(c) Benoît Chabaud
Cet article est paru dans le Raban d’octobre 2014
Être à la fois enseignant en physique à l’Université de Grenoble et chercheur au CNRS, cela ne suffit pas à Benoit Chabaud. Il a besoin de plus. De retour de mission en Centrafrique, où il a passé un mois et demi en tant que “Responsable Terrain” volontaire pour Médecins Sans Frontières (MSF), il pense déjà à repartir en décembre. Pendant le reste de l’année, Benoit est aussi co-Responsable Mission du projet en Inde avec le Docteur Pierre Micheletti pour Médecins du Monde (MdM). Quand on lui demande d’où lui vient ce besoin d’engagement, il nous confie ses rêves d’enfant. Dès l’âge de 18 ans, il part seul et sans compétence particulière auprès des réfugiés afghans au Pakistan. A son retour, il suit des études d’ingénieur et met de côté son rêve. Mais en 2004, ses ambitions d’adolescent se concrétisent et Benoit se lance dans sa première expérience auprès de MSF : direction le Darfour. Depuis, il ne s’arrête plus. Il enchaine les missions en tant que volontaire et l’envie de repartir devient pour lui une forme d’addiction.
Lors d’une exposition de MSF à l’hopital de Grenoble, Benoit nous raconte Bocaranga en Centrafrique, d’où il vient de rentrer. Après un an de conflit inter-ethnique entre Séléka et Anti-Balaka, la végétation a repris le dessus dans la ville, devenue fantomatique. Le système de santé du pays, déjà précaire avant les violences, est paralysé. MSF décide de rouvrir l’hôpital de la ville et de prendre en charge la pédiatrie. Pendant sa mission, Benoit est responsable du projet s’assurant de la sécurité de la centaine de personnes qui constitue l’équipe.
À la difficulté de s’adapter aux situations d’urgence, s’ajoute celle, encore plus déstabilisante, du retour. Il gère cette brutalité du « changement de planète » en développant une stratégie qu’il aime appeler « schizophrénie volontaire » : accepter l’existence de deux univers aux référentiels disjoints, qu’il faut savoir maintenir séparés. Comment y parvenir ? Avoir une casquette pour chaque situation, comme l’illustre l’exemple de Benoit Chabaud.
