Accès universel aux soins, il reste encore tant à faire !

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Doroftei, 10 ans, n’est pas vacciné : « Je ne peux toujours pas aller à l’école »
Saint-Denis – France

 Photo de Denis Rouvre

 

La crise économique et sociale : augmentation des besoins et réduction des moyens

L’Europe est le berceau des droits humains. En effet, la liste des textes internationaux et des engagements des États qui garantissent aux personnes des droits essentiels et universels est impressionnante. Concernant la santé, les institutions de l’Union européenne (UE) ont récemment réaffirmé leur adhésion aux valeurs d’universalité, d’accès à des soins de qualité, d’équité et de solidarité. Pourtant, ce rapport montre comment, dans la pratique, ces mots demeurent encore trop souvent des promesses.

Ce rapport s’appuie sur les données collectées en 2014 lors des consultations médicales et sociales individuelles réalisées auprès de 23 040 personnes dans 25 programmes/villes en Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse et Turquie. Il dépeint un tableau bien sombre du « berceau des droits humains ».

L’extrême dangerosité des routes migratoires, en raison du renforcement des contrôles aux frontières, les conditions indignes de détention et l’angoisse permanente d’être expulsé attendent la plupart des migrants souhaitant rejoindre l’Europe dans l’espoir d’y trouver un refuge. Ils courent comme les citoyens démunis de l’Union européenne le risque d’être exploités, mais ils sont en outre confrontés à la xénophobie. Alors que les besoins de santé non satisfaits ont augmenté globalement dans la plupart des pays en raison de la crise économique et des mesures d’austérité, les personnes les plus démunies (parmi lesquelles un nombre croissant de ressortissants nationaux) ont été les plus durement touchées. Au total, 6,4 % des patients vus en Europe étaient des ressortissants nationaux (jusqu’à 30,7 % en Grèce et 16,5 % en Allemagne), 15,6 % étaient des migrants citoyens de l’UE (jusqu’à 53,3 % en Allemagne) et 78 % de l’ensemble des patients rencontrés étaient des citoyens extra-européens/ressortissants d’un pays tiers.

Même les enfants et les femmes enceintes n’ont toujours pas accès aux soins

 Au total, 62,9 % des personnes vues par MdM en Europe en 2014 ne bénéficient pas de couverture maladie. Le droit à la santé des enfants est l’un des droits humains les plus fondamentaux, universels et essentiels. Pourtant, moins de la moitié des enfants vus dans les consultations de MdM sont vaccinés contre le tétanos (42,5 %) ou la rougeole, les oreillons et la rubéole (34,5 %) – alors que ces vaccinations sont connues dans le monde entier pour être les plus importantes et qu’en Europe le taux de vaccination contre la rougeole à l’âge de 2 ans atteint 90 % en population générale.

Plus de la moitié des femmes enceintes n’ont pas bénéficié de consultation prénatale avant leur venue à MdM (54,2 %). Parmi elles, la plupart reçoivent des soins trop tardivement – c’est-à-dire après la 12e semaine de grossesse (58,2 %). Une grande majorité de femmes enceintes n’ont pas de couverture santé (81,1 %), vivent sous le seuil de pauvreté, et 30,3 % disent recevoir peu de soutien moral ou n’ont personne sur qui compter.

Le mythe de la “migration pour raison médicale”

 Les barrières aux soins, ainsi que l’analyse du cadre légal dans les pays où les équipes ont rencontré les patients, confirment que des lois restrictives et des processus administratifs d’accès aux soins complexes contribuent à aggraver l’état de santé des personnes. Comme dans les enquêtes précédentes, les barrières à l’accès aux soins les plus fréquemment citées sont l’impossibilité financière de payer, les problèmes administratifs, le manque de connaissance ou de compréhension du système de santé et des droits relatifs à la santé, et la barrière de la langue. Il n’est ainsi guère surprenant qu’un patient sur cinq déclare avoir renoncé aux soins au cours des douze derniers mois.

Les données recueillies déconstruisent clairement le mythe de la migration pour raison médicale, si souvent utilisé par les gouvernements pour limiter l’accès aux soins. Les migrants rencontrés en 2014 vivent en moyenne depuis 6,5 ans dans le pays lorsqu’ils consultent à MdM pour la première fois. Seuls 3 % citent la santé comme l’une des raisons de leur migration. Parmi les migrants souffrant de maladies chroniques, seuls 9,5 % savaient qu’ils étaient malades avant leur arrivée en Europe.

Les politiques européennes et nationales en matière d’immigration insistent fortement sur l’immigration comme « problème de sécurité », oubliant ainsi leur devoir de protection.

Une majorité écrasante de patients (84,4 %) interrogés sur leur expérience de la violence déclarent avoir subi des violences au moins une fois, que ce soit dans le pays d’origine, au cours de la migration ou dans le pays d’accueil. Ils ont besoin de soins supplémentaires et d’un environnement sécurisant, et non, comme c’est trop souvent le cas, de vivre dans des camps ou des taudis, dans la peur d’une expulsion.

L’accès aux soins pour tous : une nécessité

 Médecins du Monde demande aux États membres et aux institutions de l’UE de garantir des systèmes universels de santé publique, fondés sur la solidarité, l’égalité et l’équité (et non sur une logique de profit), ouverts à toute personne vivant en Europe. MdM appelle les États membres et les institutions de l’UE à garantir immédiatement l’accès sans réserve aux programmes de vaccination nationaux et aux soins pédiatriques pour tous les en- fants résidant en Europe. De la même façon, toutes les femmes en- ceintes devraient avoir accès à l’interruption de grossesse, aux soins prénataux et postnataux et à un accouchement sans risque.

En tant que professionnels de santé, nous continuerons à procurer des soins médicaux appropriés à toutes les personnes quel que soit leur statut administratif ou social et quelles que soient les barrières légales en vigueur. MdM refuse les législations entravant l’éthique médicale et appelle tous les professionnels de santé à fournir des soins à tous les patients.

Auteurs

Pierre Chauvin et Cécile Vuillermoz – Département

de recherche en épidémiologie sociale, Institut

Pierre Louis d’Epidémiologie et Santé Publique

(Inserm – Université Sorbonne UPMC)

Nathalie Simonnot, Frank Vanbiervliet et Marie

Vicart – Réseau international de Médecins du monde

Et Anne-Laure Macherey et Valérie Brunel –

Réseau international de Médecins du monde

Pour lire le rapport européen 2015 en français, cliquez ici

 

Para leer el informe europeo 2015 en español, cliquee aqui

 

To read the 2015 european report in english, click here


 

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