Loveless : une adaptation d’ Une vie de putain
réalisée par Anne Buffet et Yann Dacosta avec la Compagnie Chat Foin
photo de Jacob Chetrit
25 Mars 2015 à Rouen, le Centre Dramatique National de Haute-Normandie est en pleine effervescence. La salle comble est plongée dans le noir où les premières notes résonnantes de Shine On You Crazy Diamond par Pink Floyd ouvrent le spectacle. D’un côté 236 amateurs de théâtre, des curieux, des élus politiques et des travailleurs/euses du sexe (TDS) ; de l’autre se dressent cinq prostitué(e)s dans la pénombre de la scène dont les premiers témoignages nous tiennent déjà en haleine.
Nous replongeons en 1975 à l’époque de l’occupation de l’église St Nizier à Lyon par des prostitué(e)s, qui manifestent à l’époque avec ferveur pour la reconnaissance de leurs droits. De la bourgeoise à la mère de famille, du travesti à la jeune fille paumée, ces personnes retracent les souvenirs des piteuses maisons-closes et scandaleux éro-centers ; partagent les fantasmes croustillants des clients les plus coquins et braillent leur ras-le-bol général des flics et des politiciens. La mise en scène est finement ponctuée par la projection d’authentiques images d’archives.
Loveless nous rappelle à la veille de l’examen du projet de loi au Sénat que 40 ans plus tard rien n’a changé. Réprimé(e)s, stigmatisé(e)s et discriminé(e)s, la voix des premier(e)s concerné(e)s n’est que très peu entendue lorsqu’il s’agit de légiférer sur leur dos. Ce soir, l’engagement artistique s’accouple à l’engagement humanitaire, puisque l’événement a aussi permis de redonner la parole aux associations militant aux côtés des TDS. Ainsi, trois membres respectifs de Médecins du Monde (MdM) Normandie, du Syndicat du travail du sexe (STRASS) et d’Acceptess-T ont continué de bouleverser les perceptions du travail du sexe dans le public en attisant les questionnements et en écrasant les idées reçues pour recentrer la rencontre sur une des problématiques majeures à laquelle font face les TDS outre celle de la traite des êtres humains : l’accès à la santé et aux droits ! Hormis une volonté de démystifier grâce à l’art l’univers si méconnu de la prostitution, l’objectif pour nous a été de renforcer nos actions de plaidoyer locales avec le théâtre comme porte d’entrée : secouer le cocotier des préjugés, casser les coques idéologiques trop réductrices et concocter un cocktail de ré information et de sensibilisation…
Dans la rue comme sur les planches, même combat !!
Cécilia Nguyen, Stagiaire DEJEPS du programme RdR/prostitution, délégation de Normandie
Photos N&B : Alexandre Valin