Troubles psychiatriques et prison : casser la spirale

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Comment réduire le nombre de « personnes souffrant de troubles psychiatriques majeurs (…) incarcérées de façon répétée pour des délits mineurs » ? Thierry Brigaud, président de Médecins du monde, Jean-François Corty (Médecins du monde), Claude-Olivier Doron, historien des sciences et Vincent Girard, médecin, proposent une voie pour des alternatives à l’incarcération.

 

La surpopulation carcérale endémique et la comparution immédiate sont deux travers du système judiciaire français qui s’entretiennent mutuellement au point qu’il serait illusoire de vouloir réduire l’un sans reconsidérer l’autre.

 

La comparution immédiate concerne de fait majoritairement les classes populaires, les jeunes, les personnes issues de l’immigration et celles vivant en situation d’exclusion. La prison aussi. Parmi ces populations réprouvées, les personnes sans logement et présentant des troubles psychiatriques sévères se trouvent doublement marginalisées. D’une part, elles sont exclues par le droit lui-même : l’article 144 du Code de procédure pénale exige une garantie de représentation devant la justice, et en particulier un logement, pour bénéficier d’une mesure en milieu ouvert et échapper ainsi à la détention provisoire. Le même article tend par ailleurs à discriminer les personnes dites « bizarres », qui peuvent être placées en détention provisoire au nom d’un risque présumé de réitération du trouble. Elles sont d’autre part exclues par le système de repérage des troubles psychiatriques, le plus souvent absent en comparution immédiate.

 

Dans ces conditions, des personnes souffrant de troubles psychiatriques majeurs sont incarcérées de façon répétée pour des délits mineurs, souvent en relation avec leur pathologie, laquelle, de surcroît ne leur permet pas de se défendre correctement. Les juges les envoient en prison avec pour principal argument qu’ils y seront soignés. Près de 22% des personnes incarcérées étaient en extrême précarité avant leur entrée en prison, dont sans doute la moitié sans logement; et 15 % présentaient une schizophrénie ou une psychose. La forte prévalence des troubles psychiatriques sévères dans les prisons françaises est connue et la France a été condamnée plusieurs fois, au niveau européen, pour avoir confondu la prison avec un lieu de soin… Malgré la présence de professionnels compétents dans les services médico-psychologiques régionaux (SMPR), les outils à disposition des soignants ne permettent en aucun cas d’aider les personnes à se rétablir socialement.  Or le problème majeur que rencontrent ces personnes avant de rentrer en prison est l’exclusion, qui s’aggravera à cause de la violence  et de la désocialisation induites. De fait, la prison n’est pas un lieu de soin et la mortalité de ceux qui en sortent est d’ailleurs plus élevée par rapport à la population générale.

 

Cette tribune est disponible en entier sur le site de Médiapart

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