Parmi les tristes nouvelles de ce week-end, nous avons appris la mort à Slaviansk sous les tirs de mortiers d’Andreï Mironov, infatigable défenseur russe des droits de l’homme, atteint au cœur de cette autre Europe qui se déchire sous nos yeux impuissants.
Tristesse et consternation pour nous qui l’avions connu, côtoyé, admiré à Moscou, Andreï était l’un des membres informels de cette constellation multiforme qui faisait notre “réseau” en terres russes.
Dans un fond de bar ou dans la pure tradition russe à la table d’une cuisine d’un appartement soviétique, de sa voix douce et décidée, il nous racontait les ressorts de la guerre en Tchétchénie, parlait de ses dernières visites pour Mémorial dans le Caucase. Avec son humour teinté d’amertume caractéristique des dissidents russes, dans un débit continu comme pour ne rien oublier et tout dire, il commentait pour nous l’évolution de la société russe, sans jamais se fatiguer de nous expliquer les racines de cette violence russe, soviétique puis post-soviétique. En plus d’être un compagnon de route, nous avons perdu un ami, toujours présent et disponible.Et malgré ses nombreux voyages en Europe et notamment collaboration avec des médias italiens, infatigable malgré les coups et la difficulté de la tâche, il avait choisi de continuer son travail (on peut là parler de mission) pour la défense des droits en Russie et dans l’espace post-soviétique.
Et finalement pas étonnés de le retrouver en Ukraine, au plus chaud des combats, pour rendre compte encore et encore de la souffrance des peuples sous les bombes.
Il était de cette société civile qui reste quand on termine nous un projet, et ses inébranlables motivations individuelles et leur inscription dans les combats collectifs de la dissidence russe, ont accompagné et permis à Médecins du Monde d’agir …. Sa mort doit nous alerter sur la dégradation et la violence qui grignote cette Ukraine européenne si proche de nous.
La mort d’Andreï nous envoit en pleine face l’ironie absurde de l’histoire, qui se répète encore et toujours.
Julia Krikorian, Joseph Dato, Paola BarilLa famille d’Andreï n’ayant pas les moyens pour les obsèques et le rapatriement du corps, une collecte parmi ses amis est prévue à laquelle nous pourrions nous associer, collectivement ou individuellement.
A lire son portrait sous la plume de Marie Jego dans le Monde: http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/05/26/andrei-mironov-1954-2014-militant-des-droits-de-l-homme-mort-a-l-est-de-l-ukraine_4426538_3382.html