Cet article est paru dans Le Fil Info Pays de la Loire de février 2015
L’ un des objectifs de Médecins du Monde sur ses programmes France est d’orienter les personnes rencontrées vers le système de santé du droit commun. Dans la pratique, l’accueil par la médecine de ville est loin d’être satisfaisant et suffisant. En octobre 2014, un groupe de travail transversal aux différents programmes de MdM Pays de la Loire, étoffé en octobre 2014 par des médecins libéraux, s’est constitué pour réfléchir à cette question de l’orientation. La consultation Jean Guillon du dispositif P.A.S.S ainsi que l’ASAMLA ont rejoint le groupe en janvier dernier. La problématique posée est comment faciliter l’accès à la médecine de proximité pour, entre autres, désengorger la P.A.S.S, réduire la file active du CASO, diminuer le nombre de recours « évitables » aux urgences et permettre aux personnes accompagnées un accès normalisé aux soins, dans le droit commun. Ce travail devra également prendre en compte la question de l’orientation sociale. En effet, si l’orientation médicale doit théoriquement fonctionner une fois les droits (AME ou CMU) obtenus, ce n’est pas toujours le cas de l’orientation sociale et les personnes continuent de consulter les assistantes sociales (de la P.A.S.S notamment) ou les intervenants MdM.
Des questions primordiales
Quels sont les freins qui empêchent médecins et publics en situation de précarité, de se diriger les uns vers les autres ? D’un côté, le retard dans l’ouverture des droits, l’incompréhension du système de santé, l’absence de plage horaire sans rendez-vous chez les généralistes et la difficulté de se déplacer. De l’autre, la barrière de la langue, l’absentéisme des patients, le manque d’information sur les conditions de vie des personnes et les différences culturelles.
Quelles améliorations peuvent alors être apportées pour remédier à ces freins ? La médiation sanitaire pourrait faire le lien entre les deux publics, permettre à chacun de dépasser ses appréhensions et donner des informations. Ensuite mettre en place un système d’interprétariat. Enfin proposer un accompagnement aux premiers rendez-vous pour que les personnes puissent se repérer géographiquement et dans les différentes étapes que sous-entendent un rendez-vous médical. Une formation des médecins sur la santé des personnes en situation de précarité devrait également être envisagée.
Recueil et analyse des besoins
Afin de réfléchir à la mise en place de ces solutions, trois sous-groupes de travail se sont créés. Le premier va recueillir la parole des praticiens. Un contact a donc été pris avec les médecins ayant déjà collaboré avec MdM et avec ceux pouvant être intéressés par cette action. Une expérimentation de l’interprétariat pourrait être envisagé si l’ARS apporte son soutien. Le deuxième va recueillir la parole des personnes rencontrées, en s’appuyant sur la thèse de Pauline Duret (ancienne interne) qui s’intéresse à ce sujet. Une trame de questionnaire a déjà été élaborée. Le troisième effectue un travail de recherche sur la question de l’interprétariat et les avantages de son utilisation. Des enquêtes ont déjà démontré que son recours permet de faire baisser les coûts de prise en charge (car moins de recours à des examens parfois coûteux pouvant se révéler inappropriés). Une enquête de l’ARS parue fin 2014 a également fait ressortir que les besoins en interprétariat sont disparates dans la région, un groupe régional de travail, piloté par l’ARS, pour harmoniser l’accès à l’interprétariat a d’ailleurs été constitué.
Des exemples concrets
Pour appuyer sa réflexion, le groupe s’est intéressé à l’exemple de l’URPS (union régionale des professionnels de santé) Alsace. Elle a mis en place un système d’interprète (de l’association Migration Santé Alsace) se déplaçant dans les cabinets et financé à hauteur de 800 heures par an par l’ARS Alsace. Plus proche de nous, la délégation Rhône-Alpes, après avoir recueilli la parole de médecins généralistes désireux de travailler avec MdM, a édité un livret très complet sur les particularités de la prise en charge de nos publics pour répondre aux difficultés des praticiens (lieux ressources pour orienter, précisions sur l’AME et la CMU, droit au séjour pour étrangers malades…).
Il s’agit donc de renforcer les capacités des professionnels de santé et des personnes en situation de précarité. Le groupe de travail se donne un an pour présenter à l’ARS un projet expérimental.
L’idée est, pour le moment, de choisir quinze médecins généralistes intéressés auxquels il serait proposé 100h d’interprétariat sur un an, soit la prise en charge de deux ou trois patients par médecins et 3 consultations par patients. Une évaluation sur les avantages, les difficultés… de cette solution serait réalisée ensuite dans la perspective d’un projet plus large pour 2017.