du centre de premier accueil de Moria, à 20 km au nord de Mytilène. Une fois admis, il faut patienter trois jours dans des préfabriqués encadrés de barbelés pour obtenir le sésame qui permettra de prendre le ferry pour Athènes. Avant de tenter de gagner l’Allemagne ou la Suède, principalement.

Avec près de 900 personnes pour une capacité de 500 places, le camp de Moria est saturé. C’est là que les équipes de Médecins du Monde répondent de leur mieux aux besoins de soins des migrants. « Tous ne peuvent pas être vus par nos deux médecins, explique Christos Doulgeris, infirmier. Nous proposons des consultations dans le centre et recevons en priorité les personnes qui souffrent de maladies chroniques, les blessés et bien sûr les femmes enceintes et les enfants. » Ils sont tout de même une centaine à bénéficier de soins chaque jour, mais aussi de vêtements, de lait, de couches fournis par l’association. Sur les murs de la pièce où l’assistant social et la psychologue reçoivent les enfants, des dessins sur lesquels des familles empruntent des routes qui se divisent expriment l’angoisse de ces déracinés devant l’inconnu.

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Soigner dans l’urgence

A Chios, au sud de Lesbos, l’enregistrement ne prend généralement que deux jours. Mais la situation est également tendue. Non loin du centre d’accueil surchargé, des tentes ont été plantées dans une carrière, près d’un cimetière. Sur cette île l’équipe de Médecins du Monde n’est constituée que d’un médecin et d’une infirmière. Chaque jour, ils soignent les plus vulnérables parmi les quelques 250 personnes qui transitent là. Assistée par un traducteur d’une association partenaire, l’infirmière Evgenia Spirou ausculte un bébé fiévreux dont les pleurs résonnent dans le silence. Puis elle confie à son père un traitement tout en s’efforçant de lui expliquer comment le lui administrer.

Soigner et protéger les enfants mais aussi les adultes qui échouent toujours plus nombreux sur les îles grecques et n’y restent que très peu de temps est un véritable défi pour Médecins du Monde. Dans la salle de consultation exiguë qui fait face aux portes du centre, le docteur Nikos Pantelaros reçoit Moissa, 4 ans, et sa mère : « Elles ont fui la Syrie et la petite ne veut plus se nourrir. Elle est épuisée, sans doute traumatisée par ce qu’elle a vécu. » Le soir même, la famille rejoindra le port de Chios pour poursuivre sa route. Avec l’espoir que ces voyages qui abîment la jeunesse ne la gâchent pas sans retour.

Thomas Flamerion, juin 2015
Photos de Guillaume Pinon

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Témoignages

Anna Panou, psychologue à Lesbos

« Il faut du temps pour entrer en contact avec un enfant »

« La grande difficulté de notre travail réside dans le fait que les personnes qui passent par le centre n’y restent que quelques jours. Or il faut du temps pour entrer en contact avec un enfant et lui permettre d’exprimer sa souffrance. Des ateliers de groupe ou le dessin y participent. Nous devons également orienter les mineurs isolés vers des structures spécialisées et identifier les jeunes qui voyagent avec des inconnus. Certains n’ont que 6 ans et des adultes pourraient profiter de leur faiblesse. Nous avons eu le cas d’un Syrien de 11 ans. Il a été séparé d’un homme qui se faisait passer pour son père et avait un comportement anormal. Ils s’étaient rencontrés trois jours plus tôt, au cours de la traversée en bateau. Aujourd’hui, l’enfant a pu rejoindre son frère qui vit en Suède. »

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Ziar, 15 ans
Parfois les enfants voyagent seuls. Comme Ziar, 15 ans, né dans les montagnes d’Afghanistan. Après son enregistrement, il a trouvé refuge dans le camp ouvert de Pikpa, non loin de l’aéroport de Mytilène. Nourriture et vêtements y sont généreusement fournis par une poignée de bénévoles de l’île. Assis sur un lit de camp dans une cabane en bois, les mains nerveusement jointes et ses yeux verts braqués au sol, il raconte : « Je suis parti pour pouvoir aider ma famille. Après avoir quitté l’Afghanistan, j’ai été enfermé pendant 3 mois dans un camp en Iran puis j’ai pu traverser la Turquie. Pour le moment je sais juste que je dois prendre le ferry pour Athènes. C’est mon père qui me guide par téléphone. Il me dit où aller. »

 

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